!. Le-jour-de-mon-mariage, . Comme-une-misérable.-on-avait-rien-À-manger, and E. S. De-beaux-enfants-!-»-ensuite, Ayant trouvé avec M. Neuts tout ce qui lui manquait, la sécurité pour ses enfants, la stabilité d'une situation, le confort d'un foyer, elle s'engage pleinement dans la réussite de leur couple, en acceptant toutes les conséquences de cette nouvelle union : « j'ai été obligé de rester couchée huit mois pour avoir ma fille. Il m'avait repris avec quatre enfants, et il voulait un enfant. Mais le docteur avait dit que c'était dangereux, alors comme je voulais lui faire plaisir, j'ai dit : "c'est rien, je resterai couchée s'il faut lui donner un enfant" ! » Construit comme une solide fortification contre les menaces venant de l'extérieur, le couple que Mme Neuts forme avec son mari ne parvient pourtant pas à empêcher les malheurs d'arriver. Avec ses enfants, d'abord : il y a le décès de la fille aînée, dans un accident tragique dont elle est totalement responsable, et qui provoque un tel choc que l'épouse y perd la santé. Quelques années plus tard, c'est l'un des fils qui décède, tandis que ses deux autres frères sombrent dans l'alcoolisme. Puis maintenant avec son mari : à mesure que la maladie progresse et que les symptômes s'aggravent, c'est toute l'harmonie de leur vie quotidienne qui est perturbée. L'épouse essaie de surmonter cette nouvelle épreuve en puisant dans leur histoire commune la force d'agir : « il a été gentil, il m'a jamais frappé, jamais frappé un enfant, j'ai connu avec lui un bonheur inexplicable. Il faut avoir connu quinze ans de misère pour apprécier chaque parvient, comme ce matin, à effectuer des soins dans de bonnes conditions : « et alors quand j'enfile le maillot de corps tout chaud, comme mes collègues le font également, oh c'est bon, c'est chaud, il aime bien. Il est toujours en douceur, et au chaud. » Pour faire face à certaines réactions impulsives ou imprévues, Brigitte a aussi réfléchi à l'attitude qu'il convient d'adopter dans la pratique des soins. Contrairement aux injonctions sur le respect des personnes qui imposent de frapper avant d'entrer dans une chambre, et a fortiori au domicile, l'aide--soignante a appris à entrer chez le couple d'une manière quasi naturelle : « nous ne frappons jamais, nous entrons directement chez Mr et Mme Neuts. C'est l'habitude, parce qu'au départ nous frappions à la porte et systématiquement M. Neuts venait et il nous claquait la porte au nez. Donc après? » Dans la toilette, Bernadette a remarqué que M. Neuts agissait avec rapidité, qu'il y avait de la précipitation dans ses gestes et qu'il risquait de s'énerver dès qu'il n'arrivait pas à faire quelque chose. L'aide--soignante commence donc par prendre le temps de discuter lorsqu'elle arrive ; elle vient s'asseoir quelques instants autour de la table à manger, et montre ainsi qu'elle n'est pas pressée. Bernadette essaie de temporiser son intervention, car elle sait qu'elle va devoir suivre le rythme qu'il lui impose, et qu'elle devra très vite changer l'ordre des soins ou sa manière d'agir, si elle s'aperçoit que M. Neuts se bloque ou qu'il se retrouve en échec. Ce matin par exemple, l'aide--soignante a modifié le déroulement de son intervention pour marquer une pause à la place d'un enchaînement : « une toilette, ça demande de l'énergie, de la concentration et tout. Cool, cool parce que lui il embraie vite, et quand il est oppressé, après il est agressif. Donc j'ai dit on a le temps, on va y aller calmement, très en douceur, c'est le mot ! Et quelquefois je fais différemment. Les chaussures sont déjà là, Mme Neuts les prépare pour qu'on lui mette tout de suite après la toilette, dans la salle de bain? Tandis que là, ce n'était pas le cas, j'ai senti qu'il était fatigué, qu'il voulait s'asseoir. On devait sortir après, mais je l'ai d'abord ramené dans la salle à manger. Et il était réceptif, donc je me suis dit ça va marcher. Donc je l'ai fait dans un autre sens, et ça a été aussi. Donc je dis ben voilà, M. Neuts, on va mettre les chaussures, donc il met ses pieds, et je termine. Je dis on met la casquette, je lui tends la casquette, il met la casquette. Je lui tends la veste, il met la veste. » Pour Bernadette, la pratique des soins ne consiste pas à appliquer une technique, ni à suivre la liste des actes qui sont prévus. Soigner M. Neuts, c'est aller au devant de l'inconnu, et l'aide--soignante mobilise toutes ses capacités d'appréciation pour prendre en compte la manière dont il réagit et ce que la toilette fait surgir comme manifestation de sa part. Finalement, c'est ce qui se passe dans la relation avec lui qui est primordial, car c'est son état présent qui détermine autant ce qu'il est possible de lui demander, que la manière de le faire. Ne pouvant recourir au langage pour apprécier quel est l'état du moment de M. Neuts, l'aide--soignante a appris à repérer d'autres signes. Lorsqu'elle entre dans la maison, Bernadette essaie de sentir quelle est son humeur, pour savoir comment l'aborder et le mobiliser pour les soins. Par exemple, pour lui dire bonjour, Bernadette lui serre la main, et en fonction de la force que l'ancien boxeur met dans sa poigne, selon qu'il lui écrase plus ou moins les doigts, elle a une indication sur son niveau de motivation : « il me la lapide aussi. Et là, en douceur et toujours avec son sourire et ses yeux souriants, je dis merci pour votre accueil souriant, M. Neuts. Avez--vous bien dormi ? Oui et tout, je ne me mets jamais en route tout de suite parce que je ne sais pas ce qui s'est passé avant. » Pour faire sa toilette, l'aide--soignante n'instaure pas un rapport d'autorité, mais privilégie la coopération en valorisant tout ce qu'il est encore capable de faire : « je ne fais pas pour lui, je savonne le gant, je lui tends. Ah oui, tout ce qu'il peut faire, ça ne prend pas plus de temps, et moi j'estime que c'est leur intimité, leur indépendance. » Bernadette essaie de maintenir son autonomie, et la présence des troubles ou des démences causés par la maladie d'Alzheimer ne l'empêche pas de regarder M. Neuts comme une personne qui a encore des capacités. Elle observe qu'il continue à s'habiller tout seul, même s'il oublie de mettre un slip, qu'il met ses maillots à l'envers ou qu'il ne change pas ses vêtements sales, il conserve tout de même une idée de la propreté, et un souci de son hygiène. Bernadette a appris par son épouse que M. Neuts a toujours été un homme soigneux de son apparence, et elle s'emploie à respecter cette personne--là. C'est de cette manière qu'elle cultive une certaine complicité avec lui : « quand j'ai terminé, je dis, Elle subit cette violence avec d'autant plus de détresse que cette fois il n'est plus possible de fuir : « chez nous le divorce, ça n'existait pas. Alors je suis restée avec lui, il buvait, il cassait tout dans la maison, il nous faisait tout voir : je passais des nuits entières dans les escaliers, qu'il voulait jeter les enfants par la fenêtre. » Elle évoque sa vie de femme battue sans la moindre pitié pour son ancien mari, et parle sans honte des mauvais traitements qu'elle a dû supporter : « il travaillait pas les trois quarts du temps, il faisait que boire. Quand j'avais les allocations, je me dépêchais d'acheter du riz, des pates, de l'huile, tout ce que je pouvais conserver, et j'étais obligée de cacher les provisions

«. , espère ne pas me prendre un pain » : blocage et coopération

, Et comme c'est un démarrage de toilette, après il y aurait eu blocage ou des choses comme ça. Donc moi je ne veux pas que ce soit dommageable pour lui, mon but c'est ça. Et donc, comme il ne venait pas, la bassine est venue à lui. » Bernadette délocalise seulement le bain de pied ; le reste de la toilette implique de se rendre dans la salle de bain. Pour le faire lever de sa chaise, une occasion se présente soudain : le médecin traitant vient d'arriver pour la consultation de Madame, et celle--ci demande à tout le monde, mari compris, de sortir de la salle à manger pour la laisser seule avec le médecin. À peine M. Neuts est--il levé que Bernadette lui tient déjà le bras et profite du mouvement général pour l'emmener avec elle dans la salle de bain, sans qu'il oppose alors la moindre résistance. Mais un nouveau blocage survient après la toilette. Il est prévu que l'aide--soignante réalise une séance de réhabilitation, et Bernadette propose à M. Neuts d'aller faire une promenade. L'épouse a préparé cette sortie en mettant les chaussures de son mari en évidence à côté de la salle de bain, pour qu'il les enfile sitôt sa toilette effectuée. Mais l'aide--soignante se rend compte qu'il n'a pas l'air disposé à sortir : « j'ai voulu prendre ses chaussures et mettre son pied, et là il m'a regardé, et je savais qu'il aurait refusé. Parce que son regard, moi je le connais maintenant. Et son regard ça voulait dire je reste là. » Bernadette n'insiste pas, et comprend que M. Neuts veut rester chez lui, auprès de son épouse qui est en train de me parler. L'aide--soignante l'entend même murmurer quelque chose comme : « je veux rester écouter parler. » À la place de la promenade prévue, elle le raccompagne jusqu'à sa chaise, et elle vient s'installer à côté de lui, en posant sur la table le jeu Who's who? pour faire la séance d'activité. Comme lorsqu'il refuse les soins au cours de la toilette, l'aide--soignante préfère ne pas insister pour l'emmener en promenade. Si elle décide rapidement de renoncer à l'activité prévue, c'est aussi parce qu'elle sait que l'épouse approuve cette manière de faire : « le docteur Nissem [le neurologue] avait bien dit à Mme Neuts, si il y a un blocage, c'est pas parce qu'il ne va pas être lavé une journée, votre mari, que? ce n'est pas gênant. Et elle, elle a bien assimilé ça. » Au cours de l'entretien, Bernadette s'interroge sur le blocage de M. Neuts. Pourquoi a--t--il manifestement refusé d'aller se promener, alors que d'habitude il apprécie cette sortie ? Bernadette considère d'abord que la présence d'un observateur, ajoutée à la sienne, a pu le perturber : « il y avait tout d'un coup des individus en intrusion, il ne sait pas mettre un sens là--dessus, il n'est plus rationnel. » Mais elle a aussi remarqué un curieux phénomène : les réactions de M. Neuts semblent s'aligner sur l'humeur ou l'état émotionnel de son épouse. Chaque fois qu'il ne sait pas comment répondre à une demande, ou faire ce qu'on attend de lui, il regarde son épouse telle une boussole, qui lui indiquerait dans quelle mesure il peut se laisser guider par un autre. Et si lors des soins, il n'est pas réceptif aux stimulations de l'aide--soignante, l'influence de son épouse est déterminante : « elle sait l'amener d'une bonne manière, quand elle lui dit, clac, le déclic il s'opère. » Or l'intervention de Bernadette a été perturbée par la présence de l'observateur, avec lequel Mme Neuts s'est longuement entretenue, Le récit de Bernadette décrivant comment elle parvient à effectuer la toilette de M. Neuts dans de bonnes conditions contraste avec les nombreux incidents qui sont signalés par les soignantes. Comme ses collègues, Bernadette s'est trouvée confrontée à plusieurs reprises à des menaces de la part de M. Neuts. Dès le début de la prise à charge, elle se rappelle qu'il manifestait une certaine hostilité, d'autant plus impressionnante qu'il l'exprime physiquement : « tout au début quand on intervenait, il a fallu vraiment y aller, il fallait vraiment y croire aussi chez M. Neuts. Et aussi le fait qu'il était sur la défensive, à nous mettre dehors? C'est un homme, sur 200 matches de boxe, il en a gagné 150 ! » Si les soignantes ont appris à anticiper certaines situations susceptibles de déclencher de l'agressivité, la réalisation des soins reste néanmoins fortement variable d'un jour sur l'autre. Alors que l'intervention de Bernadette s'est déroulée cette fois en douceur, comme sur « du velours », plus tôt dans la semaine un incident s'est produit au cours de la toilette : M. Neuts a refusé de changer ses vêtements sales. L'aide--soignante a ressenti une certaine frayeur : « en voulant ôter le pantalon, non non

J. Ne, Sous cet angle, le blocage de M. Neuts semble pouvoir s'expliquer par l'absence du signal de son épouse : il ne se bloque pas parce qu'il sent que son épouse est opposée à la promenade, mais parce qu'il ne parvient pas à déterminer si elle y est favorable. L'implication de Mme Neuts semble donc être décisive, autant sur les réactions que son époux peut manifester au cours des soins que dans la manière dont les soignantes font face aux difficultés. Pourtant, lorsqu'elle est confrontée à un blocage

M. Au-sein-de-l'équipe-spécialisée and . Neuts, Au bout de 30 min, je lui ai proposé de mettre les poubelles? ça a permis de « calmer » la situation. En rentrant, j'ai pu l'accompagner à la toilette. Donc effectuée? Hier, M. a été chez la voisine, une « chose » qui ne s'était jamais passée? comme quoi, « un moment n'est pas l'autre ». Lors des réunions de l'équipe spécialisée, une réflexion est menée sur cette violence qui se manifeste au cours des soins. En rapportant les faits qui se sont produits, et en s'interrogeant sur leurs propres réactions, les soignants tentent de mieux cerner cette violence, pour apprendre à parer ce risque. Quelques jours seulement après l'observation, un nouvel incident a lieu, plus grave que les autres car cette fois M. Neuts ne s'est pas contenté de menaces, il est passé à l'acte. C'est Bernadette qui intervenait, et un entretien est effectué à l'improviste et à chaud, pour qu'elle parle de ce qui s'est passé. Comme ses collègues, elle a déjà été confrontée à l'agressivité de M. Neuts, et elle pouvait tolérer cette violence car il s'agissait de réactions défensives, mais jamais d'attaque. Suite à ce nouvel incident, Bernadette est choquée, car c'est la première fois qu'il lui porte un coup : « mais là, il m'a vraiment frappée sur les mains assez fort, en claquant très fort, très très fort. » La scène s'est déroulée lors de la toilette : « j'avais l'impression qu'il se sentait enfermé dans cette salle de bain, p.264

M. Le-sollicite, L'aide--soignante se rend compte qu'il est impossible de poursuivre normalement la toilette, et qu'elle doit écourter son intervention : « et tout d'un coup il s'est retourné, face à son épouse, il a dit pousse--toi ! Il fallait vraiment qu'elle se pousse. J'ai dit "Mme Neuts, poussez--vous". Elle s'est reculée il a bondi dans la salle à manger, il est sorti en maillot de corps. Donc le pantalon bien sûr, il n'était pas enlevé puisqu'on évite de tout enlever. Il s'est assis, là moi j'ai dit on va faire autrement. J'ai ramené la bassine et tout pour terminer la toilette du bas et qu'il change son slip. Alors elle dit : "allez, tu enlèves ton pantalon !" Il a pratiquement arraché ce pantalon quitte à se déséquilibrer, il se tenait d'une jambe, je n'ai pas mis les mains, j'ai laissé faire, et ça a été. Je lui ai tendu le gant, il s'est bien lavé. J'ai dit : "les pieds, Mme Neuts, on les laisse comme ça, il a eu son bain de pied la veille, on s'arrête là". » L'arrêt des soins ne suffit pas à faire retomber la pression car au moment de partir, il se produit un nouvel incident : Bernadette se fait accrocher par M. Neuts. Si jusque là l'aide--soignante était restée silencieuse et n'avait pas répondu à la violence, cette fois elle ne tait pas sa douleur et réagit à l'agression : « et donc, je vais vers lui comme je fais toujours, je prends sa main en disant au revoir, et il m'a broyé la main, mais alors? Oh, et lui, il a de la poigne ! Il m'a regardée, et il a dû sentir que j'avais eu très très mal, soignante se rend compte que M. Neuts est agité, mais elle procède normalement : « je l'avais d'abord invité à rentrer dans la salle de bain, avec le geste, il est venu, il m'a regardé assez méchamment, je l'ai ressenti comme ça, et j'avais allumé la lumière parce que vu le temps? Et il a fermé la lumière, fermé la porte et il m'a laissée dans la salle de bain. » Bernadette reste un moment surprise par cette réaction, puis elle décide de renouveler sa tentative

