Mélancolie et militantisme
Résumé
Dans son ouvrage Mélancolie de gauche, La force d’une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle), Enzo Traverso dresse un portrait de la « tradition cachée » de la « culture de gauche » en l'associant à la mélancolie. Son objectif revient à indiquer quelques moments marquants de l'histoire du socialisme qui ont été occultés par la lecture « canonique » de l'histoire des révolutions, visant essentiellement à exalter les conquêtes et les victoires, souvent illusoires, de l'« épopée » communiste. Selon l'auteur italien, dans un moment historique particulier comme le nôtre, caractérisé par « la quasi extinction de la mémoire marxiste », toute réflexion visant à reconstruire un imaginaire de gauche devrait être suscitée par une mélancolie profonde, capable à la fois de se remémorer les utopies perdues et d'en inspirer de nouvelles. Le but de mon intervention reviendrait à passer aux rayons x la démarche théorique d'Enzo Traverso afin d'expliciter davantage sa vision de l'approche mélancolique du passé. Une lecture croisée avec la Deuxième considération inactuelle de Nietzsche pourrait fournir des éléments de réflexion à cet égard. En commençant par analyser les passages dans lesquels Enzo Traverso confronte les différentes lectures positives et négatives respectivement de l'histoire « monumentale » et de l'histoire « antiquaire » de la gauche, il serait possible de déterminer avec plus de précision la nature purement ambivalente de l'approche mélancolique de l'histoire. Mais c'est surtout grâce à l'analyse des lectures « critiques » de l'histoire de la culture de gauche que la nature ambivalente de cette approche pourrait être entièrement dévoilée. Souligner le caractère subversif de la mélancolie signifierait ainsi découvrir la capacité de celle-ci à inspirer l'action « dans un sens conscient et autoréflexif », pourvu que, comme nous le rappelle Nietzsche, « nous apprenions toujours plus à étudier l’histoire pour servir la vie ».