, Face aux prétentions coloniales de l'Allemagne et de l'Italie, l'historien apporte ses arguments. Finalement, ces problématiques se renforcent à la veille de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'il convient de montrer que l'empire est un gage de puissance économique et militaire. Dans l'entre-deux-guerres, la « prise en charge » de la colonisation par les historiens de la Revue est totale. Nous n'avons pas rencontré de travaux s'écartant du discours ou des thématiques coloniales, alors que les premières remises en cause sont apparues au tournant des années 1930 -avec notamment, en 1931, Y Histoire de V Afrique du Nord , par Charles-André Julien. La rupture n'est consommée qu'après la Seconde Guerre mondiale, « avec un déplacement de l'intérêt vers la situation des populations autochtones pendant la période coloniale, et les effets de la colonisation sur celles-ci » 55, et la remise en cause effective des fondements de la domination coloniale. Entre 1913 et 1939, « l'alliance » réelle, objective ou inconsciente, entre le monde académique des collaborateurs de la Revue et le pouvoir colonial, politique, économique ou militaire, est d'une permanence remarquable. La production scientifique et les producteurs sont pris en charge financièrement par le ministère des Colonies, les gouverne¬ ments et les grandes sociétés commerciales. Les historiens coloniaux, fortement liés à l'administration coloniale par leur parcours profession¬ nel, se chargent d'une fonction de légitimation et de propagande et revendiquent clairement cette mission. Dans les faits, l'historien se trouve dans une double dépendance : vis-à-vis de l'appareil colonial, local ou métropolitain, et vis-à-vis du pouvoir intellectuel central, de la science historique métropolitaine, dominée par les conceptions positi¬ vistes. Nous avons montré que, lorsqu'elle entrait en contradiction, la première dépendance s'avérait souvent plus forte que la seconde. En réalité, le nécessaire regard critique, tant revendiqué par l'école positi¬ viste, est totalement absent de la production historique du moment. Les limites d'un tel travail apparaissent clairement. Nous n'avons étudié qu'une seule revue et celle-ci recrutait ses collaborateurs au sein d'un cercle très restreint, fête éteints, la France métropolitaine retombe plutôt dans l'indifférence. L'heure est à l'action, la recherche se fait plus fonctionnelle et l'historien fournit à l'administrateur de nouveaux outils de domination. Le système de légitimation de la colonisation se trouve mis en cause, ce qui nécessite la mise en place d'un nouvel argumentaire : les recherches historiques se développement sur « l'oeuvre coloniale » et, en ces temps de crise écono¬ mique, le thème de la mise en valeur s'impose dans les études africanistes

F. Leimdorfer, , p.94