Les labels, vecteurs d’internationalisation des villes ?
Résumé
Analysés comme un des leviers du basculement dans un régime de concurrence entre les villes,
les processus de labellisation s’inscrivent dans une ère définie par la compétition internationale.
Poursuivant des stratégies prédominantes de marketing, les villes et régions de toute taille
cherchent à se distinguer afin d’établir une identité spatiale telle une image de marque. Les
instruments classiques de la gestion urbaine évoluent et sont remplacés par de nouvelles
stratégies fondées sur l’incitation et l’émulation. De nombreux auteurs ont ainsi mis en lumière
l’émergence et la promotion de « bonnes pratiques » se référant à des villes modèles.
A partir de la définition même de « label », nous chercherons à comprendre quels concepts revêt
ce terme et s’il est correspond à un phénomène d’internationalisation de la fabrique urbaine. Le
mot, absent du dictionnaire italien, permettra de nous interroger sur ses traductions et sur la
multiplication des anglicismes dans le domaine des politiques publiques. En nous appuyant sur
le dossier de candidature de la ville de Matera pour devenir Capitale européenne de la culture,
nous nous arrêterons sur les expressions de « capacity building », « networking » et « legacy »
afin de les rattacher au système de pensée dans lequel ces concepts s’inscrivent. Cette analyse
mettra en lumière la dialectique du global et du local, par un label qui repose sur la valorisation
des singularités du site mais valide dans le même temps un certain nombre de standards et de
critères internationaux.
Pour incarner cette dualité d’échelles et de visions urbaines, nous discuterons du projet de la
place de la gare de Matera, imaginé par « l’archistar » italien Stefano Boeri. La construction de la
pergola de verre et d’acier de la nouvelle gare s’apparente indéniablement à l’ombrière de
Norman Foster sur le vieux port de Marseille. L’évidente ressemblance nous interroge sur la
circulation des modèles urbains et des acteurs « producteurs » de la ville, dans un contexte de
mondialisation dont les labels sont les vecteurs. Cette transformation des modes de conception
se traduit dans les projets urbains mais bouleverse également le jeu d’acteurs préalablement
établis. Nous chercherons dès lors à comprendre de quelle manière de nouveaux acteurs
interviennent dans la production des espaces et comment des derniers influencent le processus
de décision et transforment les relations de pouvoir.