, Neuts, en l'imitant quand il montre les poings : elles se mettent sur leur garde, en le regardant méchamment comme lui le fait, mais avec suffisamment d'exagération pour qu'il comprenne la plaisanterie. Face à un tel numéro, il se met généralement à rire, et son agressivité disparaît dans un sourire, Parmi les soignantes, il suscite diverses réactions. Certaines expliquent qu'elles « jouent » avec M

. Aussi, Au départ, l'infirmière coordinatrice réalise une évaluation globale de la situation ; elle recueille notamment les différents éléments de son dossier médical, et prend ainsi connaissance de son état de santé. Comment l'intervention de l'équipe spécialisée vient--elle à présent s'articuler avec le suivi et les traitements médicaux de M. Neuts ? L'infirmière coordinatrice prend contact rapidement avec le médecin traitant, car une prescription médicale est nécessaire pour débuter les interventions. En revanche, avec le neurologue qui suit M. Neuts, elle n'a pas de relation directe, mais celui--ci accepte de lui envoyer le compte rendu de sa dernière consultation. Par rapport aux symptômes qui sont décrits et aux différents traitements qui sont prescrits, que révèle la pratique des soignants de l'équipe spécialisée sur le traitement des troubles ? Au cours de l'enquête, pour approfondir cet aspect médical de la prise en charge de M. Neuts, deux entretiens ont été effectués, un avec le neurologue, un avec le médecin traitant. À la consultation Mémoire et Troubles Cognitifs, M. Nissem est le neurologue qui suit M. Neuts depuis le début de sa maladie. Il se souvient l'avoir examiné pour la première fois en 2004. À ce moment--là, malgré les inquiétudes formulées par son épouse, la maladie n'est pas encore identifiée, car la symptomatologie n'est pas typique. Le neurologue le revoit l'année suivante, et cette fois les symptômes ont évolué et s'apparentent davantage à la maladie d'Alzheimer. Le spécialiste décide de débuter un traitement anticholinastérasique, par Aricept à 5mg par jour. Il suppose que l'introduction de ce traitement a eu des effets favorables, puisque pendant deux ans il ne revoit pas M. Neuts : « un espèce de phénomène de rebond. C'est classique, on ne voit plus les familles quand ça ne s'aggrave pas. » Mais en 2007, lors d'une nouvelle consultation, l'épouse lui signale l'apparition de nouveaux troubles : son mari déambule pendant la nuit, et il s'alimente de manière boulimique pendant les repas, Mais elle redoute que cette stratégie ne soit plus suffisante pour prévenir la violence, et envisage même la possibilité d'exercer son droit de explicitement dirigée sur les symptômes de la maladie, pour les soignantes, l'état de M. Neuts ne se limite pas à la manifestation des troubles. Les soins mettent au premier plan les relations que celui--ci conserve avec son épouse, et l'analyse de la toilette révèle les habitudes, les préférences et les goûts auxquels son comportement reste attaché

M. Nissem, Pour la rassurer, les aides--soignantes se montrent disponibles, elles n'hésitent pas à s'arrêter pour se mettre à son écoute, et elles vont chercher de quelle manière se comporter avec elle pour obtenir sa confiance. Bernadette remarque que certains jours, Mme Neuts paraît endurer certaines douleurs beaucoup plus vives que d'habitude. Elle lui propose des soins de massage ou de bains de pied qui pourraient la soulager, mais Mme Neuts décline l'offre et affirme que c'est uniquement sa fille qui s'occupe d'elle. Sans renoncer à lui apporter un peu de bien--être, les aides--soignantes vont alors découvrir que c'est lorsqu'elles la soutiendront dans son rôle d'épouse que Mme Neuts va leur accorder son estime. Bernadette connaît bien ses goûts, et elle lui propose des petits services : « j'ai même fait un petit plus pour Mme Neuts, parce qu'elle recherche des slips pour son mari, et là j'ai reçu les Trois Suisses où je commande toujours, et j'ai trouvé des slips qui ressemblent le plus à ceux qu'il avait, mais il n'y a plus d'élastique, il faut les changer et dans le commerce on n'en trouve pratiquement plus, c'est avec une poche ouverte ici. Donc du coup, j'ai mesuré sa taille ce matin, et j'en commande quatre. » En apprenant comment faire pour soutenir Mme Neuts, les aides--soignantes vont orienter le travail de réhabilitation vers le couple. Il ne s'agit plus seulement d'avoir une action par rapport aux symptômes psycho--comportementaux de la maladie, mais d'engager aussi une certaine forme d'éducation thérapeutique. Comme c'est l'épouse qui est l'aidante principale et qui gère au quotidien la prise en charge de son mari, l'équipe spécialisée va lui proposer certains conseils pour adapter les aides, et l'accompagner dans sa décision de changer d'aide à domicile. Lorsque Mme Neuts confie à Bernadette ses doutes sur sa capacité à imposer sa décision, l'aide--soignante la conforte sur la légitimité de son autorité : « Madame, elle dit "je ne sais pas trop comment je vais lui dire ça". Je dis "Mme Neuts, c'est une dame qui vient faire une prestation chez vous. C'est vous qui décidez, Concernant les troubles du sommeil et les réveils nocturnes signalés par l'épouse, le neurologue n'est pas surpris, car ils sont fréquents dans la maladie d'Alzheimer, et ils s'expliquent ici par le fait que M. Neuts est somnolent au cours de la journée

C. Cependant, Et la dernière fois, tout d'un coup, je l'ai vu arriver, il nous a apporté un verre d'eau. Pour elle, c'est un cadeau royal. C'est un homme qui a toujours offert à sa femme des petits soins. Il lui fait encore des petits bisous en passant devant elle, c'est merveilleux ! » « On a démarré quelque chose de formidable » : comment passer le relais ? La prestation de soins d'accompagnement et de réhabilitation dont bénéficie M. Neuts a une durée limitée. Normalement, il est prévu que les équipes spécialisées réalisent un certain nombre de séances, et bien que celui--ci doive être déterminé par rapport aux objectifs de la réhabilitation, les autorités sanitaires ont plafonné la prestation à quinze séances. À l'issue des interventions, une solution relais peut être envisagée pour continuer la prise en charge. Dans le cas de M. Neuts, il s'agit d'une prise en charge dite globale, c'est--à--dire que les deux séances de réhabilitation prévues chaque semaine s'ajoutent au passage quotidien d'une soignante pour la toilette. Au moment où l'enquête commence, il y a déjà eu deux renouvellements successifs de la 272 prestation : l'équipe spécialisée intervient depuis six mois, et les aides--soignantes ont effectué une cinquantaine de séances d'activité. L'infirmière coordinatrice, Hélène, est bien consciente de ce débordement. Cependant, comme l'équipe spécialisée est encore dans une phase expérimentale lorsque la prise en charge de M. Neuts débute, elle n'est pas obligée d'appliquer des critères de gestion que les autorités sanitaires n, Bernadette reste vigilante sur les risques de son propre rôle, et pour ne pas influencer la décision de Mme Neuts, elle refuse de critiquer l'aide à domicile et se garde de faire la publicité de son association

M. L'infirmière-coordinatrice-entre-en and . Neuts, Hélène a rapidement perçu que la fille était très impliquée auprès de ses deux parents, et que si elle déléguait les soins pour son père, elle restait néanmoins très présente, en venant chaque jour aider sa mère le matin pour la toilette. Elle passe avant les aides--soignantes, donc en principe elles ne se croisent pas, mais il arrive que la fille repasse dans la matinée, et qu'elle prenne le temps d'échanger quelques mots avec la soignante présente à ce moment--là. Bernadette a ainsi constaté que la fille se montrait pleine de confiance envers l'équipe spécialisée, qu'elle appréciait les interventions, et paraissait soulagée de pouvoir leur passer le relais. Mais elle a aussi observé que la fille paraissait épuisée, qu'elle semblait avoir accumulé beaucoup de tensions et manifestait des signes d'une fatigue nerveuse qui la rendait fragile. Auprès des soignantes, l'infirmière coordinatrice dresse une image extrêmement positive de la fille, insistant sur son courage, son dévouement, et toute l'affection qui la lie à ses parents. Mais lorsque les soignantes lui font part de leur question sur son état de fatigue, Hélène comprend qu'il s'agit d'un signal. Les soignantes l'ont également informée que Mme Neuts souhaitait changer d'aide à domicile, et pour Hélène, c'est l'occasion de faire le point sur l'organisation de la prise en charge. L'infirmière coordinatrice reprend contact avec la fille, car c'est elle qui a pris l'initiative de la demande et qui fait les démarches pour obtenir une prestation

, Neuts a entendu sonner, il s'est précipité à la porte, en accueillant les deux dames qu'il aperçoit avec un grand sourire et en poussant un « bonjour » retentissant. Puis, en leur serrant la main, il s'exclame : « vous avez les mains froides. » Pour un malade d'Alzheimer qu'elles s'attendent à trouver dans un état assez avancé, cette première impression a de quoi être trompeuse pour les évaluatrices. Hélène a tenu à être présente lors de cette visite, précisément pour cette raison, car elle n'a pas entièrement confiance en la qualité de l'évaluation que réalise l'équipe médico--sociale. Elle sait d'expérience que bien souvent, les plans d'aide que propose le Conseil Général sont inférieurs aux besoins des personnes, en particulier pour les malades d'Alzheimer dont le degré de dépendance peut être difficile à mesurer correctement avec la grille AGGIR. Aux informations que vont donner la mère et la fille, l'infirmière coordinatrice ajoute certains éléments pour compléter leurs réponses, occupant de manière informelle une fonction de représentante des besoins de M. Neuts. Par exemple à la question « M. Neuts est--il encore capable de s'habiller tout seul ? », la mère et la fille répondent positivement, mais Hélène nuance la réponse, en expliquant que M. Neuts peut encore s'habiller tout seul dans la mesure où il y a quelqu'un à ses côtés, qui lui dit ce qu'il doit faire et lui donne les vêtements qu'il doit mettre, Conseil Général vient évaluer l'état de dépendance de M. Neuts. Elle se souvient d'un incident, qui a jailli jouer en la défaveur de celui--ci : avec l'épouse et la fille, Hélène patientait dans la salle à manger, et tout à coup, lorsque M

. M. Le-conseil-général, Pour la réalisation des soins d'hygiène, elle pense poursuivre l'intervention de l'équipe spécialisée jusqu'à la fin de la prestation en cours, après quoi elle proposera au SSIAD de l'association de venir faire la toilette de M. Neuts. Pour transmettre leur savoir--faire, les soignantes de l'équipe spécialisée pourront intervenir en doublon avec l'une de leurs collègues du SSIAD, qu'elles formeront pendant une ou deux semaines, ce mode d'apprentissage se pratiquant déjà dans d'autres situations. Pour l'aide à domicile en revanche, comme Mme Neuts a décidé de se séparer de l'ancienne et s'est adressée à l'association pour en avoir une nouvelle, il n'y a pas de continuité. Cependant, l'infirmière coordinatrice prévoit de transmettre à la responsable de secteur certains conseils à destination de l'auxiliaire de vie sociale qui interviendra. La proposition de l'accueil de jour est plus risquée : c'est Hélène qui a insisté auprès de la fille pour en faire la demande, et maintenant que le financement est accordé et qu'il va falloir concrètement organiser le séjour, personne ne sait comment vont réagir M. et Mme Neuts à cette séparation. Enfin, l'intervention d'une auxiliaire de vie sociale pour la toilette du dimanche est justifiée par une limite que l'équipe spécialisée est en train d'établir. Mais là encore, les transmissions de l'infirmière coordinatrice ne vont pas directement à l'intervenante et passent par sa responsable de secteur et, de plus, aucune période de formation n'est prévue pour un doublon entre l'auxiliaire de vie et les aides--soignantes. Pour l'association, il s'agit là d'une autre limite, liée au financement de l'aide à domicile, qui ne permet pas de réaliser des temps de coordination avec les intervenants. Dans les mois qui suivent ce plan d'aide, la situation de M. Neuts continue d'évoluer, et de se dégrader. Les épisodes d'agressivité sont toujours aussi fréquents, mais en plus, c'est l'épouse à l'extérieur. Avec l'accord de la fille, Neuts est catégorisé en GIR, vol.4

. C'est-par-l'épouse-que-l'équipe-spécialisée-en-est-informée, Mais l'équipe spécialisée ne sait pas ce qui s'est passé, la responsable de secteur non plus, et les aides--soignantes regrettent de ne pouvoir échanger avec l'auxiliaire de vie. L'infirmière coordinatrice est partagée entre la nécessité de passer le relais et le risque de perdre les résultats du travail de longue haleine que l'équipe spécialisée a le sentiment d'avoir accompli. Bernadette exprime parfaitement le raisonnement qui pousse Hélène à poursuivre les prestations de l'équipe spécialisée : « on a démarré quelque chose de formidable, et il faut surtout pas de dérapage, parce que pour moi, ce n'est pas cohérent, Il faut du sens à ce qu'on fait aussi, et c'est surtout dommageable après pour M. Neuts. Pour moi

, Mais l'équipe spécialisée a été informée que le couple souhaitait s'en séparer

. L'épouse-a-décidé-de-changer-de-prestataire, Lucile explique qu'au niveau du ménage, il n'y avait rien à reprocher à Mme Bouchot, mais que c'est son comportement avec son père qui devenait problématique. Elle se montrait parfois autoritaire avec sa mère, et insistait pour lui faire sa toilette, alors que personne ne le lui avait demandé. Pour expliquer le malaise ressenti par sa mère, Lucile mentionne une anecdote. Elle était passée un après--midi chez ses parents en même temps que l'auxiliaire, et c'était l'heure de boire le café. L'aide à domicile fait le service, et elle va chercher dans le buffet la boîte de chocolats que Mme Neuts lui propose habituellement. Mais cette fois--là, elle s'est permis d'offrir à M. Neuts un chocolat pour le récompenser, dit--elle, de l'avoir aidée dans les tâches ménagères, en tapant la poussière du tapis. Or M. Neuts est diabétique, et son épouse veille à ce qu'il ne consomme pas de sucre en dehors des repas. La mère et sa fille n'ont pas apprécié que Mme Bouchot déroge à cette règle. Pour elles, ce comportement révèle son incapacité à bien gérer la maladie de M. Neuts. Que révèle ce changement sur l'attente de l'épouse et de sa fille vis--à--vis de l'intervention d'une aide à domicile ? Pour examiner cette question, un premier entretien est effectué avec Mme Bouchot, elle rompt le contrat avec l'association qui emploie Mme Bouchot et s'adresse à la même association, qui gère l'équipe spécialisée, pour demander une nouvelle aide à domicile

, « Je n'ai jamais pu toucher à Monsieur » : un débordement intrusif

, Neuts se montrait très gentil avec elle, acceptant sans broncher de changer de pièce quand elle passait la serpillière. Mais l'échange avec lui était déjà très limité : « quand on voulait parler? souvent il répondait à côté. » C'est la fille, Lucile, qui l'informe de la maladie de son père, car on ne lui a rien dit à ce sujet. Progressivement, elle voit l'état de M. Neuts se modifier, et elle a de plus en plus de mal à lui faire accepter de se déplacer : « ne serait--ce que de bouger sa chaise, ça le dérange. Donc je l'envoyais, et quand je voyais qu'il voulait revenir, je disais M. Neuts je dis non, attendez, je ferme la porte. Tant que la porte n'est pas ouverte, on ne peut pas venir, c'est tout, et quand c'est fini je vous ramène. » Elle remarque que M. Neuts n'aime pas se retrouver seul, et surtout séparé de sa femme, qui constitue son véritable repère. Il est aussi de moins en moins actif à la maison : alors qu'il faisait la vaisselle et préparait le café, c'est désormais elle qui s'en occupe. Les troubles deviennent de plus en plus visibles, comme lorsqu'il oublie de mettre le filtre à café ou bien l'eau dans la cafetière. Puis l'auxiliaire observe les premières manifestations de l'agressivité : « ça a commencé après, mais je pense que c'est à partir du moment où il n'a plus voulu faire sa toilette tout seul. Donc Madame a dû le sermonner pour qu'il fasse sa toilette tout seul. Il ne voulait plus faire sa toilette. Il disait qu'il se lavait, c'était pas vrai. » Son comportement devient de plus en plus difficile à gérer, Mme Bouchot est employée comme aide à domicile depuis trente ans. Elle a 58 ans, n'est pas diplômée et, à son âge, elle ne voit pas l'intérêt de suivre une formation car elle pense s'arrêter de travailler bientôt. Elle est intervenue pendant trois ans chez M. Neuts, deux fois par semaine pour l'entretien du logement, cette aide étant financée par la CRAM. Elle se souvient qu'au début M

