Acquisition de la lecture et perspective développementale : cas du syndrome de Williams
Résumé
Savoir lire permet de s'informer et de communiquer aujourd'hui. Accéder à la lecture peut ouvrir de nouvelles perspectives de scolarisation et de formation et, par conséquent, contribuer à l'amélioration de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en situation de handicap (loi du 11 février 2005). Or les études conduites dans ce secteur sont encore peu nombreuses alors que l'accompagnement des jeunes en situation de handicap est une question cruciale qui concerne divers secteurs socio-économiques comme la santé, l'éducation, le travail ou encore l'accessibilité. Parvenir à proposer un meilleur accompagnement de ces jeunes contribue à améliorer les capacités d'apprentissage et donc d'autonomie, mais également, à ouvrir de nouvelles perspectives de scolarisation et de formation.
Suivant ce constat, nos travaux explorent le développement des habiletés impliquées dans l'acquisition de la lecture chez des enfants porteurs d'une maladie génétique rare admettant un handicap intellectuel : le syndrome de Williams (SW) (Scherer & Osborne, 2007). Le profil neuropsychologique dissociatif observé dans ce syndrome ̶ préservation relative du langage oral et de la mémoire phonologique mais altération de la conscience phonologique, du traitement visuospatial, de la mémoire de travail et des processus visuo-attentionnels ̶ pourrait être impliqué dans les déficits d'acquisition de la lecture (Dessalegn et al., 2013 ; Laing et al., 2001 ; Menghini et al., 2004). En ce sens, les études mettent en exergue que la variabilité des compétences de lecture dans ce syndrome peut être expliquée par des altérations dans les processus de traitement phonologique (conscience phonologique et mémoire) (Laing et al., 2001 ; Menghini et al., 2004) et/ou visuo-spatiales (Dessalegn et al., 2013). Afin d'orienter la réalisation d'outils de remédiation plus ajustés, l'étude présentée cherche à apporter des éléments de compréhension à l'hétérogénéité observée dans l'installation de la lecture chez les personnes avec syndrome de Williams.
Cette étude longitudinale s'étend sur 3 ans auprès de 4 enfants francophones avec syndrome de Williams, âgés de 5 à 6 ans, appariés à deux groups contrôles, respectivement, de même âge chronologique et de même niveau de vocabulaire (mesuré par l’EVIP de Dunn et al., 1993). Des tests standardisés évaluant la connaissance du code alphabétique (issue de la BELEC, Leybaert et al.,1994) ainsi que les compétences phonologiques, la mémoire auditivo-verbale et le raisonnement visuo-spatial (issus de l’EDA, Billard & Touzin, 2012) ont été proposés. Les résultats indiquent que des régressions des habiletés mnésiques et de raisonnement visuo-spatial, mais pas des compétences phonologiques chez les enfants avec syndrome de Williams, indépendamment de l’âge chronologique et du niveau de vocabulaire. L’installation atypique de ces habiletés peut être à l’origine des régressions observées dans les premières connaissances sur l'écrit chez les enfants avec syndrome de Williams.
Notre discussion s'orientera vers une meilleure compréhension des habiletés cognitives impliquées dans la mise en place de la lecture suivant une optique de remédiation. Si le syndrome de Williams est une maladie génétique rare, les enjeux de ce type d'étude sont importants car ils contribuent à mener une réflexion plus large sur l'acquisition de la lecture dans le cas d'un trouble du développement intellectuel (700000 personnes en France souffrent de handicaps intellectuels).