Être, temps et différences : pour une approche différencialiste du temps à l'ère numérique
Résumé
Dans le monde des organisations, et plus largement pour la plupart des décideurs aujourd'hui, la réactivité semble être devenue un critère de valorisation quasi absolu. Les technologies numériques de communication et de traitement de l'information accentuent bien sûr cette valorisation en permettant d'accélérer toujours plus frénétiquement le rythme des échanges. S'il convient ici d'éviter le piège du " déterminisme technologique ", il n'en reste pas moins que les technologies numériques sont des conditions de possibilité de modes d'interactions instantanées tout à fait inédites, qui bouleversent assez notoirement aussi bien nos modes d'être avec nous-même qu'avec les autres. Dans le présent chapitre, nous nous efforçons de montrer dans un premier temps que ce ne sont pas seulement les technologies numériques qui sont en jeu dans le problème de l'hyper-connexion, mais toute une économie des affects qui la sous-tend. Nous verrons, dans un deuxième temps, la façon dont une " écologie de l'action " pourrait nous engager à penser de manière différenciée les temporalités (le court terme, le moyen terme et le long terme). Cette différenciation demeure sans doute l'un des défis de la société numérique. Nous verrons en particulier que notre rapport à l'accélération, et plus globalement au temps, n'est pas uniforme et diffère fortement selon les valeurs des personnes et les cultures organisationnelles. La pression de la réactivité commence à être aujourd'hui bien connue. Elle rend la pratique des technologies de l'information et de la communication beaucoup plus ambivalente que dans le contexte de la vie personnelle et privée, où s'exercent des formes d'appropriation plutôt hétérogènes, notamment en termes de gestion du temps et des rythmes, ou des " idiorythmies ", pour employer un terme de Roland Barthes (Citton, 2009)…