M. Comme, Son remplacement lui est présenté par l'épouse comme l'effet involontaire d'une réorganisation de la prise en charge : pour bénéficier de l'APA, le Conseil Général aurait imposé au couple de ne prendre qu'un seul prestataire. Puisqu'il est prévu que M. Neuts aille à l'Accueil de jour, géré par la même structure qui fait intervenir l'équipe spécialisée, ils sont donc contraints de se séparer de Mme Bouchot qui est employée par une autre association. Bien que l'aide à domicile manifeste son mécontentement, elle n'envisage pas l'arrêt de ses interventions comme un désaveu : « j'ai laissé des livres avant de partir, il faut que j'aille les rechercher. Ça ne me dérange pas. Je passe une fois par mois lui donner de la lecture, et puis voilà? lui donner un petit coucou. Elle me dit "vous n'allez pas nous laisser tomber !" » À travers ses interventions, l'aide à domicile s'est aperçue à quel point la fille de M. Neuts était impliquée dans l'aide. C'est Lucile qui a pris contact avec Mme Bouchot -elles se connaissaient déjà - pour lui demander de venir chez ses parents. C'est également elle qui a fait les démarches au niveau de l'association pour constituer un dossier et obtenir un financement d'heures d'aide à domicile. Mme Bouchot sait que Mme Neuts ne souhaitait pas recevoir de l'aide venant de l'extérieur, et pense que c'est grâce à Lucile qu'elle a été acceptée, Elles découvrent qu'elles sont toutes les deux de grandes lectrices de roman, et elles se prêtent des livres qu'elles ont aimés, discutant ensuite de leur avis et partageant leur enthousiasme ou leur déception, comme le feraient des critiques littéraires. Bien que M. Neuts ne participe pas à leur conversation, il apprécie les moments de convivialité qui ponctuent les interventions, comme par exemple la pause café : « le lundi après--midi, il y avait la cafetière qui était prête. Elle me disait Mme Bouchot, vous voulez un petit café ? Il y a juste à appuyer sur le bouton. Et lui, il appréciait son café du lundi après--midi. Il était à peine versé qu'on touillait pour lui, et Monsieur buvait son café et il était content : "ça goûte bon le café !" Quand je venais il avait droit au petit café

, Après je lui ai demandé, la première fois, quelle méthode elle utilisait. Elle m'a dit vous faites la vôtre. Donc j'ai fait comme je fais. » Alors que l'auxiliaire ne ménage pas sa peine pour venir à bout du travail qui lui est demandé, elle écoute Mme Neuts lui parler de l'ancienne aide à domicile, avec des propos très critiques à son égard : « elle me disait que c'était une dame qui prenait toutes les décisions à sa place, qu'elle faisait tout ce qu'elle voulait, qu'elle n'avait rien à dire, la dame se croyait chez elle. » Émilie entend dans ce discours un avertissement, celui de respecter le mode de vie du couple. Elle découvre aussi les règles de la maison : elle n'a le droit de toucher ni aux vêtements, ni au lit. Pour l'instant, Émilie a choisi d'adopter une position attentive : elle accepte de faire ce que Mme Neuts lui demande, et n'a rien essayé d'imposer comme activité pour Monsieur, d'autant que la météo pluvieuse des derniers jours l'empêche de proposer une promenade. Tout en acceptant l'autorité de l'épouse, l'auxiliaire découvre le personnage, observe son comportement, et réfléchit à la manière dont elle va négocier ses interventions : « après je vais apprendre à la connaître, et après je vais mettre les points sur les i et lui dire « aujourd'hui, c'est le jour à votre mari !" Si après ça ne va pas, je peux contacter ma responsable, mais là je n'ai pas trop montré en fait ce que je voulais faire avec Monsieur, parce que Madame est très? elle commande ! » L'épreuve du changement d'aide à domicile fait émerger les attentes de Mme Neuts dans la relation avec l'intervenante. D'une part, il semble que la décision de faire remplacer l'ancienne auxiliaire de vie par une nouvelle corresponde pour l'épouse à une tentative de restaurer son autorité. Mais d'autre part, certains éléments indiquent aussi que Mme Neuts cherche à partager une certaine affinité avec l'auxiliaire de vie, qu'elle n'avait peut--être plus avec Mme Bouchot. Par exemple, alors qu'elle nommait l'auxiliaire de vie par son patronyme les toutes premières fois, elle se met maintenant à l'appeler « Melle Émilie ». Mme Neuts lui adresse même certains compliments : elle l'a informée de sa participation à l'enquête, et l'auxiliaire l'écoute égrainer tous les drames de son histoire de vie : « de sa vie? celle de ses enfants, ses soucis, tous ses problèmes de santé. Dès le premier jour, elle m'a tout expliqué. » Si l'épouse a beaucoup parlé d'elle, Émilie se souvient qu'elle s'est aussi montrée curieuse à son sujet, mais l'auxiliaire de vie préfère rester discrète, et lui en dit le moins possible sur elle--même. De même, dans la conversation avec Madame, Émilie reste prudente : « je l'écoute, mais sans dire mon opinion, parce que ça ne me regarde pas de trop quand elle me parle sur ses enfants, sur ses belles--filles, moi je sais pas, je n'ai pas à dire mon opinion sur ce qui se passe, donc je l'écoute, c'est tout. » Avant la fin de son intervention, l'auxiliaire a terminé le repassage et comme il lui reste un peu de temps, elle se propose d'aller sortir les poubelles. Dans la foulée, elle demande à M. Neuts s'il veut bien l'accompagner : « voilà, je l'ai proposé, alors qu'il ne voulait pas au début, il faisait ça avec ses poings, mais après il a pris son manteau et il est venu avec moi

, En effet, quand on examine les interventions aussi bien du côté de l'ancienne aide à domicile que de la nouvelle auxiliaire de vie, c'est le positionnement du professionnel qui est en jeu. S'opposer à l'autorité de Mme Neuts conduit à l'échec de l'aide et à l'arrêt des interventions, comme le montre l'exemple de Mme Bouchot. Quant à elle, Émilie semble davantage rechercher un terrain de négociation : par exemple en proposant de diviser ces deux interventions par semaine, en faisant un jour de l'accompagnement avec Monsieur, et un jour les tâches que demande Madame pour l'entretien du logement, Mais quel rôle joue la structure dans cette négociation ? Par rapport à l'épouse et à la manière dont elle gère la prise en charge de M. Neuts

, Le profil d'Émilie réunit toutes les preuves de sa compétence : elle est diplômée, expérimentée, très appréciée par les personnes qu'elle aide, et considérée par sa responsable de secteur comme une bonne professionnelle. Dans un second temps, c'est au niveau de la définition de la mission que l'association répond aux attentes de Mme Neuts. L'intervention de l'auxiliaire de vie est séparée de la toilette, respectant ainsi le compartimentage des aides, et l'association, en demandant à l'intervenant de « composer avec avancer prudemment, se montrer conciliant, ne pas s'opposer à l'épouse, préférer la négociation, voire elle sous--entend que le résultat est incertain, que l'intervention peut échouer. Le positionnement des intervenants apparaît alors comme le résultat d'un art de la composition, où c'est en apprenant à agir au sein d'une organisation déjà en place, préexistante à leur intervention, et dont le fonctionnement repose sur une logique qui n'est pas explicitement formulée, qu'ils parviennent à se faire accepter. Au niveau de l'association, l'intervention d'une auxiliaire de vie auprès d'une personne bénéficiant déjà d'une prise en charge pour sa toilette interroge la coordination entre les services, ou le comportement à adopter si les troubles se manifestent ? Pour favoriser le démarrage des interventions de l'auxiliaire de vie

, En favorisant une meilleure coordination des professionnels, il devient alors possible d'améliorer et de renforcer la prise en charge effectuée par l'épouse, à travers notamment l'entretien des capacités de M. Neuts à participer aux activités, l'adaptation du comportement des intervenants face aux troubles, et les conseils qu'ils peuvent transmettre à son épouse. Par rapport à la pratique de l'aide, et à la difficulté à déterminer de quelle manière accompagner M. Neuts étant donné le peu de prises sur lui que laissent l'évolution de son état et la sévérité des troubles, le suivi des interventions est un enjeu pour l'association. Actuellement, ce suivi n'est pas formalisé au niveau des auxiliaires de vie : la responsable de secteur n'a pas 281 qu'un tel suivi, permettant l'analyse des pratiques, est indispensable pour réussir à « composer avec ». Lors des réunions d'équipe, les soignantes ont ainsi appris à mobiliser M. Neuts sans nécessairement passer par son épouse, mais en créant directement avec lui une relation. La coordination permet une circulation de ce savoir, Au niveau des intervenants, l'auxiliaire de vie est au courant que l'équipe spécialisée intervient chez M. Neuts, mais elle n'a aucun lien avec les soignants, elle ne participe pas aux réunions, et M. Neuts, c'est que la séparation entre l'aide et les soins n'est pas seulement le résultat d'une logique institutionnelle : elle répond également à la logique de « compartimentage » recherchée par l'épouse, qui vise à mieux gérer la manifestation des troubles

, Un personnel soignant se charge du transport, des repas, éventuellement des soins, et de toutes les animations effectuées avec le groupe. L'entrée de M. Neuts à l'accueil de jour fait partie du plan d'aide élaboré à l'occasion de la demande d'APA. Constatant que la situation devenait de plus en plus difficile à gérer au domicile, l'infirmière coordinatrice de l'équipe spécialisée a proposé cette aide à la fille, aider le couple à vivre la séparation L'accueil de jour de l'association est une structure récente, créée il y a deux ans

, Peut--il se montrer violent ? Est--il encore capable de s'intégrer à un groupe ? Vu la sévérité de ses troubles, quelle fonction peut avoir l'accueil de jour ? Les professionnels savent bien que lorsque les personnes entrent dans un état trop avancé de la maladie, leur participation est faible, l'accueil de jour servant alors surtout à soulager l'aidant. Dans la situation de M. Neuts, où les aides sont déjà difficilement acceptées au domicile, les professionnels se demandent comment l'épouse va réagir à cette première forme de séparation avec son mari. Dans l'enquête, le projet du séjour à l'accueil de jour a d'abord été évoqué lors des entretiens avec l'épouse et la fille, Comment M. Neuts va--t--il se comporter avec les autres personnes et avec le personnel soignant

. Patrick, . Lui, and . Lors-d'une-visite-de-pré, Pour leur permettre d'anticiper le coût de ce service, il leur a proposé un devis, fait sur la base de trois demi--journées par semaine. Normalement, au cours de cette visite de pré--admission, l'infirmier coordinateur effectue une rapide évaluation de l'état de la personne, pour se faire une idée sur ses capacités et sur son niveau de participation aux activités. L'une de ses préoccupations est de former des groupes relativement homogènes, afin d'éviter que les troubles de certaines personnes trop avancées dans la maladie ne perturbent les autres, et pour favoriser une dynamique de groupe. Mais dans le cas de M. Neuts, Patrick ne juge pas nécessaire de faire cette évaluation, car il sait que l'équipe spécialisée intervient déjà, et qu'elle lui transmettra les informations dont il a besoin. Sa collègue Hélène l'informe des difficultés rencontrées lors de la toilette, de l'agressivité qu'il manifeste, et des techniques qui semblent efficaces pour le calmer. Patrick se montre confiant : les troubles du comportement de M. Neuts lui paraissent gérables, et par rapport aux autres personnes, il considère que les risques sont assez faibles. À l'accueil de jour, il transmet aux soignants les conseils donnés par l'équipe spécialisée : lui parler doucement, ne pas trop chercher à le solliciter, et si M. Neuts montre les poings, il faut faire pareil, Il a notamment discuté avec son épouse et sa fille, pour les informer sur le fonctionnement de la structure, et les rassurer par rapport à leurs inquiétudes

, Je vous dis pas dans l'état que j'étais. » L'épouse est très inquiète, car sa mobilité étant très réduite, elle ne peut pas le rattraper une fois qu'il est dehors. Son mari est sorti de son champ de contrôle, elle se sent dépassée par la situation : « je suis sortie voir, et il y avait une dame qui était là : "vous voulez que je vais voir après M. Neuts ?", je dis que je ne peux pas y aller, et justement il jour, l'épouse était très inquiète, et qu'elle redoutait qu'un incident ne survienne. Les aides--soignantes se demandent dans quelle mesure l'inquiétude a pu l'amener à amplifier les faits, ou influencer leur interprétation. Elles supposent également qu'il peut s'agir d'une problématique de couple : l'épouse refuserait de se séparer de son mari, qu'elle voudrait garder avec elle, peut--être par peur de se retrouver seule. Mais ces hypothèses explicatives, en « dédouanant » le mari, déplacent l'interrogation vers l'épouse. Elles contiennent de fait une forme de condamnation morale envers elle. Dans les deux cas, l'épouse est implicitement accusée de faire passer en premier son intérêt personnel, et de mettre au second plan la prise en compte des besoins de son mari. Inversement, les aides--soignantes se retrouvent avoir le beau rôle, celui d'avocates de l'intérêt du malade. Comment envisager une explication qui ne sépare pas l'intérêt de l'épouse de celui de son mari ? Une autre lecture de la décision peut se dégager de l'expérience de l'équipe de l'accueil de jour. L'une des soignantes rapporte que les deux demi--journées de M. Neuts se sont très bien déroulées. Alors que l'épouse était très inquiète pour son hygiène, M. Neuts s'est rendu aux toilettes sans incident. Il a accepté de sortir faire une promenade. Les soignants se sont d'ailleurs aperçus à l'occasion qu'il perdait son pantalon ; ils se demandent s'il n'aurait pas maigri. De fait, le séjour à l'accueil de jour agit comme un révélateur, positivement sur l'état de la personne, négativement sur le domicile et le fonctionnement de la prise en charge. Dans cette optique, la décision d'arrêter le séjour fait apparaître la centralité de la relation de couple. Entre l'épouse et son mari, seules les aides qui maintiennent l'unité du couple peuvent être acceptées, et l'accueil de jour est refusé car il impose un éloignement. De son côté, Patrick a essayé d'en parler avec la fille, en disant qu'il trouvait cette décision précipitée, mais celle--ci ne souhaite pas pour l'instant en rediscuter, Méconnaissable. Il ne reconnaissait rien, rien, il mangeait avec ses mains. On lui parlait, c'est comme si on parlait à personne. Il répondait pas, il se trompait? il voulait aller pisser dans le cellier, dans la machine à laver. Il était tout perdu. » Dans son discours, l'épouse établit un lien de cause à effet entre la manifestation des troubles le soir

. «-faire-comme-si-de-rien-n'était, En urgence, la fille a repris contact avec l'infirmier coordinateur pour lui demander s'il avait une possibilité de reprendre son père sur une journée complète, une fois par semaine. La fille justifie sa demande par un incident qui s'est produit, et qui perturbe l'organisation familiale : lors des courses, son père trouve une place, et accepte de reprendre M. Neuts. Le médecin coordonnateur de l'accueil de jour, qui supervise les entrées, n'est pas vraiment surpris du retour de M. Neuts. Il a observé que de telles situations arrivent assez régulièrement, et qu'elles sont souvent le signe que l'aidant « naturel » ou « principal » n'est pas prêt à accepter la séparation. Un placement à l'accueil de jour est souvent la première démarche d'une institutionnalisation, et provoque la culpabilité des aidants. Si des troubles se manifestent lors de l'entrée à l'accueil de jour, ils sont immédiatement interprétés comme un effet du séjour, et non comme une expression de la maladie. Il n'est pas rare d'assister à un revirement de la famille, qui peut très bien se convaincre qu'en gardant la personne à domicile, son état va s'améliorer, ou du moins ne pas empirer. Malheureusement, l'aidant attend de ne plus pouvoir gérer la situation pour s'adresser de nouveau à l'accueil de jour. Or, comme pour M. Neuts, l'état du malade a continué de se dégrader, et lorsqu'il entre dans la structure, il est à un stade très sévère qui ne lui permet quasiment plus de participer aux différentes activités. Par provocation, le médecin coordonnateur désigne ce genre de situation comme étant « du gardiennage », destiné uniquement à soulager l'aidant, alors que l'accueil de jour, un changement dans la relation d'aide Trois mois plus tard, M. Neuts fait son retour à l'accueil de jour, p.285

