Du traitement automatique de l'information à sa manipulation
Résumé
Pour remédier aux risques de désorientation et de surcharge cognitive que court l’utilisateur d’un hypermédia, de nombreuses aides ont été élaborées, qui, dans leur grande majorité, reposent sur un traitement automatique de l’information : pondération des résultats, cartes sémantiques, etc.
C’est bien sûr oublier le rôle que joue l’utilisateur dans l’appropriation des connaissances.
L’étude des pratiques expertes sur Internet révèle ainsi que le travail de collecte, d’assemblage, de conservation et de redistribution des textes sur le réseau est en effet une pratique courante. Ce qui a concouru par exemple à rendre si célèbre « l’affaire Sokal », dans laquelle le physicien éponyme, après avoir publié dans une revue de sciences humaines un article contenant de nombreuses erreurs, dénonçait l’incurie des chercheurs de ce domaine, c’est avant tout la diffusion rapide du texte ainsi que l’échange de messages et la copie en chaîne de passages extraits des articles.
Selon Yves Jeanneret, les actes qui s’inscrivent sur l’espace de l’écran « vont de l’acte de « cliquer », qui est quelque chose comme l’actualisation gestuelle d’une lecture (il y a désormais à côté de la lecture silencieuse et de la lecture oralisée, la lecture gestualisée) jusqu’au travail de collecte, assemblage, conservation et redistribution des textes que pratiquent couramment les utilisateurs experts du réseau » (« Y a-t-il vraiment des TI ? », p. 129).
Comment introduire cette nouvelle dimension en classe de langue d’une manière générale ? A moins de disposer d’un outil spécifiquement dédié à cet usage, deux solutions sont envisageables, qui consistent à détourner des dispositifs existants de ce pour quoi ils ont été crées à l’origine :
La première consiste à afficher simultanément à l’écran la fenêtre du navigateur et celle d’un logiciel de traitement de texte ouvert en mode plan. Il suffit alors, au fil de la navigation, de déplacer des segments de texte d’une fenêtre à l’autre, de regrouper les unités ainsi copiées/collées par thèmes puis de créer des titres et sous-titres en leur attribuant des niveaux hiérarchiques différents.
La seconde consiste à utiliser les favoris non plus comme un simple moyen de stockage, mais comme une aide à la structuration des informations. Il n’est plus question dès lors de les enregistrer sous le nom qu’ils ont par défaut, mais selon l’intérêt particulier qu’ils représentent dans le cadre précis du sujet de recherche tel qu’il est formulé au départ. Une page web traitant de la transgénèse du point de vue des opposants aux OGM n’apportera pas le même éclairage que telle autre page du site du GNIS, groupement national interprofessionnel des semences et plants : la transgénèse, qui relève du domaine scientifique, a-t-elle à voir ou non avec la morale ? L’agencement de ces deux pages, c’est-à-dire à la fois leur « nommage » et leur ordre de classement, dépendra directement de l'opinion de l’internaute sur le sujet.
Mettre en place ce type d’activité en classe de FLE, c’est faire d’une pierre deux coups. Non seulement cela permet d’initier les apprenants à des pratiques d’experts, mais c’est aussi un moyen de remédier à l’une des difficultés majeures rencontrées par les apprenants de L2 dès lors qu’il s’agit de passer à l’écrit : l’organisation des idées.