Les imaginaires de l'aventure migratoire : terrains africains - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Cahiers du CEMCA.Série Anthropologie Année : 2018

Les imaginaires de l'aventure migratoire : terrains africains

Résumé

Au cours de cette dernière décennie, le qualificatif d'aventurier a été largement employé à la fois par les médias, les écrivains et les chercheurs pour désigner ces migrants d'Afrique subsaharienne qui prennent des risques énormes, affrontent d'inénarrables dangers pour traverser les multiples frontières érigées sur leur chemin et destinées à entraver leur circulation. Mais ce terme fait aussi écho à des assignations emic, reprises en des lieux pluriels, par les migrants eux-mêmes. L'aventure renvoie certes aux épreuves objectivement éprouvées mais signale plus encore, en creux, leur désir intense d'exister autrement que dans les directions attendues par leurs familles ou les États d'où ils proviennent. C'est ainsi que les ressortissants de la Guinée Bissau implantés récemment à Lisbonne parlent d'aventure (aventura) pour rendre compte de leur expérience à la fois migratoire et urbaine (Sarro, 2009) tout comme les Sahéliens installés à Brazzaville dans le contexte d'incertitudes des années 2000 recourent à cette même grammaire pour caractériser leurs prises de risques, leur recherche de la réussite matérielle mais aussi de dignité (Whitehouse 2012). Ces références à l'aventure ne sont pas pour autant nouvelles ; le désir d'aventures des migrants africains a aussi une histoire. L'aventure a été considérée par les ' sapeurs ' brazzavillois partis à Paris acquérir vêtements et accessoires comme la forme achevée de leur parcours ritualisé, leur assurant consécration, une fois rentrés au pays (Gan-doulou, 1989). On retrouve cette même recherche de prestige chez les Kumasi Boys ayant quitté les pays Dogon ou Sonrai dans les années 1920-1950 qui partaient s'approvisionner en vêtements de luxe en Gold Coast (Dougnon, 2009) et qui envisageaient ces voyages comme ' les aventures merveilleuses du chemin ' (Rouch, 1956). Les migrants du fleuve Sénégal engagés dans la course aux diamants entre les deux Congo, à l'orée des Indépendances africaines se sont aussi rebaptisés aventuriers pour qualifier leurs modes d'insertion hasardeux dans ces contrées lointaines et la transgression qu'ils opéraient vis-à-vis de l'ordre familial et villageois en vigueur (Bredeloup, 2007). Le terme d'aventure ne correspond pas seulement à une forme migratoire particulière mais renvoie plus profondément à un mode de vie spécifique qui permettrait aux migrants d'échapper à un quotidien prévisible, fade et ennuyeux et de poursuivre leurs rêves. Les départs en migration ne s'expliquent pas exclusivement par des raisons économiques ou politiques. L'ambition individuelle, le désir de vivre ailleurs et autrement des expériences inédites sont aussi des moteurs importants, justifiant la mise en route de populations croissantes, jeunes ou moins jeunes, qualifiées ou non. Dès lors où la migration relève aussi et surtout d'une expérience morale, il convient d'en examiner les dimensions symboliques. Dans cet article, après avoir exploré les mots et les temps de la migration d'aventure à partir de terrains ouest-africains, il s'agira d'appréhender les diverses subjectivités mobilisées par les migrants aventuriers pour donner sens à leurs voyages et désirs d'ailleurs et conserver leur confiance en l'avenir. De quelle manière le recours à la foi et la religion, mais aussi à la geste épique contribue à construire ou à renforcer l'espoir des migrants aventuriers ?
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02443974 , version 1 (17-01-2020)

Identifiants

Citer

Sylvie Bredeloup. Les imaginaires de l'aventure migratoire : terrains africains. Cahiers du CEMCA.Série Anthropologie, 2018, 3, p. 97-105. ⟨hal-02443974⟩
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