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Communication Dans Un Congrès Année : 2018

The film as a tool for sharing the inquiry

Le film comme outil de partage de l'enquête

Lucile Garçon
Nathalie Couix
Laurent Hazard

Résumé

Dans la façon dont elle s'est organisée depuis le début des années 2000 (Collectif, 2015), la sélection participative a rassemblé des chercheurs et chercheuses en génétique et amélioration des plantes (et quelquefois en sciences sociales), des agricultrices, des agriculteurs, des techniciennes ou des animateurs. Ces configurations, consolidées dans le cadre de projets de recherche orientés le plus souvent vers le développement de l'agriculture biologique (Wayman, Kucek, Mirsky et et al., 2017), ont permis d'expérimenter des modes de production et de régulation des savoirs (Sperling, Ashby, Smith, Weltzien, et al., 2001) ouverts sur davantage de diversité que les modèles délégatifs et centralisés hérités du régime fordiste (Bonneuil et Thomas, 2009). Toutefois, pour favoriser le pluralisme des méthodes de sélection, il semble qu'il ne suffise pas d'« élargir le cercle des acteurs de l'innovation » (id.) ; il importe aussi d'articuler une pluralité d'approches. Il s'agit alors de questionner la culture scientifique dont nombre d'entre eux sont empreints et avec elle les schèmes d'expérimentation vis-à-vis desquels ils entretiennent souvent, de manière plus ou moins consciente, une attitude révérencieuse. Concernant le maïs population, la construction d'instruments d'évaluation des variétés populations, par les chercheurs et les techniciens, conduit par exemple à occulter les observations spontanées et appréciations de ceux qui les cultivent. Faute d'être clairement formulées, les valeurs qui s'expriment tout au long du processus de sélection sont passées sous silence. Comment décrire ce qui se manifeste sans être dit ? Comment appréhender ce que fait quelqu'un pour comprendre ce qu'il cherche à faire ? Comment donner de l'importance à ces façons de faire, souvent changeantes et indéterminées face à une série de critères déjà stabilisés ? Autorisant une « observation différée et répétée » (de France, 1981) autant que la mise en regard d'une diversité de perceptions d'une même réalité (Olivier de Sardan, 1971), le film nous a semblé un outil pertinent pour une telle recherche. Empruntant à l'anthropologie visuelle les pratiques de l'« observation filmante » (Lallier, 2011), la démarche méthodologique que nous mettons en oeuvre puise également dans les techniques d'auto-confrontation et de confrontation croisée issues de l'ergonomie (Theureau, 2010). Outil de description dense (Geertz, 1973), la caméra nous permet de suivre, au plus près de leurs pratiques, cinq agriculteurs qui sèment, cultivent, trient, mélangent et évaluent des variétés de maïs population dans différentes régions de France. Une des originalités de la démarche est que la description se poursuit après le tournage, avec les principaux intéressés. Après quelques opérations de montage-réduites au strict minimum pour entretenir une relation de fiabilité avec la réalité-les personnes filmées sont invitées à visionner les documents réalisés et autorisées à rembobiner, zoomer ou faire des arrêts sur image. Ce processus de restitution se décompose en plusieurs phases d'interaction autour des films : entre la chercheure et la personne filmée tout d'abord, entre les membres de chaque collectif dans un second temps, et enfin entre les différents collectifs impliqués dans le projet. En nous appuyant sur quelques extraits de films, nous nous intéresserons en particulier à ce qui se fabrique lors de la première phase de projection. Nous verrons comment le film permet de mener un travail d'observation partagée qui peut à la fois enrichir et aiguiser la description ethnographique. D'une part, il offre un support pour pointer des gestes qui auraient pu passer inaperçus et verbaliser des pratiques tacites ou expliciter des savoirs incorporés. D'autre part, il permet de croiser les regards et ainsi de réduire d'éventuelles lacunes ou de limiter les erreurs d'interprétation. Davantage qu'un outil de captation du réel, la caméra apparaît tel un moyen de partager l'enquête en engendrant un document qui révèle le regard de l’observateur tout en donnant à celui qui en fait l’objet la possibilité de le mettre en discussion.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02364188 , version 1 (19-11-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02364188 , version 1

Citer

Lucile Garçon, Nathalie Couix, Laurent Hazard. Le film comme outil de partage de l'enquête. Biennale d'ethnographie de l'EHESS, Oct 2018, Paris, France. ⟨hal-02364188⟩
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