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Communication Dans Un Congrès Année : 2019

« Les mondes du trad, un projet de connaissance négocié ? »

Résumé

Les mondes du trad, pratiques de musique et de danse issues du revival folk des années 1970, se situent dans un entre-deux peu étudié entre pratiques folkloriques et savantes. Se saisissant d’éléments pensés en termes d’héritage (symboliquement rattachés aux sociétés paysannes préindustrielles), les acteurs du trad en régénèrent les modes de sociabilité, les techniques et valeurs dans des performances hybrides collectives alliant étroitement musique et danse (centralité du bal) en faveur d’une expérience corporelle et mémorielle totale. Cette communication rend compte (axes 2 et 4) de la construction de cet objet d’étude mouvant, souterrain abordé initialement par le prisme de la pratique. Entre objet de passion et démarche scientifique, entre implication et construction d’une posture objectivante, il s’agira de voir comment se négocie la recherche dans un monde de pratiques peu visibles par les politiques publiques, confidentielles, reposant sur de fortes proximités et dans lesquelles l’engagement (musical, corporel, organisationnel) du chercheur fait figure d’attendu, d’injonction. Au sein de pratiques en recomposition permanente où le projet de connaissance apparait à la fois banal (forte réflexivité, culture de l’érudition par les acteurs) et singulier (conscience voire glorification d’une absence de travaux), comment exposer la recherche, rendre compte de la complexité du réel tout en ménageant les craintes de fixation de l’expertise, de confiscation du savoir ? Dans une démarche impliquée, quel arbitrage « penser avec / contre », quel équilibre entre les « temps distants » et les temps de co-construction de la recherche et de la pratique ? Comment mesurer la portée de son action au sein de pratiques en quête d’ancrages ? Cette proposition apporte, à travers l’exemple des mondes du trad, trois pistes de réflexion : tout d’abord, quelques éléments quant à la négociation d’une proximité distanciée dans le cadre d’une pratique impliquée de la recherche au moyen d’outils méthodologiques divers (protocole d’observation filmique par exemple) ; ensuite, un retour d’expérience quant à l’articulation des temps d’objectivation et de participation directe à la pratique (participation à des évènements, engagements associatifs, mobilisation des réseaux) ; enfin, quelques aspects de la place de l’apprenti chercheur, à la fois accueilli, attendu, soutenu mais aussi appréhendé, manipulé, évincé par les acteurs.
Les mondes du trad, un projet de connaissance négocié ? Morgane Montagnat, doctorante Au travers d'un objet sensible (pratiques de musique et danse) au fort potentiel affectif et mémoriel (pratiques dites de tradition), cet article souhaite observer comment la recherche peut se faire, se dire et rendre compte de la complexité du réel en ménageant les craintes de fixation et de confiscation de l'expertise. Dans un premier temps, il s'agira de voir comment une pratique de danse saisie initialement par le prisme de l'implication et ne présentant a priori aucun obstacle au projet de connaissance, met à l'épreuve la recherche et son élaboration, dans un jeu constant d'adaptations et réajustements. Ensuite, les enjeux de l'engagement du chercheur seront explorés au sein de la situation du bal révélant, dans un troisième temps, le statut ambivalent du savoir et de la réflexivité au sein de l'univers souterrain des pratiques actuelles des musiques et des danses dites traditionnelles. Un objet de proximité L'expression « mondes du trad » désigne un ensemble de pratiques actuelles de musique et de danse qui se réclament d'une certaine tradition, c'est-à-dire qui se rattachent symboliquement et de manière souvent diluée aux pratiques communautaires associées dans nos imaginaires collectifs aux sociétés rurales préindustrielles. Ces pratiques lient étroitement musique et danse et se sont développées en France et en Europe dans les années 1970 dans le prolongement de la démarche culturelle et artistique, des revendications politiques et sociales du folk song américain 1. L'ambition des revivalistes français·e·s était alors de (re)donner vie à des corpus musicaux, chorégraphiques, à des instruments et occasions de pratique pensés en termes d'héri-tage afin d'alimenter leurs processus créatifs. Depuis, ces pratiques n'ont cessé de se recomposer, de se renommer 2 et de reformuler 1 Face à une société de plus en plus libérale, inégalitaire et hégémonique, le « protest song » ou « folk song » devient, pour beaucoup de jeunes américain·e·s des années 1960-1975, un espace sonore pour exprimer leur désaccord quant à la politique américaine et pour s'exprimer autour de sujets alors sensibles (ségrégations multiples, droit à l'avortement, reconnaissance des minorités, guerre du Vietnam). Paradoxalement, dans la brèche ouverte par Mai 1968 en France, la génération des baby-boomers reprend précisément les marqueurs musicaux et culturels développés par les acteur·rice·s du folk américain (Pete Seeger, Bob Dylan, Joan Baez) dans le but de contester d'une part l'hégémonie culturelle américaine et d'autre part, la sclérose de la société libérale française. En France comme aux États-Unis donc, le folk s'inscrit dans un phénomène plus global de contre-culture, qui milite pour repenser la société. Les pionnier·ère·s du folk français investiront dans un premier temps les répertoires anglo-saxons et il faudra attendre l'injonction de Pete Seeger en 1972 pour que les répertoires issus de l'hexagone soient appropriés. 2 Le terme de « musique folk », utilisé consensuellement dans les années 1960-1975, commence à être remplacé par celui de « musique traditionnelle » avant que l'appellation « musique trad » ne se généralise à partir de la fin des années 1980.
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hal-02059011 , version 1 (28-10-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02059011 , version 1

Citer

Morgane Montagnat. « Les mondes du trad, un projet de connaissance négocié ? ». Atelier doctoral Fabrique de Thèses #3, Atelier des doctorants en Danse, Sep 2018, Lyon, France. ⟨hal-02059011⟩

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