M. De and . Neuts, Ils observent que M. Neuts s'alimente correctement ; il a bon appétit, il n'est pas somnolent, il n'a pas d'incontinence. Par rapport à la vie de groupe, il ne participe pas directement aux activités, mais il se montre bon spectateur et ne manifeste pas de signe d'énervement ni d'agitation envers les autres personnes. Il ne communique pas et n'exprime pas beaucoup d'intérêt pour les autres. À propos de son comportement, Patrick a remarqué qu'il peut réagir de manière agressive quand on s'adresse à lui pour lui donner un ordre, ou plus généralement lui demander de faire quelque chose. Par exemple le matin quand il arrive, si on lui demande d'enlever son manteau, et qu'on lui répète parce qu'il ne le fait pas, il va rapidement montrer les poings, comme pour faire comprendre qu'il va cogner si on insiste encore. Patrick a compris que dans cette situation, il faut le laisser tranquille et ne surtout pas se focaliser sur lui. Puis, à un autre moment, il est possible de revenir vers lui, et sans lui demander, de l'aider à enlever son manteau par des gestes qui paraissent le plus naturels, comme s'il ne s'était rien passé. Pour le mobiliser, Patrick se rend compte que le langage n'est pas efficace, mais il semble en revanche que M. Neuts garde encore des capacités de s'engager dans l'action dès que celle--ci paraît spontanée. Dès lors, toute la difficulté est de réussir à trouver la bonne manière de le solliciter, il relève une forte prescription de neuroleptiques, dont la dose du Risperdal et surtout son prolongement pendant deux ans soulève le risque d'effets secondaires assez importants. Mais là encore il n'est pas très surpris, car il sait qu'à domicile la prescription et la prise des médicaments sont très difficiles à contrôler, et contrairement à une représentation commune, c'est en établissement que les personnes prennent le moins de médicaments. Par rapport aux traitements de M

D. , Et l'une des soignantes de l'accueil de jour, qui intervient également à son domicile avec l'équipe spécialisée, note un progrès : il effectue un coloriage qu'il n'était plus capable de faire lors des séances de réhabilitation. En revanche, sur le plan physiologique et notamment au niveau de l'hygiène, son état ne semble pas s'améliorer. Il se rend encore aux toilettes tout seul, mais les soignants trouvent des traces d'urine à différents endroits. Un jour, il se produit un incident : M. Neuts étale ses excréments sur les murs des toilettes. Les soignants pensent qu'il était constipé, et qu'il a essayé de déféquer en s'aidant avec les mains, ce qui a eu pour conséquence de lui salir les doigts, et on suppose qu'il aurait cherché une solution pour se nettoyer en s'essuyant sur les murs. Bien que cet incident reste isolé, les soignants se montrent plus attentifs à son hygiène. Par exemple, ils prennent parfois les devants et lui ouvrent la porte des toilettes pour l'inciter à faire ses besoins. L'apprentissage effectué à l'accueil de jour sur la manière de gérer l'état de M. Neuts amène les professionnels à s'interroger sur les relations avec la famille au domicile. Les soignants de l'accueil de jour n'ont quasiment pas de contact avec l'épouse, ils ne font que la croiser très rapidement en venant chercher ou ramener son mari. Mais ce sont tous d'anciens intervenants à domicile, il est sans sa femme : il n'a plus la relation avec elle pour se repérer et l'aider à comprendre ce qu'on lui demande. Pour le solliciter, Patrick évite de s'adresser directement à lui et passe par l'intermédiaire du groupe : en voyant les autres faire, M. Neuts comprend davantage. Par exemple lors du déjeuner, au lieu de lui proposer à boire, les soignantes servent d'abord les autres personnes : lorsqu'elles arrivent au niveau de M. Neuts

, Il leur arrive aussi de s'abstenir non point parce qu'ils ne peuvent pas agir, mais tout simplement parce qu'ils ne le veulent pas, comme par exemple M. Pitard, qui est en capacité de ranger son appartement (ce qu'il fait de temps à autres) mais qui ne manifeste aucune appétence pour ce genre d'activité, D'autant que les malades ne sont pas sans compétence dans ces différents domaines. Ils agissent

M. Duchêne, Quand on questionne les malades sur l'aide qui leur est apportée, ils se focalisent sur le visible, ce qui n'est pas forcément la raison de l'intervention des professionnels. Les équivoques sont fréquentes. Célestin Bouge dit avoir accepté l'aide de l'éducatrice ou de l'ergothérapeute. Si les patients ne prennent pas l'initiative de la sollicitation d'aide, ils donnent généralement leur accord, lequel, comme on l'a dit, est plutôt formel et ne présage pas de l'adhésion ultérieure à la mesure d'accompagnement ou à certains de ses aspects. À tout moment, l'aide peut paraître à la fois acceptée ou refusée

, Or les intervenants ont justement à faire avec la parole et les actes des personnes

, Telle est du moins l'orientation qui se dessine dans la législation mais aussi dans les pratiques professionnelles. Considérée comme une aspiration ou comme une condition (A. Ehrenberg, 2010), l'autonomie est au coeur de l'activité des intervenants. Qu'elles soient atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de troubles psychiques, les personnes doivent à la fois avoir la possibilité de choisir ce qui leur convient et avoir les capacités de réaliser leurs projets. L'altération des capacités de discernement n'est pas un motif d'exception, le consentement devant être toujours recherché d'une façon ou d'une autre, Pénétrant dans l'espace privé et dans l'intimité des personnes vulnérables, ils doivent tenir compte de l'avis, de l'aspiration de celles--ci, 2008.

, Les normes sociales ne sont pas non plus une référence. Parce qu'elles sont aujourd'hui plurielles, ces normes sont loin en effet de s'imposer avec évidence. Le bien--être reste les normes sont plurielles, imprécises, discutables et parfois opposées, et que l'acceptation ou le refus de ces normes par les personnes concernées n'est ni avéré ni entièrement recevable ? Les situations problématiques et indécidables sont légion

M. , Pitard vit chez lui au milieu de ses déjections sans la moindre gêne, ce qui motive des remarques répétées des intervenants, qui doutent de l'adhésion de ce Monsieur une telle manière d'habiter. Toutefois, ceux--ci sont limités dans leur action de normalisation : d'une part, parce qu'ils essaient de ne pas aller à l'encontre de leur éthique professionnelle qui leur dicte de ne rien imposer : « on n'est pas là pour changer quoi que ce soit ! On est là pour échanger, pour essayer d'avancer avec eux et d'améliorer leur quotidien

M. Callon, P. Lascoumes, and Y. Barthe, Comme cela est généralement le cas dès lors qu'on se rend chez quelqu'un, les intervenants pénètrent dans un univers dont ils ne connaissent que très partiellement l'organisation et le fonctionnement. Surtout lorsque les gens sont peu loquaces, comme cela est le cas dans la famille Neuts où même le généraliste n'est jamais mis dans la confidence : « Dans cette famille, ils ne me disent pas tout. C'est très bien, donc je crois que c'est des choses à respecter. » Habituellement, Ainsi, lorsqu'ils se rendent à domicile pour assister les personnes dans leur vie quotidienne, les professionnels sont--ils amenés à « agir dans un monde incertain, 2001.

, Mais le chez soi est justement l'espace où il est possible de s'écarter de ces normes sans troubler l'ordre des convenances, en sorte que le guide est seulement indicatif et ne garantit aucunement contre la maladresse. Dans ces conditions, le tact, c'est--à--dire « l'aptitude à ne pas mettre soi

, Nous l'avons dit, la sollicitation d'aide à domicile, faute d'être claire, est le plus souvent présumée. Dans ces conditions, l'adhésion du bénéficiaire (et de ses proches parfois) un choix ? Ou sont--ils au contraire l'indice d'une pathologie, l'amorce d'une décompensation ou d'une détérioration des fonctions cognitives ? À supposer que les troubles soient le facteur explicatif, leur existence est--elle suffisante pour invalider les choix personnels ? Par exemple, depuis qu'il n'a plus à se rendre deux fois par jour à l'hôpital pour prendre son traitement, Naggi Ralit ne sort plus de chez lui, ce qui inquiète le Samsah qui sait que le repli sur soi peut être l'indice de la résurgence d'un trouble. Mais ils ne savent pas très bien quelle posture adopter quand ils apprennent que M. Ralit passe le plus clair de son temps dans son lit avec sa nouvelle copine, elle--même atteinte de troubles psychiques -même s'il dit que c'est surtout pour dormir ! Si l'incertitude pose ici problème, c'est que les intervenants ne se rendent pas à toujours conciliables : conforter des choix et permettre leur réalisation sans pour autant mettre les personnes en danger ; assurer ou renforcer leur bien--être et leur sécurité sans pour autant porter atteinte à leur autonomie. Ceci alors que justement, les capacités d'autonomie de la personne vulnérable font l'objet d'un doute et qu'il n'existe pas de définition commune et stabilisée du bien--être ou de la sécurité, Lorsque les interventions à domicile concernent des personnes dont les capacités de jugement sont réputées diminuées, l'incertitude monte d'un cran, 2008.

, De ce point de vue, « empêcher de faire » ou encore « faire à la place » sont des interventions patronne : quand un Monsieur entre par erreur dans une salle de bain occupée par une dame, s'il est poli il dit « Pardon, Madame » ; s'il a du tact, il dit Pardon, Monsieur? s'agit pas seulement ici d'éviter l'embarras, mais aussi d'obtenir des résultats (en matière de bien--être, de sécurité et d'autonomie), quitte, parfois, à s'accommoder de l'embarras. C'est pourquoi nous suggérons ici la notion de « ruse », laquelle intègre le tact, s'y oppose aussi lorsqu'elle renvoie au traquenard, au piège ou à la tromperie, et va bien au--delà du tact lorsqu'elle fait référence à l'habilité ou à l'intelligence pratique. Contrairement au tact qui est une disposition hautement valorisée, la ruse fait l'objet d'une appréciation contrastée. Comme le tact, elle est valorisée, mais pour d'autres raisons. La ruse est en effet jugée positivement lorsqu'elle renvoie à l'intelligence pratique, à la capacité de saisir les occasions qui permettent d'agir dans les situations les plus complexes, les plus incertaines, les plus défavorables. Elle séduit aussi lorsqu'elle désigne l'habilité et le tour de main de l'artisan qui, à force d'astuces et de bricolage, se joue de la résistance du monde des objets. Elle est enfin appréciée comme étant la force du faible, la force de celui qui fait face à plus fort que soi, évite le rapport frontal, la violence et la brutalité et préfère le détour (F. Jullien, 1997), l'action oblique, celle qui permet de « traquer la circonstance favorable, voire la créer, Assurément, toutes ces postures demandent beaucoup de tact, surtout lorsqu'il s'agit de maintenir la relation et mieux encore d'établir des rapports de confiance, 1980.

M. Détienne, J. P. Vernant-;-ensuite, and (. K. Von-clausewitz, L'emploi de la ruse dans l'intérêt du dupé est certes plus facile à justifier : lui faire prendre ses médicaments, le faire se promener, etc. Mais il n'en reste pas moins que, plus largement, la ruse qui conduit à dissimuler et à masquer (des informations, des gestes, des émotions) contredit les injonctions à l'autonomie qui supposent que les individus puissent être éclairés pour pouvoir faire des choix et prendre des décisions. Certains ne veulent pas ruser, sauf dans certains cas très exceptionnels. Le docteur Nissem, neurologue, estime que son rôle n'est pas seulement de prescrire, mais aussi d'accompagner l'annonce du diagnostic en informant les patients sur l'évolution de la maladie, même si cette annonce risque de déstabiliser la personne. Il pense leur devoir un discours de vérité : « Si je fais écran avec des examens, des médicaments, des trucs et des machins, je ne permets pas à l'angoisse de s'exprimer (?), Machiavel conseille au Prince de viser les qualités du renard -le maître de la ruse -et celles du lion -le champion de la force -et c'est en avalant la déesse Métis que Zeus devient le plus puissant des dieux : grâce à elle, il est désormais invincible, 1955.

, Les intervenants mobilisent toujours - et quelle que soit la situation -la recherche de collaboration et au besoin l'argumentation rationnelle pour « faire entendre raison » aux bénéficiaires, même si un doute subsiste sur leurs facultés de discernement ou encore sur leurs capacités à tenir leurs engagements. L'aide soignante de M. Neuts, par exemple, estime que pour faire sa toilette, il ne s'agit pas de se positionner avec lui dans une relation d'autorité, mais davantage dans la coopération, en privilégiant tout ce que ce Monsieur est capable de faire : « Je ne fais pas pour lui, je savonne le gant, je lui tends. Ah oui, tout ce qu'il peut faire, ça ne prend pas plus de temps, et moi j'estime que c'est leur intimité, Entre contrainte et persuasion Nos observations montrent d'abord que la ruse n'est pas la modalité d'intervention qui est recherchée en priorité

, Dans ces conditions, pourquoi les soignants devraient--il faire usage de la contrainte ? Les aidants et les intervenants ne renoncent cependant pas totalement à la contrainte, quand par exemple ils déclenchent la procédure d'hospitalisation sous contrainte, ou encore quand ils doivent procéder à un placement contre l'avis de la personne. M. Lepadellec sait qu'un jour ou l'autre il devra prendre une décision de placement pour sa femme, malade d'Alzheimer. Il prépare le terrain en évoquant le sujet avec elle et en présentant le placement de façon positive. « Quand je lui parle, elle dit "ah, non, je ne pars pas". Elle me le fait comprendre, parce qu'elle n'arrive pas à s'exprimer, mais? Quelquefois, je lui dis "tu serais mieux là--bas". » Le mari mène une action double, par rapport à son épouse, mais également par rapport à lui--même. Il sait que le moment venu, il devra prendre seul la décision du placement, et non seulement il n'aura pas forcément le consentement de son épouse mais en plus, il devra dépasser ses propres résistances. « Je dois tout prendre sur moi, je ne dois pas tenir compte de son avis. » L'entourage ou les professionnels peuvent aussi agir de façon contraignante si la personne se met en danger. Mme Decool ne peut plus conduire compte tenu de ses troubles cognitifs. Ses filles n'arrivent pas à lui faire entendre raison : elles se saisissent d'un petit accident pour le monter en épingle, et s'appuient sur la convocation de leur mère au commissariat pour arriver à leurs fins. En raison de l'évolution de sa maladie, Mme Langevin doit subir une gastrostomie mais, compte tenu de ses troubles cognitifs, ne peut participer à la décision. Si les médecins sur sa réserve vis--à--vis du système de contrainte qui s'est mis en place : « Mme Langevin était dans un équilibre à son domicile, même s'il était précaire, et le fait de se retrouver ailleurs ben ça a fait que ça s, elle qui n'arrive pas à élever ses propres enfants. Lors de ses visites, l'éducatrice spécialisée qui est la référente de Basma Hachim s'attache à la « mettre en garde » contre les risques qu'elle encourt à vouloir se promener seule le soir ou à inviter chez elle des inconnus, et tente de favoriser chez elle un « comportement civil » vis--à--vis des passants sur le trottoir, qu'elle n'hésite pas à bousculer avec son fauteuil, et de ses voisins qui se plaignent du niveau sonore de la télévision

, Il s'y résout pourtant, mais en situation il supporte mal son geste : « J'ai réussi, un peu brutalement, à lui retirer la main [de la porte] et à refermer la porte, mais là, on a vraiment l'impression de boucler une cellule, ça donne cette impression--là. » La fille de M. Neuts, Lucile, a eu beaucoup de mal à prendre sur elle la décision de contraindre son père de ne plus conduire. Pour elle, il y a un problème d'autorité qui se pose : « moi je dis qu'au niveau de l'État, c'est inadmissible, alors qu'ils sont déclarés par des spécialistes avoir cette maladie, qu'on leur laisse leur permis ! » Une infirmière et une aide soignante tentent de forcer Mme Duchêne, elle aussi atteinte par la maladie d'Alzheimer, de prendre sa douche. Elles finissent par renoncer. La menace d'interruption de la mesure d'accompagnement quand la personne ne refuser l'aide des professionnels. En dehors de la sécurité, le savoir médical est en effet pratiquement la seule autorité qui, pour les professionnels, justifie la mise en oeuvre d'actes contraignants. Mais, quand cela est possible, L'ASSAD finit par l'enfermer chez elle tout en n'assumant pas véritablement un tel geste : elle revient ensuite sur sa décision. L'infirmier libéral qui intervient auprès de cette dame est lui aussi mal à l'aise avec la coercition

, Au fond, parler de ruse dans l'intérêt du dupé, c'est une figure très proche de la relation d'aide en général : elle se situe juste à la frontière de la protection et de l'autonomie, elle assure l'une sans (trop trahir) l'autre? Pour la clarté de l'exposé, nous proposons une typification, sachant que ces différentes formes de ruse sont plus utiles pour avancer pas à pas dans l'intelligence de leur fonctionnement commun que pour les classer, tant elles sont en réalité fortement imbriquées et est monnaie courante, dans le temps, le passage d'un type à l'autre, ou de la ruse à la transparence. On distinguera ainsi ruses « simples », ruses « symétriques », ruses « collaboratives » et enfin, ruses « croisées » ou « emboîtées ». a) Les ruses « simples » Les ruses sont « simples » lorsque celui qui est à l'initiative de la ruse ne prend pas en compte la ruse de l'autre ou bien encore fait le pari que l'autre ne ruse pas. Celui qui est à l'origine de la ruse garde (ou croit garder) le contrôle de la situation, Les formes de la ruse Le domicile des personnes qui risquent l'institutionnalisation est un espace où se rencontrent de nombreux acteurs, professionnels ou non. Loin d'être une pratique réservée à quelques--uns, vol.28, 1991.

