Chapitre 7. Puissance et impuissance des normes techniques - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2017

Chapitre 7. Puissance et impuissance des normes techniques

Anne Mione

Résumé

Le mot « puissance », choisi pour dénommer cet ouvrage, n’est pas un terme neutre. Il est porteur de sens proches mais sensiblement différents tels que, « pouvoir, domination, autorité » ou « chose abstraite qui a de grands effets », « force, énergie », « possibilités, facultés » ou encore « forces inconscientes ». Ce choix ouvre donc clairement un ensemble de perspectives sur des normes de diverses natures, normes sociales, culturelles, comportementales, normes techniques… tout en stimulant un questionnement sur l’effet des normes. En réalité, un voile levé sur la puissance des normes peut laisser attendre une interrogation sur leur légitimité. Les néo-institutionnalistes, depuis Di Maggio et Powell (1983), ont éclairé les différents effets d’isomorphisme, normatif, mimétique et coercitif pour expliquer le comportement de conformité. Plus tôt, Merton (1957) puis Oliver (1991) ont proposé des typologies de comportements de mise en conformité aux normes, distinguant notamment des attitudes strictement adaptatives de comportements d’évasion et de rébellion. La dimension stratégique n’est donc pas écartée de la part des personnes qui choisissent de se conformer aux normes et les travaux les plus récents, depuis Garud et alii (2002) et leur approche de l’entrepreneur institutionnel, jusqu’aux travaux de Lawrence et Suddaby (2010) soulignent au contraire les manœuvres stratégiques portées par les acteurs pour créer, maintenir ou déstabiliser les institutions. Dans ce dernier cas, nous sommes en présence de stratèges manipulant les institutions pour bénéficier de leurs effets structurants. La puissance des normes n’est ainsi pas contestée par la perspective stratégique. Elle est au contraire utilisée dans un but précis, les entrepreneurs institutionnels mettant en œuvre des stratégies pour structurer le marché selon leurs avantages. Finalement, l’approche des normes a d’abord consisté en leur dévoilement, dans une perspective sociale sous-entendant un effet structurant qu’il s’agissait de révéler pour s’orienter progressivement vers une perspective entrepreneuriale stratégique tentant d’identifier des fenêtres d’action possibles afin d’agir sur le phénomène d’institutionnalisation et de bénéficier de ses effets. Pour autant, même dans une perspective stratégique entrepreneuriale, la question de la puissance des normes demeure. Des zones d’incertitude encadrent la norme, fut-elle clairement circonscrite à la norme technique. En premier lieu, le caractère opératoire de la norme pose question. Comment la norme peut-elle être agie, alors qu’il s’agit d’un instrument collectif, défini dans des institutions formelles instituant le consensus et l’intérêt global du marché ? En second lieu, à quoi tient la puissance d’une norme, par nature volontaire, une fois instituée ? Qu’est-ce qui donne à la norme émise un pouvoir structurant sur le marché ? Dans cette contribution, nous interrogeons la puissance de la norme au travers du recours aux normes techniques dans le but de structurer un marché. Nous nous fondons sur les travaux des néo-institutionnalistes économiques pour argumenter théoriquement la puissance des normes techniques dans le développement d’un marché émergent. Puis, nous choisissons d’explorer un cas émergent, celui des matériaux non conventionnels, dans lequel les mêmes arguments devraient prévaloir. Or, ce n’est pas le cas. La « puissance » des normes, si elle n’est pas contestée théoriquement, n’est pas recherchée en tant que telle et suscite plutôt une forme de découragement. Ces éléments permettent alors de poser un autre regard sur la norme et de poser plutôt la question de son impuissance. La première partie expose les arguments théoriques des économistes néo-institutionnalistes. La partie suivante expose les choix méthodologiques liés à l’analyse de l’émergence du marché dans le cas des matériaux et technologies non conventionnels (bambou, chanvre, terre sèche). La troisième partie présente les enseignements de ces analyses et la dernière propose de nouveaux questionnements.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02277404 , version 1 (04-09-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02277404 , version 1

Citer

Anne Mione. Chapitre 7. Puissance et impuissance des normes techniques. Joan Le Goff, Stéphane Onnée. Puissances de la norme Défis juridiques et managériaux des systèmes normatifs contemporains Joan Le Goff, Stéphane Onnée, EMS Editions, pp.124-138, 2017, 978-2-84769-862-6. ⟨hal-02277404⟩
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