, Démosthène ne présente pas le refus du peuple de l'écouter comme un simple fait qui s'est effectivement produit, même si c'est bien le cas, ainsi que l'ont rapporté les § 19-24, mais comme le dessein poursuivi nécessairement par son adversaire derrière toutes les fausses promesses dont il berçait ses concitoyens. L'accent n'est pas mis sur la réaction réelle et mal inspirée des Athéniens, qui s'en trouvent largement excusés, mais sur l'intention criminelle d'Eschine, qui aura dès lors le plus grand mal à plaider l

. Formellement, et Démosthène est censé s'en tenir au récit des faits, jeu auquel il se prêtait volontiers aux § 19-24. Toutefois, en choisissant de recourir à une consécutive logique au § 35, l'orateur transforme cette narration en véritable démonstration (?????????), mêlant ainsi ces deux parties en principe distinctes du plaidoyer d'une manière originale et bien à lui, et annonçant clairement la stratégie qu'il entend développer pour confirmer ses accusations : si les juges concluent qu'Eschine est un imbécile chez qui la vanité le dispute à l'incompétence et dont Philippe s'est joué, qu'ils l'acquittent ! Mais si Eschine s'est vendu à l'ennemi pour trahir la cité -et c, nous sommes encore ici au début du discours, dans la narration (ou diégèse, ????????, en grec)

. École-normale-supérieure, , vol.45

, Tout comme au § 35, Démosthène prête un discours indirect à ses adversaires, ici sous la forme d'une complétive à l'indicatif introduite par ??? après le verbe de « perception par l'esprit » ?????????, qu'il fait suivre d'une consécutive à l'infinitif livrant les suites logiques et, de toute évidence, voulues de cette démonstration (une attraction modale à l'infinitif est ici strictement impossible : cette consécutive est nécessairement « logique »). Le manuscrit A, f. 199r, traite cette phrase exactement comme celle du § 35 et place clairement devant ???? un point à mi-hauteur : ?????? ???? ; c'est aussi probablement le cas dans S, f. 203r, bien que moins nettement. Or, cette fois-ci, tous les éditeurs depuis le milieu du XIX e siècle écrivent bien une simple virgule devant la conjonction et non un point final

R. Lambin and . Schaefer-et-dobson-un-point-en-haut, Quant aux traducteurs, tous emploient de nouveau l'indicatif dans la consécutive en dépit de l'infinitif utilisé en grec, soulignant ainsi que la conséquence fut très certainement réelle. Toutefois, ce n'est pas sur cette triste réalité qu'insiste ici Démosthène, mais sur le pernicieux dessein qui préside à la démonstration fournie par ses adversaires et sur ses effets naturels et inéluctables

C. Hunzinger, Jean Yvonneau et Marwan Rashed m'ont apporté une aide précieuse afin d'améliorer la démonstration : je les en remercie vivement