L. Samsah and «. Accompagner, Le plus souvent en effet, la ruse consiste plutôt à saisir l'occasion ou même à la créer, à agir au moment décisif, à jouer avec l'imprévu. M. Neuts souffre de troubles cognitifs. L'aide soignante doit l'emmener se promener, ce qu'il refuse catégoriquement. Elle constate cependant que ce monsieur prend un certain plaisir à sortir les poubelles. Elle descend avec lui sur le trottoir et, l'air de rien, lui fait faire une petite promenade, ce qui au bout du compte ne lui déplaira pas. M. Neuts n'est pas non plus porté sur la toilette, surtout lorsque celle--ci est faite avec le concours d'un tiers. L'aide soignante cherche à éviter une confrontation trop longue. Elle tente de parcelliser l'acte de soin. Elle saisit l'occasion d'une émission de télévision pour commencer à lui laver les pieds devant le match de foot. Toutes ces ouvertures - la poubelle, la télévision, etc. - sont exploitées comme des leurres, des objets qui font diversion et permettent aux intervenants de mener l'action tout en évitant l'affrontement. Dans le même ordre d'idée, on peut citer le cas de Basma Hachim qui bénéficie de l'intervention du Samsah, mandaté par la MDPH à la suite d'un signalement de la mairie et d'une plainte déposée par les voisins pour nuisances sonores et olfactives. Un déménagement est envisagé, perspective qui fait nourrir beaucoup d'espoir à l'équipe. Le nouveau logement devrait donner plus d'autonomie à Basma, notamment pour la toilette. Mais plus encore, tous envisagent de « se saisir » de cette occasion, de ce changement, pour la faire changer sur beaucoup d'aspects : mauvaises habitudes alimentaires, non respect des horaires, attitude dépensière, comportement « d'enfant gâtée », encombrement de l'appartement, non respect des autres, nuisances sonores et olfactives, jusqu'à ses activités sexuelles jugées à risques. À l'occasion du déménagement, présenté à Mme Hachim sous l'angle de ses avantages matériels et médicaux, une véritable entreprise de normalisation s'engage ainsi. Les ruses simples s'enchaînent aussi au moment du coucher de Mme Decool. Pour la faire monter à l'étage, ses filles lui demandent d'appeler le chat : elles savent que le chat vient dormir dans le lit, et dès qu'il voit Mme Decool monter les escaliers, il rapplique aussitôt. En haut, en nuit apaisée. On peut aussi ranger le tact au rang des ruses simples même si, parfois, les efforts leurs émotions, il leur arrive même de ruser avec eux--mêmes pour ne pas risquer le faux pas. Les intervenantes du Samsah acceptent de partager un repas avec M. Moulin malgré la profonde répulsion qu'elles éprouvent devant la saleté repoussante de la cuisine. Elles font bonne figure d'abord en déclinant l'invitation en prétextant l'obligation d'un rendez--vous. Ensuite, en prenant soin lors de la visite suivante d'apporter leur propre gamelle et leurs propres couverts en expliquant qu'il ne s'agit pas de peser sur le budget de leur bénéficiaire, se rend au domicile de M. Grichon tous les jeudis matins pour aller avec lui faire des courses au supermarché. La date n'est pas laissée au hasard. C'est en effet le jeudi que son argent lui est versé par la tutelle. Il s'agit pour le Samsah d'intervenir au plus tôt pour l'empêcher de dilapider son petit pécule, d'autant de stratagème avec Mme Decool qui s'habille tôt le matin de façon excentrique, superposant les couches de vêtements, ce qui complique la tâche des aides soignantes qui viennent faire sa toilette

, On lira avec grand profit « Anatomie du dégoût », un numéro d'Ethnologie française sur ce sujet, 2011.

M. Soignante-de and . Neuts, Un savoir--faire qui mobilise les capacités qu'a l'aidant ou l'intervenant d'apprécier l'interaction et la situation. Il débouche souvent sur des arbitrages délicats sur l'intervention elle--même, par exemple pour la toilette, pouvant faire opter pour l'abstention, comme lorsque l'aide ménagère de Mme Duchêne, cherchant d'abord à ne pas mettre mal à l'aise une dame si digne, évite de lui poser des questions sur son hygiène, qui peuvent lui faire honte, quitte à laisser s'aggraver des problèmes de propreté qu'elle serait la seule à pouvoir « dénoncer ». Le tact est aussi une opération de traduction qui a pour effet de changer le sens d'une action, en la faisant passer pour ce qu'elle n'est pas, ou bien encore de la rendre supportable quand a priori elle ne l'est pas. À domicile, les intervenants s'immiscent de gêne : parler d'autre chose, y aller très franchement, faire comme s'il s'agit de la chose la plus naturelle du monde. Autre exemple, Mme Langevin, qui se plaint d'être encombrée au niveau des bronches ; elle a de plus en plus de difficultés pour avaler, parler, respirer : on installe un aspirateur à mucosités (c'est une pompe électrique reliée à une sonde permettant d'extraire les glaires de la bouche). Suite à l'usage de cet appareil, Mme Langevin voit sa respiration s'améliorer, mais elle se sent honteuse de cracher et de tousser devant des tiers (nous sommes présents à ce moment--là). Elle se retient malgré les incitations de Mme Diallo, l'auxiliaire de vie. « C'est malpoli », dit--elle. Elle s'excuse devant nous comme elle le fait, apprend--on, devant les auxiliaires de vie. Celles--ci s'emploient alors à banaliser l'opération, en choisissant le bon moment, en répétant de toute bonne foi que tout cela est bien normal, en faisant « comme si de rien n'était », en retenant l'expression de leur inquiétude, le tact ne masque pas ses objectifs. La toilette sera faite, mais il y a manière et manière de la faire. Bernadette, l'aide

M. , Bouge rate très fréquemment les rendez--vous que lui donne le Samsah. Tantôt il a oublié, tantôt il est allé soutenir un ami à l'hôpital, tantôt il n'a pas entendu la sonnette etc. Les intervenants du Samsah savent que selon toute vraisemblance

. Samsah, On achète six steaks hachés et le soir même vous les avez tous mangés. Monsieur Moulin : Eh oui, je ne peux pas faire autrement. Samsah : Et là encore, on va faire le menu pour rien ? Monsieur Moulin : J'sais pas. Enfin oui, je sais, je ne le respecterai pas ! Samsah : Ah bon? Mais bon, on le fait quand même ce menu, Alors Monsieur Moulin, c'est aujourd'hui jeudi, le jour où nous devons faire le menu 31 . Monsieur Moulin : Oui c'est ça

, Ainsi Mme Decool peut avoir des réactions très agressives lorsqu'elle est en désaccord avec ce qu'on lui propose. Par exemple, à leur arrivée un matin, les intervenantes aperçoivent Mme Decool dans l'escalier en train de descendre, et comme elle s'est habillée elle--même en superposant des couches de vêtements, l'aide--soignante s'engage aussitôt dans l'escalier en lui barrant le passage, et lui demande de remonter dans sa chambre car il va falloir la déshabiller. Johanna, l'aide à domicile, anticipe un éventuel refus. Elle craint sans doute qu'une fois descendue, Mme Decool considérera qu'elle n'a plus besoin de remonter faire sa toilette, puisqu'elle est déjà habillée. Mais voyant comment réagit Mme Decool, qui lance des regards menaçants à l'aide--soignante, moment--là, l'aide--soignante n'a pas de difficulté pour la déshabiller, car Mme Decool est tranquille et ne cherche plus à se débattre. La plaisanterie peut prendre la forme de l'ironie. Ce type d'humour consiste à dire les intervenants en parlent : « c'est bien rangé aujourd'hui chez vous », ou encore « vous avez fait le ménage avant notre arrivée ? » Tout ce qu'il y a à dire est dit, mais l'enrobage de l'ironie crée la connivence. Tout le monde a bien compris mais on s'accorde pour ne pas en faire toute une histoire. M. Neuts est un ancien boxeur. Compte tenu de ses troubles cognitifs, il ne peut se laver tout seul. L'aide soignante est là pour lui faire prendre la douche. Il montre les poings. Comme si elle montait sur le ring, elle prend la même posture, simulant l'agressivité avec suffisamment d'exagération pour qu'il comprenne la plaisanterie, ce qui provoque l'hilarité de M. Neuts ainsi que son adhésion. Mais l'ironie est une entreprise risquée. Tel est le cas lorsque le rire n'est pas au rendez--vous et que le reproche perce derrière la plaisanterie. La feinte n'a pas fonctionné, le contraire n'a pas joué son rôle et c'est alors le sous--entendu qui fait surface, Dans ce cas--là, les professionnels ne se rendent pas toujours à domicile pour participer à la réalisation d'une tâche bien précise 32 : une toilette

, un certain nombre d'acteurs qui interviennent à un titre ou à un autre, de façon formelle ou informelle, selon leurs propres logiques, lesquelles ne se recouvrent pas nécessairement. Par exemple, le délégué à la tutelle n'étant pas l'apanage de quelques--uns, elles se combinent, s'emboîtent et finissent par former un système particulièrement complexe, dans lequel chacun fait autre chose que ce qu'il dit tout en sachant que les autres font de même, et en les laissant faire : figure qui a l'air tortueuse, en réalité très fréquente dans le cas de troubles psychiques, certains actes douteux pouvant être interprétés comme une amélioration des capacités de la personne, Autour des personnes qui vivent à domicile malgré leurs troubles psychiques ou cognitifs gravitent, la plupart du temps

M. Grichon, Il perd la plupart du temps, mais 'achat d'un four à micro--ondes sans révéler à celle--ci l'existence de la cagnotte, ce qui entraînerait un refus. Les pratiques de ruse se croisent et s'emboîtent : les intervenants rusent avec M

, Ils s'inscrivent dans des réseaux sociaux et familiaux et sont donc en relation avec des proches qui, eux--aussi, sont susceptibles d'être pris en charge à un titre ou à un autre. Ces prises en charge ne convergent pas forcément, les intérêts des personnes n'étant pas nécessairement convergents

, On est ici à la bordure extérieure de la ruse, qui tourne plutôt à l'évitement d'une responsabilité, et en effet, le problème ressurgira plus tard. Cette ruse/évitement concerne souvent les professionnels entre eux. Les ruses entre ces subterfuges. Mais, loin de les condamner, les soignants estiment qu'ils sont plutôt le signe d'une bonne santé mentale, que les trafics de M. Moulin n'ont aucun caractère de gravité et qu'il lui faut un espace de liberté. Les enjeux des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Plutôt que de les confronter, la discussion en reste là. Plutôt que de s'engager dans une controverse, on ferme les yeux sur les oppositions. Les professionnels du Samsah maintiennent leur vigilance à propos de la boisson, M. Moulin vit tout seul depuis qu'il s'est séparé de sa femme. Il reçoit ses enfants tous les quinze jours et pendant les vacances scolaires

, Par exemple, Mme Diallo qui s'occupe de Mme Langevin arrive systématiquement trop en retard pour que la toilette puisse être faite avant le petit déjeuner. Mais les responsables n'osent rien dire. Mme Diallo n'est plus toute jeune, elle est fatiguée. « Ça serait une jeune, je lui mettrais un avertissement », dit la responsable des auxiliaires de vie. Mais Mme Diallo n'est pas « substituable ». Elle traite Mme Langevin comme une vieille amie, Sa stabilité tient à peu de choses. Le maintien de l'équilibre suppose que certains dysfonctionnements ne soient pas affichés, restent plus ou moins tacites et que l'on ruse si besoin avec les règles du bon management

. Celle--ci-est-la-première-À-ne-pas-vouloir-d'autre-auxiliaire and . Benjamin, Pour les responsables du Samsah, on ne peut pas la remplacer donc on la ménage, et on cherche des aménagements. La situation tient parce que les uns et les autres font preuve de tolérance, évitent de faire des vagues et fonctionnent avec prudence en fermant les yeux sur les anicroches et en acceptant les petits arrangements. Ajoutons, pour terminer sur les ruses croisées, celles des services d'aide à l'égard de leurs tutelles. Ces services bénéficient de financements pour la réalisation d'un certain nombre de tâches

. «-l'orthophoniste-s'est-transformé-en-psychologue-de-soutien, Je le connais très bien, il avait tout à fait conscience qu'il jouait un rôle d'aidant, ça fait partie de notre boulot parfois. » Il en est de même avec M. Neuts. Les activités de réhabilitation ne donnent pas les résultats escomptés. Les soignantes ne constatent aucun progrès au niveau des capacités d'expression. Elles continuent néanmoins à jouer aux petits chevaux, et ce jeu devient un moyen qu'elles utilisent pour lui faire passer un bon moment. L'absence de publicité sur ce genre d'action

, Or un incident se produit à l'Accueil de jour et parvient aux oreilles de Mme Neuts, qui en est en fort mécontente. M. Neuts a étalé ses excréments dans les toilettes. La soignante qui travaille à la fois à l'Accueil de jour et chez M. Neuts signale l'incident à l'équipe spécialisée car ce geste peut être l'indice d'une aggravation de l'état de santé du malade. L'équipe spécialisée donne l'information à Mme Neuts : elle prend très mal ce qu'elle désigne comme une indiscrétion. Elle aurait souhaité que l'épisode soit tenu secret et que l'intervention de l'équipe soit moins pressante. La présence de M. Neuts à l'Accueil de jour se trouve en effet remise en cause. La transparence semble ici contre--performante, Si la ruse et le tact permettent aux interactants de contenir les offenses et de tenir les relations de face à face (Goffman, 1993), les ruses croisées sont, elles, susceptibles de les mêmes raisons, la ruse peut tout aussi bien pacifier les relations qu'être génératrice de tensions

