L’orientalisme de Jean-Jacques Rousseau
Résumé
Mon « goût pour la rêverie […] devient une passion très vive. C'est ce qui arrive très fréquemment aux Orientaux ; c'est ce qui est arrivé à Jean-Jacques qui leur ressemble à bien des égards 1 ». L'orientalisme de Rousseau est avant tout perceptible dans les plus belles pages des Rêveries du promeneur solitaire, qui témoignent d'un bonheur éprouvé au sein de la nature, grâce aux expériences de la rêverie, de la déambulation intérieure et la de saturation sensitive. C'est par ce « bonheur oriental 2 » qu'il est possible d'expérimenter une félicité intérieure, consistant à jouir des délices du pur plaisir de se sentir exister, mais fondée sur une éthique de l'équilibre, impliquant une adéquation des désirs et de la puissance des facultés. Si la dernière oeuvre de Rousseau manifeste un orientalisme 3 capital pour saisir l'importance centrale de la philosophie du bonheur au siècle des Lumières, c'est sur fond d'une critique sousjacente de l'Orient qui innerve toute la seconde moitié du XVIII e siècle. Louée par de nombreux jésuites français dès la fin du siècle précédent, la Chine est en particulier l'objet d'un fort engouement pour des auteurs majeurs comme Bayle, Leibniz puis Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, son Siècle de Louis XIV et enfin dans son Essai sur les moeurs. La critique de cette contrée orientale est pourtant déjà en acte avec Montesquieu pour qui le « despotisme » chinois est fondé sur la « crainte », révélant un esprit social opposé aux valeurs du christianisme. C'est Diderot qui affichera la posture la plus hostile, position que relaieront d'Holbach dans ses Recherches sur le despotisme oriental, Grimm dans sa Correspondance littéraire et enfin Rousseau, dans le Discours sur les sciences et les arts, La Nouvelle Héloïse, le Contrat social, Les Confessions et l'Essai sur l'origine des langues.
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