. Fondamentalement, Les travailleurs sociaux préfèrent le terme d'instrumentation à celui de est lié au fait que, contrairement à l'aide--ménagère, ils sont motorisés. C'est la raison pour laquelle ils mettront un terme à cette activité avec M. Pitard. Dans le même ordre d'idée, les aides en direction de M. Moulin seront considérablement réduites lorsque le diagnostic de manipulation sera porté sur lui par le psychiatre. Plusieurs soignants mettent en effet l'accent sur ses capacités à se débrouiller dans toutes les situations. À l'Hôpital de Jour, les infirmières remarquent qu'il arrive à soutirer deux télévisions aux autres malades par la présentation misérabiliste qu'il fait de lui--même. D'autres intervenants insistent sur les activités de troc dans lesquelles il se lance dès qu'il est à court d'un produit. Ainsi n'hésite--t--il pas à échanger quelques cigarettes contre une bouteille de Coca--Cola. M. Moulin est peut--être handicapé psychique, mais toutes ces activités viennent plaider pour une révision du diagnostic médical, et le psychiatre préfère pour l'instant suspendre une bonne partie des aides qui lui sont portées. Les situations sont d'une manière générale assez fragiles, Quand elle est habileté, savoir--faire, elle est la qualité de l'opérateur qui manipule avec finesse, intelligence ou avec précaution son environnement. Prise dans ce sens positif, la manipulation concerne plutôt le monde des objets, quoiqu'on puisse aussi parler de la façon dont on manipule un malade ou certaines parties de son corps

L. Médicament, Elle concerne des domaines comme la toilette, la cuisine, les soins, la gestion du budget, etc., dont les ces conditions, les usages qu'ils peuvent faire de la contrainte, de la persuasion et de la ruse ne sont probablement pas les mêmes. Nous nous arrêtons un moment ici sur la question du médicament, que les très court terme, mais ceux--ci n'ont pas, en général, un caractère de gravité. Surtout, la suspension de la prise de médicaments ne produit pas de conséquences immédiates. Par ailleurs, le médicament peut être instrumentalisé dans une perspective de confort. Mme Decool par exemple, doit se rendre à l'Accueil de jour mais réagit de façon agressive lorsqu'on vient la chercher le matin, entre ruse et contrainte À domicile, les professionnels agissent différemment selon les situations, mais aussi selon l'objet de l'aide. L'aide à domicile est en effet polymorphe

. «-le-lexomil, est pour calmer le coup de feu, et faire un maillage entre les médicaments et le quotidien. Ça peut se couper en quart, donc on peut l'ajuster, p.314

, Il en faut plus pour qu'ils franchissent le pas du signalement, ce qui risquerait de bouleverser l'ensemble de l'organisation du système d'aide. Le non--dit permet de faire tenir encore un peu le dispositif existant. Bien que réprouvés, les comportements de M. Pitard sont, d'une certaine façon, couverts

, Ils développent leur regard critique à l'égard de leur traitement, des médecins, manifestent parfois leurs préférences ou leur rejet de tel ou tel médicament. S'ils le peuvent, ils cherchent le « bon médecin », celui qui saura les écouter. Naggi Ralit considère qu'il a pu « s'arranger » avec un infirmier à propos d'un médicament, ce qui lui donne à penser que les traitements sont modifiables. Il s'étonne de l'hôpital. » Jouer sur la diversité des soignants, c'est aussi la solution mise en oeuvre pour sortir de l'impasse dans laquelle le Samsah de Mont--lès--Paris se trouve après le retour d'hospitalisation de Mme Château, Samsah en vient à accompagner les malades dans l'ajustement de leur traitement en jouant sur la diversité des soignants

, Mme Château annule les rendez--vous que le service prend pour elle et refuse de voir le médecin du Samsah alors qu'il est inscrit dans son contrat d'accompagnement qu'elle doit le rencontrer. Ce n'est donc pas seulement « un problème de personne » ni « de communication », avec cette infirmière en particulier, comme cela a pu être formulé au départ, mais tout le suivi médical du service qui est récusé. Au bout de plusieurs mois, la cadre de santé ne sait plus quoi faire : « on n'a pas envie d'être intrusifs, ni de la forcer à accepter de l'aide, mais il faut qu'on fasse un travail psychologique pour l'accompagner parce qu'elle se met en danger, Cependant, elle refuse que l'infirmière du service touche à son pilulier, la traite de tous les noms, et fait tout pour rendre chaque visite plus difficile que la précédente. Plus encore

. Là, Autour du malade et de son traitement à domicile, le dispositif thérapeutique fait intervenir de nombreux acteurs, du médecin au malade, en passant par tous ceux qui interviennent à un moment ou un autre dans la circulation du médicament. Ces acteurs forment un réseau qui, à la différence de l'institution, fonctionne selon des règles et des normes dont la cohérence n'est pas forcément recherchée. S'ils sont plus ou moins en contact les uns avec les autres et s'accordent sur des principes très généraux, comme le bien--être ou l'autonomie du malade, ils conservent chacun leurs propres stratégies et leurs propres pratiques. Celles--ci restent plus ou moins locales et adaptées à des micro--peut--être, ce sont les arrangements et la ruse qui maintiennent l'équilibre incertain entre bien--être et sécurité d'un côté, Voyant que les visites de l'infirmière libérale qui vient trois fois pas semaine pour lui faire une piqûre (un traitement spécifique à la sclérose en plaques), l'équipe lui propose de faire tous les soins de Mme Château et de placer l'infirmière du service dans un rôle de « coordination simple

, Dans les services d'aide , comme cela arrive souvent. Toutefois, quelles que soient les habitudes propres à chaque service, et quand bien même la gestion des clés serait soumise à une réglementation, les modalités d'accès au domicile des personnes ne sont jamais les mêmes d'une personne à l'autre, et sont loin début de l'enquête, Mme Basma Hachim contrôle ainsi entièrement l'accès à son domicile : elle ouvre la porte de l'immeuble après que les intervenants l'aient appelée par l'interphone, puis ouvre la porte de son appartement une fois qu'ils ont atteint son étage et sonné. Elle peut ne pas répondre, ou s'absenter, les intervenants trouveront alors porte close. Il en va de même avec Mme Duchêne par qui, qu'elles aient ou non les clés, il faut se faire ouvrir la porte, ce qui, entre sa surdité partielle et son refus de l'aide, n'est pas une mince affaire. À l'inverse, il y a des situations dans lesquelles les personnes n'ont aucun contrôle sur les allers et venues des professionnels. Cela peut être parce que ces derniers ont tous une clé de la porte ou, plus souvent, parce que la porte n'est pas fermée du tout. Chez Mme Langevin, comme le dit son fils, « on entre comme dans un moulin » : l'appartement est accessible 24 heures sur 24, et le personnel du SAVS--Samsah mais aussi le kinésithérapeute, le médecin traitant ou encore la tutrice entrent sans même sonner ni frapper. Chez Mme Duchêne, le SSIAD et l'infirmière libérale sont seuls à avoir les clés, Les histoires de clés : ruse, confiance et accusations réciproques En dehors des médicaments, d'autres objets posent problème aux professionnels comme aux personnes chez qui ils interviennent au quotidien : les clés, et leurs divers avatars -cartes magnétiques, badges, digicodes, interphones, verrous ou autres moyens d'accéder au domicile des personnes ou d'en empêcher l'accès

, Mme Decool, les professionnels et ses filles s'interrogent sur leur façon de gérer la situation par l'enfermement, et s'acheminent vers un placement en établissement d'hébergement : une solution décidée au nom de la sécurité a créé une telle tension et un tel malaise chez tout le monde

, Cependant, un tel changement et une telle délégation ne se font pas sans heurt

. Le-cas-est-très-voisin-de-celui-de-mme-duchêne, Mais en l'occurrence, la difficulté est beaucoup plus générale : la relation avec Mme Duchêne tourne entièrement autour du fait qu'elle n'accepte pas du tout l'idée qu'elle ait besoin de quoi que ce soit, réaffirmant sans cesse qu'elle ne veut pas qu'on l'aide, qu'elle peut très bien se débrouiller toute seule. Dans ces conditions, on comprend que personne n'ait vraiment osé lui demander ses clés tant la réponse outrée était prévisible. Le cas renvoie aussi à la question de la coordination, les divers intervenants n'étant pas au courant de l'état des choses pour les autres, alors que cela aurait peut--être pu favoriser une demande concertée, ou permettre qu'une présentation très technique des choses, partant de l'exemple du double déjà donné à l'infirmière, ne provoque pas une réaction indignée -mais rien n'est moins sûr ! L'objet en question ici n'est pas tant la porte, ni les clés, que le double des clés. Le problème est de laisser entrer chez soi un autre que soi à n'importe quel moment

. D'une-façon-générale, L'analogie est loin d'être complète : le locataire attend seulement que le propriétaire le laisse tranquille, quand l'usager d'un Samsah attend que des services lui soient rendus conformément au contrat d'accompagnement. D'ailleurs, les professionnels savent que la délégation de l'accès au domicile ne fait pas que diminuer l'autonomie des personnes, mais que sur d'autres aspects elle en est une condition : la personne a « besoin d'eux » même si elle dit le contraire de temps en temps ; sans leur intervention, elle ne se lèvera pas ou difficilement, ne prendra pas sa douche ni ses médicaments, ne mangera pas son repas, ne pourra pas aller chez le médecin ou à la piscine, ne verra sans doute personne un autre usager. S'ils souhaitent avoir la clé du domicile, c'est pour pouvoir respecter leur contrat. C'est aussi pour ne pas déranger la personne, lui épargner l'effort de venir ouvrir et, surtout, pouvoir lui venir en danger, et c'est pour la protéger d'elle--même qu'on les lui enlève. De même, les soignants disent de Basma qu'elle « ne se rend pas compte » de ses difficultés à cause de sa maladie, et se met en danger en refusant de donner ses clés. À la différence du propriétaire qui veut pouvoir vérifier que son appartement est en bon état ou y accéder si les locataires s'en vont sans prévenir, le souci de protection de la personne, mais aussi celui de son autonomie, priment dans la façon qu'ont les intervenantes d'appréhender la situation et de gérer les problèmes d'accessibilité. Quand les intervenantes n'ont pas accès au domicile des personnes dont la mobilité est réduite ou pour lesquelles le risque de chute est important, elles considèrent qu'ils ne peuvent pas bien faire leur travail. Basma le comprend mais n'en a que faire : « plutôt mourir ! », nous dit--elle, que de donner ses clés. Les professionnels ont beau lui dire qu'ils continueront de prendre rendez--vous, qu'ils ne se serviront de la clé qu'en cas de besoin, seulement « si les circonstances l'exigent », elle semble redouter une forme d'irréversibilité : dupliquer sa clé, c'est donner au service les moyens d'entrer chez elleun premier pied dans la porte dont elle ne sait si elle pourra en maîtriser toutes les conséquences. Peut--on lui donner tort ? À partir du moment où quelqu'un a les clés de chez soi, il peut très bien entrer « quand même », malgré ce qu'il a dit, et cette pensée suffit à ce que la personne ne se sente jamais plus chez elle. C'est un problème de confiance, monde a des difficultés à donner ses clés à quelqu'un qui n'est pas de sa famille, et même avec la famille rien ne va de soi. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement et que ce soit plus simple ou plus évident, entre une personne handicapée et les intervenants d'un Samsah

, ou entre les professionnels et les proches qui ne sont pas toujours d'accord sur la façon de procéder. Le Samsah accuse longtemps Basma d'être inconsciente et de mauvaise foi à propos des clés, ou de ne pas que tout, à ses clés », « ses clés, c'est sacré ». Or elle n'est pas tant attachée à l'objet qu'à ce qu'il véhicule et aux relations établies grâce à lui -une relation de confiance élective, ici avec l'auxiliaire de vie, et dans le même temps une distance accrue avec tous les intervenants qui n'ont pas accès au domicile. Une paire de clés fait ainsi partie des objets techniques qui « préforment les relations entre les différents acteurs qu'ils suscitent et leur donnent ce qu'on pourrait appeler un contenu "moral, Les histoires de clés, comme les histoires de médicaments ou de cartes de crédit, peuvent se lire comme des séries d'accusations réciproques entre les intervenantes et la personne, mais aussi entre les différentes intervenantes

, Si les membres du SAVS--Samsah sont « obsédés par les clés », comme s'en étonne Basma, c'est enfin que l'important pour eux est d'arriver à établir des liens avec l'usager, quels qu'ils soient, et à les conserver. Ce peut être des liens visibles, même s'ils sont peu robustes, comme cette clé donnée à Annick qui rétablit pour un temps la confiance et la communication entre l'usager et le service ; ou des liens invisibles, dont l'efficacité est à venir, comme ce pied dans la porte de Basma. Le compromis trouvé ici s'apparente à une ruse réciproque : 'aise vis--à--vis du service. De leur côté, les professionnels du Samsah se disent satisfaits de l'arrangement, remercient Basma pour sa coopération et cessent pour un temps de lui parler des clés pour ne pas endommager le lien de confiance établi, tout en espérant pouvoir avancer vers la détention des clés pour tous les intervenants, L'accusation n'a pas besoin d'être formulée par la personne, elle est infligée tous les jours aux professionnels et aux enfants chaque fois qu'ils ouvrent la porte et qu'ils la verrouillent en partant, parfois en usant de la force

, Tout cela n'a pas à être réduit artificiellement par l'analyse, mais au contraire montré, souligné, puis thématisé. Non pas clarifier l'obscur, donc, mais le reconnaître, en penser la nécessité, et tirer les leçons de ces curieux contrecoups de la présence au domicile. C'est ce que cette reprise vise à travers les notions de ruse et de fiction : comme nous l'avions déjà entrevu, l'affaire est d'importance, il s'agit bien de reconnaître le sens politique et éthique du respect de l'intime. De ce fait, pour nous cette fois, si l'on veut laisser ouverte cette indétermination, l'aide à domicile est dure à saisir. Elle passe pour les aidants (au sens large) par des hésitations, des insatisfactions, des oscillations entre des réactions opposées, des choses qu'on ne se dit pas même à soi--même, des décalages entre les projets ou les efforts de identifiés et mesurables, dont on pourrait faire la liste analytique et qu'on pourrait enseigner en les détachant de l'activité. Faut--il le regretter ? Le savoir des aidants n'est pas un « portefeuille de compétences » qu'elles pourraient emporter avec elles, ni, hélas pour elles, faire valoir pour obtenir une augmentation ! C'est ce qui donne un aspect décisif au recours à la méthode des cas : l'accompagnement flottant de ces diverses histoires dont les fils et les participants sont multiples, croisés, changeants, ne peut se faire de l'extérieur, à partir d'une série d'interrogations ou de concepts prédéfinis, il doit épouser l'incertitude de la tâche et la variabilité de son périmètre, accepter le caractère vital de ses zones d'ombre, reconnaître l'interrogation ou le malaise continus qui sont la contrepartie de cette indétermination constitutionnelle -inversement, ces interrogations donnent une prise permanente au sociologue pour voir se dessiner les problèmes, les difficultés et les enjeux, jamais vraiment réglés et toujours repris, donc reformulés, exprimés, discutés de façon plus ou moins poussée, à chaud ou sur une situation précise, Nous allons maintenant reprendre depuis encore un autre angle cette question cruciale, que ce dernier exemple illustre bien. Nous pouvons la reformuler comme étant celle du statut nécessairement ambivalent, incertain, inachevé, de la recherche de l'autonomie et de la sécurité des personnes, encadrant celle de leur bien--être : aspirations qui semblent à la fois essentielles, pour maintenir l'équilibre fragile de l'aide, et toujours en partie incomplètes, voire illusoires. Comment penser cette curieuse configuration entre ces exigences, si on ajoute à cela leur caractère largement contradictoire ? Dans les développements précédents, nous avons en quelque sorte vu cette tension gérée tactiquement, en situation, à travers une attitude très opportuniste, attentive, prête à faire feu de tout bois, que, après en avoir élargi la compréhension, nous avons regroupée et analysée sous l'appellation de ruse. Pourquoi lui ajouter à présent celle de fiction ? « Vous ne faites que ruser, et vous ne faites que (vous) raconter des histoires ! », après avoir fait des intervenantes et des aidants des virtuoses de la ruse et de la tromperie, allons--nous maintenant en faire en outre des experts de la fiction et du mensonge ? Il n'est pas question de cela. D'abord parce que, de même la ruse n'est pas (que) tromperie, comme nous l'avons vu, la fiction n'est pas (que) mensonge

, comme elle peut, c'est--à--dire faire tenir ensemble en dosant les urgences selon les cas et selon les moments : la protection, l'autonomie et le bien--être. Elles dessinent le cadre de toute politique du soin, on l'a vu sur un plan historique en introduction : nous retrouvons ce cadrage en partant de l'action ordinaire chez les personnes. a) La protection, d'abord. Qu'est--ce à dire ? c'est le souci que la personne ne se fasse pas de mal à elle--même, ne se mette pas en danger -on voit tout de suite le lien à la pédagogie d'un côté, à la gouvernance de l'autre, il s'agit d'un problème d'autorité et de responsabilité ôtées à la personne et déléguées à ses « gardiens » (parents, professeurs, médecins, surveillants, infirmiers, policiers, etc.), à partir de l'hypothèse que les personnes ne sont pas entièrement en mesure de savoir elles--mêmes ce qui est bien pour elles, Visées contradictoires, ruse et fiction Repartons des trois principales visées contradictoires que l'aide aux personnes à domicile doit articuler entre elles

, protection au sens large : physique et morale, lutte contre les agressions externes et l'incurie envers soi--même aussi bien que prévention de chutes ou de blessures, manque de prudence ou non anticipation de conséquences négatives

, Contre les façons anciennes de traiter l'aliéné, l'enfant, le délinquant ou le débile en lui niant tout droit à définir lui--même ce qui lui convient, c'est dans ces situations où l'autonomie comporte un risque réel qu'on peut mieux mesurer qu'elle est une aspiration en soi, pouvant s'opposer à une autre définition de l'intérêt des personnes fondée sur leur sécurité : même si cela comporte une part de risque, il s'agit de donner de l'importance au fait même qu'elles gardent une part de libre--arbitre, de choix sur ce qu'elles veulent vivre ; à ce qu'elles puissent, a minima, accepter ce qu'on leur fait et, sur un mode plus positif ou optimiste, définir elles--mêmes leur « projet de vie », ou de fin de vie, même lorsque les possibilités de choix en question se réduisent fortement (domicile ou hospitalisation, niveau de prise de drogue, type d'aides, etc.) ; ou tout simplement vivre encore un peu comme elles veulent, dans le détail de ces choses insignifiantes mais qui font qu'on est soi--même (j'aime le Coca, ou rester vautré devant la télé, ensuite : la formulation même du précédent concept dessine en creux les traits de celui--ci, qui est historiquement une aspiration plus récente : s'il faut empêcher les personnes de nuire et de se nuire, certes, il faut aussi respecter leur propre volonté, tenir compte de leur façon de vivre

, Si ne pas se mettre en danger revient à vivre en cage ou à être ligoté dans tous ses gestes, ce n'est pas être protégé, c'est être prisonnier, cette exigence de sécurité n'a de sens protecteur que si elle permet de vivre, non si elle se traduit par une quasi mort vivante, l'interdiction de prendre un risque ou de se laisser aller à une tentation, de suivre son instinct ou d'assumer un comportement que d'autres n'auraient pas, etc. C'est cet équilibrage entre le présent et ses conséquences

. Le-bien--Être, Quand on aide, on ne cherche pas seulement à protéger sans bafouer l'autonomie, ou, en mettant l'accent dans l'autre sens, à aider la personne à rester autonome tout en veillant à ce qu'il ne lui arrive rien : on cherche avant tout à ce que la personne soit bien. Et cela peut entrer en contradiction avec les autres soucis : dois--, sans présence d'un souci ni de protection, ni d'autonomie - il y en a même beaucoup, c'est l'ordinaire de la relation qui se déroule bien : du simple sourire ou de la petite caresse durant la toilette à l'installation confortable, du médicament pour ne pas souffrir au temps laissé à la conversation, de la douceur dans la réalisation du soin à la sensibilité aux choses qui peuvent heurter et qu'on fait bien attention d'éviter, voire simplement à l'entrain et à la bonne humeur que les intervenantes ou les aidants, en comptant sur leur effet contagieux, savent si bien afficher, dans des circonstances qui n'y prêtent guère. C'est bien en remettant au premier plan ce type de souci, articulé à celui de l'autonomie, que les défenseurs du care ont aidé à redéfinir la relation de soin - quitte, enfin. Pourquoi ce troisième terme, d'abord ? Nous allons voir pourquoi il est nécessaire par rapport aux deux précédents, même si hélas le mot lui--même est souvent généreux par rapport à ce qui peut être réalisé, et qu'il serait trop long mais plus approprié de l'appeler « effort pour que les personnes soient le moins mal possible? » : mais après tout, la protection et l'autonomie ne sont elles aussi que des « visées », des espoirs dont on sait qu'on n'est plus en état de les satisfaire pleinement, ce qui n'empêche pas qu'elles soient actives dans le cours des choses qu'on fait, 2008.

. Molinier and P. Laugier, a déjà le mérite de bien mettre l'accent sur son pragmatisme obligé, sur l'exercice d'équilibre permanent qui oblige à jongler entre des exigences difficiles à concilier dans le cas de personnes dépendantes en partie privées de leur jugement ? Il y faut donc en continu un sens du compromis, de l'opportunité de l'action, de l'invention de solutions au coup par coup, aussi bien qu'une capacité à plus longue échéance de déterminer ce qui compte le plus pour chaque cas, pour définir les conditions de la prise en charge ou de l'aide et de leur évolution, ou préparer une décision grave comme le placement, ou encore, pour l'aidant, se prémunir soi--même pour tenir le coup et ne pas se laisser envahir sans pour autant devenir insensible. Mais cette façon de présenter les choses trouve aussi sa limite. Est--ce que cela veut dire que le soin, ce n'est que de l'intuition, de l'art de faire local et impossible à formuler ou, sinon à généraliser, du moins à mieux comprendre à travers la mise en évidence de régularités ? Eh bien, non ! C'est vrai, il n'y a rien à dire de plus, si qui n'en circule pas moins d'une situation à l'autre : il peut être commenté, il développe des traits, des compétences, un « tour » ou une façon d'aborder les choses et les êtres qui peut être repris pour lui--même, caractérisé par rapport à d'autres façons de faire contrastées, qui seraient définies par exemple à partir de cadres professionnels, de compétences certifiées ou de « bonne pratiques ». C'est ce que l'idée de ruse nous a aidés à penser, Pourquoi faut--il aller plus loin que ce premier niveau de description de l'activité de soin et d'aide qui, par rapport à une conception trop normative ou idéalisée, 1994.

, elles y arrivent ! Si on continue à ne pas chercher à clarifier des choses qui ne sont pas claires, mais à comprendre comment les aides « font avec » ces contraintes, ces visées et ces exigences en partie conflictuelles, c'est cette compétence même qui appelle notre attention. Comment fait--on faire quelque chose à quelqu'un « pour son bien » mais sans qu'il le veuille vraiment ? Comment lui fait--on accepter ou demander quelque chose qu'il ne voulait pas ? Comment inversement sait--on à quoi il vaut mieux renoncer, au moins pour un temps, malgré un risque parfois important, quitte à y revenir quand les choses se présenteront mieux, ou au contraire quand le poids de leur nécessité sera hélas devenu assez lourd pour permettre de passer un peu « en force » ?? C'est à cette question du dosage entre exigences contradictoires, incluant une dose de violence ou de forçage, que, dans le fil des révisions apportées par le care mais aussi en nous en démarquant pour insister sur un aspect que cette démarche a eu tendance à sous--oeuvres

, Ne pas dire, faire comme si, faire semblant de faire quelque chose et en faire une autre, attirer l'attention ailleurs, surjouer un départ ou la gaieté, etc., l'aide à domicile est si remplie de ces moments où un peu de théâtre fait passer la pilule qu'il n'est pas nécessaire d'insister. Ce que prendre l'idée de fiction au sérieux nous permet de faire, c'est plutôt, comme pour la ruse, de sortir ce « jeu » continuel d'une vision négative, de ne plus seulement l'entendre par défaut (on ne peut pas jouer complètement franc--jeu, donc on biaise un peu), de ne plus le comprendre et le vivre que comme pis--aller ou arrangement faute de mieux. Car si on ne voit en elle qu'un moyen de la ruse (même en notre sens élargi et positivé), la fiction (ou la feinte, le mot a la même origine) reste stratégique, opérationnelle, liée à un but local : quelque chose à faire passer, un accord à obtenir, un soin à faire accepter, etc. Même sans réduire la fiction à du boniment ou à un clair mensonge, opposés à une réalité cachée (dans quelques cas extrêmes, certes, c'est bien de cela qu'il s'agit), cette vision « pauvre » en reste à une linéarité instrumentale de l'action : un objectif à atteindre, un problème pour le faire accepter, une mise en scène présentant l'affaire autrement pour parvenir à cette fin. Même en assouplissant encore cette vision, De la ruse à la fiction L'enquête sur ces situations faites d'embarras, d'incertitude, d'exigences contraires, nous a amenés à constater que tenir tout cela ensemble imposait de passer, entre autres, par la ruse, une pratique qui questionne la confiance et finalement le care. Notion cruciale, mais que nous avons ainsi essayé de recharger du poids des contraintes, des choix à faire malgré les personnes, de l'impossibilité de se reposer sur une définition stable et cohérente de leur bien, 1987.

;. Pelluchon and . Leichter--flack, Si la fiction fait elle aussi l'objet d'une grande variété de réflexions, à cause de son lien étroit à la littérature et aux théories savantes qu'elle a fait naître et aux philosophies de l'intention et de l'action qu'elle suggère, elle entraîne en revanche sur des chemins tout à fait divergents. Certes, nous pouvons nous appuyer sur des armées de bons auteurs qui se sont tous battus comme nous ici pour sortir la fiction de l'opposition platement réaliste entre mensonge et vérité, 1976.

. Searle, Comme il le dit de façon admirable, et nous ne pouvons que mettre en exergue de nos modestes efforts cette ressource très riche pour penser, la fiction est un « outil de production ontologique », elle crée les êtres, elle sert à dire la vérité et à faire la réalité, non à les cacher, bien sûr (fiction comme mensonge), mais pas non plus à les révéler par contraste (récit de fiction) 34 . L'exemple de l'éducation que nous avons déjà évoqué le fait bien comprendre, par exemple sur la responsabilité : si on en laisse de côté la version autoritaire et la version laxiste ou cynique pour analyser celles qui se soucient de rendre l'enfant responsable, l'éducation « pédagogiste » relèverait de la fiction en son sens littéraire : faire « comme si » l'enfant est responsable, le « voir comme » tel, l'aide à le devenir. Mais l'éducation tout court, elle, celle qui sait faire des hommes, relève de la fiction au sens fort que Ricoeur défend. Il ne s'agit nullement de « faire comme si » : traiter l'enfant en être responsable, c'est le faire être tel 35 . Qu'est--ce que cela implique, dans l'analyse de la relation d'aide à domicile ? D'abord l'idée du partage d'un accord au moins partiel sur ce qui se passe, entre l'aidant et l'aidé surtout, et tous les personnages secondaires. Entre la ruse, trop tactique si on en reste là, et le contrat, trop juridique et qui vide de contenu la réalité même qu'il codifie, il y a la fiction. Nous restons certes tout près de la ruse dans ses versions collaborative ou croisée : mais la fiction, c'est le glissement supplémentaire qui la fait accepter, qui la transforme en quelque sorte en une ruse « signée », entre des acteurs qui rentrent dans ce petit jeu partagé. L'importance de cet espace commun est capitale, c'est en s'appuyant sur sa fermeté peu à peu acquise qu'ensuite, au fil des interactions, cadre présent, mais il est important de souligner que c'est sur une autre tradition, beaucoup moins fréquentée, que nous nous appuyons pour comprendre la notion : celle qui va du Goffman de La Mise en scène de la vie quotidienne (1973), du moins dans la mesure où selon nous, sa métaphore théâtrale a été beaucoup plus relevée que son usage de la fiction, à Paul Ricoeur et à sa longue réflexion sur le récit, pp.1983-85, 1979.

, Il dit que la fiction vise un « être en tant que », c'est un « voir en », non un « voir comme ». Il s'agit de sculpter ce que nous faisons arriver, non de nous en donner une image : c'est la même idée, la fiction, dont Bruno Latour (1991) rappelle la proximité avec la fabrication (fiction/faction), est une façon (encore un mot voisin) de produire le monde

«. Parce and ». Le-caractère-performatif-de-cette-fiction-ontologique, Du lit et de la douche aux fauteuils et aux doubles de clés, des médicaments à la nourriture et à l'argent, etc., il n'y a que des saynètes organisées autour d'objets qui circulent, dans l'affaire. Enfin, toute cette activité est très immédiatement corporelle : des postures, des gestes plus ou moins brusques ou non, des signaux envoyés en permanence et aussitôt interprétés. Que serait une aide qui agirait comme un robot pour faire certaines tâches, dans un lieu débarrassé des obstacles qui gêneraient son action mécanique ? C'est au point que cette « fiction »--ci, celle du robot, nous fournit un excellent contre--exemple pour comprendre la présence de l'aide au domicile comme l'exact inverse de cela. Si on dépouille la métaphore théâtrale de son tour superficiel, c'est ce qu'exprime finalement assez justement le fait de dire que l'aide est sur une scène et qu'elle joue son rôle. Tenue du corps, extériorisation des sentiments, expression guettant une réaction. Tout cela renvoie bien à l'idée d'une « direction », comme on dit pour les acteurs, direction des corps et des gestes, des actions et des acteurs, des relations et du sens, celui qui est présenté et celui qui est reçu. Le mot « jeu », ainsi associé aux acteurs, est aussi utile sous un autre angle, en ce qu'il introduit l'idée d'une règle commune : « à quoi joue--t--on ? », quelle est la règle du jeu, est--ce que tout le monde « joue le jeu », que veut dire « jouer juste », etc., c'est la même affaire de fiction partagée, d'un côté, de jeu d'acteurs de l'autre. L'idée de jeu permet de sortir la fiction d'une vision désincarnée ou psychologique, centrée sur la relation au sens purement sentimental : non, c'est une relation à installer, à faire, passant par les choses et les espaces, par les corps et les gestes. La fiction, c'est la relation même, dans laquelle les choses peuvent se passermais à condition de retenir dans le mot relation ce tissu de corps, d'objets, d'actes et de sens par lequel elle tient, et non d'en faire un contact désincarné. Une petite note au passage, sur l'intérêt de cette anthropologisation et de cette matérialisation de la relation d'aide par le recours à l'idée de fiction, par rapport à sa psychologisation. La notion explique mille fois mieux la tristesse et le désarroi de l'aidante quand l'aidée part en maison ou meurt : les aides sont orphelines de leur fiction. Comment mieux le dire ? Une histoire commune s'arrête brutalement, souvent sans que le dernier mot en ait été prononcé, histoire unique, partagée avec leur aidée, non dicible aux autres, engageant l'affection, une définition de soi particulière (chaque relation vous fait et vous révèle un peu à vous--même), tout cela sans tiers véritablement « dans la confidence » : ce « parce que c'était elle, parce que c'était moi » ne se partage pas. On comprend que cela laisse un grand vide, sans avoir besoin de transformer cela en manque de contrôle de ses affects, à gérer en en parlant en groupe de paroles et en apprenant à se blinder. Au delà de tout cela, ou sous cela, on débouche enfin sur la question de la confiance, du fait de se sentir bien avec l'aidant, et réciproquement. Il faut entendre par fiction le travail commun entre l'aidant et l'aidé pour tisser les décors et l'intrigue de leur propre relation, avec ses non--dits et ses numéros excessifs, avec ses jeux de rôles et ses moments de vérité, avec ses secrets partagés et nécessaires et ces complicités plus ou moins avouables. La fiction, c'est un jeu de chat et de souris -comme la ruse -mais avec un moment où on se dit sans le dire qu'on joue au chat et à la souris ! Confiance en un sens très profond, donc, accord non pas sur tel ou tel acte, mais sur l'ensemble de la relation, dans cette optique : nous serions devant une fiction qui n'a pas pris, entre la maladresse, d'un côté, d'une offre d'aide non interrogée et d'une complicité recherchée du côté d'une relativisation de la maladie, ce qui ne fait chaque fois que relancer la posture de refus de Mme Duchêne, et la surdité à ce qui ressemble à une offre de fiction autre de la part de celle--ci : « cessez donc de vouloir m'aider malgré moi et de vous étonner de mon caractère et de mes refus, tout en prenant un air gêné et en vous taisant dès que je parle de mon fils, reconnaissez plutôt ma souffrance et accompagnez mon deuil, 2001.

, En se délestant, au moment du soin, de l'aspiration à l'autonomie, la version hospitalière et médicale paternaliste n'a pas ce problème : la 'aide ; enfin, il admet d'office que l'autonomie est un bien des personnes, qu'elles peuvent défendre et dont elles peuvent elles--mêmes se faire les porte--parole ; ce faisant, le care (au moins dans ses premiers états) prend pour acquis ce qui précisément doit être délicatement mis au point, dosé, reconstitué par indices : le respect d'une autonomie qui ne peut plus être que « par défaut », ou virtuelle, supposée, et parfois imposée. Pour l'institution, ou pour le militant du care, pas besoin de fiction, les choses sont ce qu'elles sont. Mais pour l'aide à domicile en situation, il n'en va pas de même. Il lui faut faire persister ce qui n'est plus, en faisant comme s'il est encore? C'est donc une autonomie par procuration, d'une part : c'est en partie l'aide qui la fait dire à l'aidé (il en va exactement de même pour la sécurité, avec la prise de risque par procuration). Et c'est d'autre part une autonomie « fictive », performative, au sens où c'est le fait d'en maintenir l'hypothèse qui la fait exister ; au sens où on doit en quelque sorte affirmer par ses actes sa possibilité pour qu'en effet, elle devienne possible, ou qu'il en subsiste quelque chose. Drôle d'auto--nomie, décidément, qui doit être supposée et supportée par les autres pour exister ! Mais après tout, qu'est d'autre la fiction ? Au théâtre comme en politique, c'est ainsi qu'on fait des mondes. Cette acception forte de la fiction permet d'installer pleinement notre analyse dans sa dimension éthico--politique, d'expliciter la portée de cette façon de faire durer ce qui n'est plus en faisant comme si cela était encore : nous n'en sommes plus du tout, en effet, à souligner l'opportunisme débrouillard des aides à domicile. L'enjeu est de parler aussi de l'intime comme exigence politique, de la nécessité du caché, des non dits de la bonne entente, de l'opacité, etc., c'est--à--dire de tous les ingrédients d'une relation d'aide qui respecte les, Une autonomie par procuration ? La fiction va nous ramener, enfin, à nos interrogations sur l'articulation impossible du couple protection--autonomie. Car les voir elles--mêmes comme fictions, au sens fort du mot, cela change tout. C'est là que selon nous ces deux aspirations, qui renvoient à des normes politico--éthiques très générales, redeviennent spécifiques à l'aide à domicile. En effet, dans le cas des personnes dépendantes, aucune de ces deux conditions ne peut plus être remplie de façon naturelle et complète, dans le sens fort qui implique une pleine acceptation de ce qu'on fait ou subit. C'est bien pour cela que ces visées doivent être « appelées

T. Transparence, Ou la fiction, plus vraie que la réalité, puisqu'elle en est la productrice. Le parallèle avec l'acception artistique de la fiction prend un autre sens. Non plus vers le théâtre, mais autour de la question de l'oeuvre. Comme dans l'oeuvre d'art, l'aide doit construire quelque chose, mais sans en connaître le résultat ni la forme finale. Certes on doit connaître tous les artifices techniques, mais cela ne suffit pas, ni ne garantit rien. Ce n'est pas la conformité qui fait la qualité, et les critiques peuvent se tromper : comme en art, une « bonne » fiction ne peut être garantie, seul le jugement de la postérité fera la qualité de l'oeuvre -ce qui n'empêche qu'un regard critique a posteriori soit possible et nécessaire, même si on met en doute l'existence d'un point final comme moment du « bon » jugement. Gérard Genette parlait de l'oeuvre de l'art (1994--97), pour l'opposer à l'oeuvre d'art et rappeler que c'est quelque chose à ouvrer : nous retrouvons un peu cela, avec nos scénaristes de l'accompagnement, avec nos créatrices de l'« oeuvre de l'aide » 37 ? De même que l'art ne vaut que par l'expérience qu'il provoque, quelle duperie moderniste ! Il faut toujours se mentir à soi--même, non pas comme mensonge défensif, mais comme condition nécessaire pour faire advenir des mondes autres, et avant cela pour trier, pour oublier ce qu'il faut, et pouvoir avancer. La fiction n'interdit pas qu'on dise la vérité

, Nous retrouvons ici le sens juridique originel de la notion, tel que Yan Thomas l'a superbement montré dans le droit romain, avec son analyse de la fictio juris (2005) : étonnante capacité du droit d'inventer formellement le cadre d'une réalité, qui en effet devient actuelle grâce à la fiction qui la supporte -c'est ainsi qu'en droit romain, le fils peut adopter son père

, Serait--ce l'inconscient des mots ? Retrouverait--on là le sens profond des « bonnes oeuvres » des bourgeoises d'antan ?!

. Cf and . Dewey, Cela veut dire que de notre part, maintenant, la fiction ne peut être promue cadre d'analyse général de l'action collective, comme un régime fixe, qu'on décrirait de l'extérieur : c'est une direction virtuelle, un geste vers?, non une théorie des rapports humains. Notre travail peut aider à mieux comprendre des situations, à insister sur la pluralité irréductible des relations, à inventer collectivement des façons de faire (dans les services, dans le réseau des proches), peut--être même, plus globalement, à faire mieux reconnaître et valoriser en tant que tel le devoir d'accompagnement des personnes vulnérables. Il ne peut aboutir à prescrire des solutions ready--made. Peut--être que, finalement, nous n'aurons fait que dépeindre les aidants et les intervenants à domicile en dramaturges du soin : la relation d'aide est infiniment plus qu'un art de faire, elle est l'art de construire ensemble une fiction heureuse, qui rende son propre déploiement possible. Nous--mêmes n'avons pas fait une théorie de l'aide comme ruse et fiction : nous nous sommes servi de ces ouvre--boîte pour exprimer l'expérience de cette aide recueillie, par tous les moyens, et la faire circuler parce que ce « récit sur le récit » rencontrera d'autres expériences, elles aussi chaque fois singulières, qui pourtant s'y retrouveront? Après tout, que font donc les autres fictions, celles de la théorie littéraire et des romans, sinon transporter ces singuliers reconnus de tous ? de l'expérience concrète intraduisible en termes généraux et abstraits. Pour être pertinente, une évaluation de l'aide devra d'abord s'évaluer elle--même, elle qui rêve de tout mettre sur la table, et repenser son propre concept pour se déprendre d'une visée trop instrumentale et opérationnelle, obsédée par les critères, L'exemple aide bien à comprendre qu'il n'y a aucune opposition entre ce caractère de performance, toujours à rejouer, et la capacité de l'oeuvre à intéresser des multitudes, à se transmettre et à circuler dans l'espace et le temps : il en va de même entre la reconnaissance de l'unicité de chaque cas, pour nos récits, et le pari qu'ils n'en contiennent pas moins la matière de leçons infinies, pp.205-219, 1934.

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. .. Sommaire,

. .. Introduction,

». .. L'essor-des-«-politiques-du-proche,

, L'évaluation de la qualité des interventions à domicile

L. and .. .. ,

. .. Méthode,

.. .. Faire-le-suivi-d'une-négociation-diffuse,

, Les études de cas comme situations d'épreuve

.. .. La,

. .. Les-Épreuves,

. .. Les-récits-de-cas,

L. .. Samsah,

. .. Anonymat,

L. Samsah-«-accompagner and ». .. ,

S. Le, -. De-mont, and .. .. ,

. Ii, . Présentation, and . .. Treize-cas,

. .. Le-cas-de-naggi-ralit, Une inscription territoriale complexe

». .. L'intervention-du-samsah-«-accompagner,

. .. Les-capacités-cognitives,

.. .. Dans,

.. .. La-question-de-l'observance,

.. .. Le,

. .. Conclusion, ne sait pas à quoi s'en tenir, ça n'avance pas ». Le cas de Frédéric Moulin

L. Du-samsah and .. .. ,

M. Moulin and .. .. ,

, 54 Le sentiment que « ça n'avance toujours pas »

.. .. Épilogue-:-une-douche-froide,

. «-compliqué-au-départ, ». Puis-finalement?, and .. .. Le-cas-de-pascal-pitard,

.. .. Une-déchéance-douloureuse-À-regarder,

.. .. Le, , p.61

.. .. ,

.. .. L'hygiène-alimentaire,

. .. , 73 Conclusion : un grand manipulateur ?

L. Angoisses-d'une-mère-célibataire and .. .. Le-cas-de-marion-minvielle,

. L'écoute and .. .. Le-soutien-psychologique,

, L'un des centres des préoccupations de Marion : ses proches

L. Budget and ». .. Droit-commun,

L. De-marion-minvielle and .. .. ,

. .. Le,

.. .. Poursuite,

C. Éparpillement and .. .. Le-cas-de-jacques-grichon,

, Cadre de l'action et perspective

«. Le and ». .. ,

». .. De-«-l'éparpillement-À-l'autonomie,

. .. L'hygiène-alimentaire,

.. .. Le-champ-du-soin,

.. .. ,

, Flexibilité du périmètre d'action et fragilités normatives

L. Place-du-samsah-dans-le-dispositif-médico--social and .. .. ,

L. and .. .. ,

«. Si-c'est-comme-Ça,

. .. Un-passé-mouvementé,

L. and .. .. ,

, L'évaluation des capacités de travail et la contrainte des soins

.. .. Le,

.. .. La-régulation-du-réseau-d'interdépendance,

. .. Le-cas-de-mme-langevin, 125 « C'est son ange gardien qui la garde, elle, c'est pas possible ! » : un maintien à domicile controversé mais souhaité par la personne et ses enfants

». La-«-carte-de-dépannage and . Qu, il est responsable des courses de sa mère

. «-c'est-normal-!-»-:-face-À-l'avancée-de-la-maladie, 137 L'épreuve de la gastrostomie : « une opération de confort », « une question de responsabilité » ou « une étape de plus vers la mort » ?, le collectif s'adapte pour repousser les limites du maintien à domicile

«. Des-jambes-comme-Ça,-c'est-pas-des-jambes-!-»-:-le-handicap-de-basma and .. .. , 143 « Moi je préfère faire les trucs par moi--même? » : un souci d'autonomie et une énergie qui suscitent l'admiration

«. Le-matin-c'est-très-bien, 150 « Je lui ai donné un double des clés » : les problèmes d'accessibilité partiellement résolus grâce à la relation de confiance établie avec l'auxiliaire de vie, mais après vous me laissez tranquille? » : l'intervention musclée du Samsah et les premiers ajustements

?. .. , 155 « Il n'y a personne pour activer les choses ! » : quelques mois après le déménagement, un déficit de coordination, Le projet non abouti de l'acquisition d'un fauteuil roulant électrique : problème de logement, troubles cognitifs ou manque de temps d'apprentissage

. Garder-le-contrôle-de-sa-vie,

. .. «-cette-liste,-c'est-une-manière-de-savoir-où-je-vais-»-:-une-dame-hospitalisée-qui-essaie-de-garder-le-contrôle, 164 « Depuis son retour à domicile, c'est un peu compliqué? » : les professionnels peinent à maintenir une relation de confiance

, 169 « Celle--là, elle m'énerve ! » : réduire l'intervention du service au profit d'une infirmière libérale, « Les bons et les mauvais objets » : des théories indigènes à la base des nouvelles propositions d'accompagnement

?. .. «-je-serais-mieux-enterrée-sous-terre-»-:-un-problème-psychiatrique, Épilogue : les bénéfices d'un changement d'interlocuteur

. .. Une-vieille-dame-qui-n'a-pas-besoin-d'aide?-le-cas-de-mme-duchêne, 176 « Est--ce qu'on force les gens comme ça ?

.. .. Une,

«. Vous-ne-savez-pas-ce-que-c'est? and ». .. ,

«. Mais and ?. ». , 183 Comment savoir l'état d'une personne, et l'attitude qui conviendrait?

.. .. Le,

. .. Un-placement-inéluctable,

, 195 1 e séquence : au domicile, un maintien à bras--le--corps

.. .. «-tant-qu'elle-marchait,

, « Ça m'arrive à moi, je me débrouille avec » : un engagement réciproque

, « Des choses que j'aurais jamais pensé être capable de faire » : un apprentissage exigeant, p.199

«. Je and .. .. , 201 « Plus dur qu'hier, mais moins dur que demain » : un délitement de la relation

, 2 e séquence : les professionnels face au refus d'aide

. .. , « Il commence à avoir du mal à pédaler » : les effets de la maladie sur l'état du mari, p.205

. «-elle-comprend-tout-ce-qu'on-lui and . Dit,

, « Ils ont fait beaucoup de progrès tous les deux » : l'arrêt

«. Qu, il n'y avait plus d'espoir » : un combat impossible

, « Vous ne voulez plus me la rendre ? » : une séparation redoutée

. «-quand-la-jambe-est-pourrie, on la coupe » : le placement devient une question de survie, p.216

«. , impression d'avoir porté le monde sur mes épaules » : l'espoir d'une amélioration, p.217

J. Jouer-le and .. .. Le-cas-de-mme-decool,

«. .. Elle, 221 « Est--ce qu'on a le droit de l'enfermer ? » : la place indéfinie de l'autorité au domicile

, Je me sens responsable » : de la prévention du risque à la protection des intervenantes, p.229

.. .. ,

, « Syndrome d'aphasie primaire progressive » : l'incertitude du diagnostic

L. «-faire-un-maillage-entre, . Médicaments, and . .. Le-quotidien-;-le-soutien-du-généraliste, , p.232

. .. «-c'est-moi-qui-fais-du-mal-À-cette-personne-»-:-l'épisode-du-peigne, 234 « On a réussi à la calmer un peu, mais pour combien de temps ? » : l'infirmier libéral en renfort

, Je vais devoir lui dire un jour que ce n'est plus possible » : un maintien à domicile en sursis, p.239

.. .. Le-placement,

«. and ;. .. , 241 « On a tous les sentiments qui se mélangent » : un long cheminement vers le placement, p.245

«. Taux-Élevé-de-benzodiazépine-»-:-une and .. .. ,

. Laisser-faire-l'imprévu and .. .. Le-cas-de-m.-neuts, 250 1 e séquence : une maladie au coeur des relations familiales

, Je suis bien avec lui » : l'engagement de l'épouse pour préserver le bonheur, p.251

, 253 « C'est trop dur de faire supporter ça à la famille » : qui a la responsabilité du malade, « Je fais tout pour que Maman fasse le moins d'imprudence possible » : le dépassement de la fille pour soutenir sa mère, p.255

. Du, du chaud et de la douceur pour faire glisser les soins

«. , espère ne pas me prendre un pain » : blocage et coopération

, Je vais me lever, mais je vais vous taper » : agressivité et stimulation

, Apragmatisme extrême : les symptômes, du diagnostic aux traitements

«. , 269 « On a démarré quelque chose de formidable » : comment passer le relais ?

. «-je-n'ai-jamais-pu-toucher-À-monsieur,

«. .. , ai réussi à aller sortir les poubelles avec Monsieur » : cap sur l'accompagnement, p.277

«. Elle,

, Je vous dis pas dans l'état que j'étais » : l'inquiétude de l'épouse

.. .. «-faire-comme-si-de-rien-n'était-;-le-couple-dans-la-crise, un changement dans la relation d'aide

. Iii.-l'aide-À-domicile-:-tact, . Ruse, and . .. Fiction,

.. .. L'entrée-À-domicile,

L. and .. .. ,

. .. Un-monde-incertain,

.. .. Entre-contrainte-et-persuasion,

L. .. ,

, Les histoires de clés : ruse, confiance et accusations réciproques

, La fiction comme accomplissement de l'aide

.. .. Visées,

.. .. De-la-ruse-À-la-fiction,

, Une autonomie par procuration ?

. .. Bibliographie,