La maison forte du Châtelet (Saint-Gervais-Mont-Blanc, Haute-Savoie) - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport De Recherche) Année : 2009

La maison forte du Châtelet (Saint-Gervais-Mont-Blanc, Haute-Savoie)

Résumé

En marge de l’aménagement d’une déviation du centre du bourg de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie), la commune a souhaité développer un projet de mise en valeur de l’ancienne maison forte du Châtelet, site inscrit Monument Historique depuis 1989. Réputé être une ancienne motte castrale contrôlant la route de Saint-Gervais à Megève, Le Châtelet n’avait jusqu’alors fait l’objet d’aucune investigation archéologique ; seules quelques maçonneries affleuraient dans le sous-bois dominant les gorges du Bonnant, l’essentiel du plan de l’édifice et son évolution restant inconnus. En accord avec le Service régional de l’Archéologie de Rhône-Alpes, la commune de Saint-Gervais et le Conseil général de la Haute-Savoie, une étude archéologique préalable a été mise en œuvre afin de préciser l’organisation des bâtiments et leur chronologie. Cette étude a mis au jour les vestiges encore bien conservés d’un ensemble de bâtiments résidentiels et de structures de défense d’une ampleur certes restreinte, mais d’un type encore méconnu dans ce secteur de la haute vallée de l’Arve. Connue par les archives depuis la fin du XVIe siècle, la maison forte du Châtelet est très mal documentée par les textes. Propriété de la famille seigneuriale du Châtelet de Lacroix peut-être dès le début du XVe siècle, puis la famille du Fresney, du XVIe au XVIIIe siècle, cette résidence fortifiée est installée sur un éperon naturel, vestige probable d’une moraine latérale du glacier du Bonnant. Bien que la tradition identifie le site comme une motte castrale, les fouilles ont démontré que le relief qui porte la maison forte n’était en aucun cas artificiel, même si l’éperon morainique était barré au sud par un fossé creusé de main d’homme. Couvrant une surface d’environ 400 m², les bâtiments s’organisaient le long du relief naturel, sur un quarantaine de mètres de longueur. Une tour carrée de 11 m par 8,80 m, dont la vocation résidentielle autant que défensive ne fait guère de doute, occupait l’extrémité nord de l’éperon et dominait l’ensemble ; ces vestiges sont les mieux conservés, en particulier les caves de l’édifice, dont l’escalier d’accès, les portes et une partie des voûtes sont encore visibles. Au sud, une seconde tour carrée de 8 m de côté défendait l’accès au site, en arrière du fossé. Une cour cernée de murailles, dont la surface atteignait 200 m², séparait les deux tours ; cet espace ouvert a cependant pu constituer un ancien logis accolé à la tour nord, reconverti au moment de la construction de la tour sud. Enfin, une troisième petite tour, mal conservée, flanquait quant à elle l’enceinte à l’ouest et permettait probablement de surveiller l’ancienne route menant à Megève. Si les vestiges architecturaux restent bien lisibles sur le site du Châtelet, la stratigraphie s’est révélée des plus pauvres. Les couches d’occupation bien conservées appartiennent toutes à une période tardive de l’occupation du site, entre le XVIe et le début du XIXe siècle. Le mobilier antérieur est bien souvent en position secondaire et très peu abondant, même si quelques éléments du mobilier céramique laissent entrevoir une occupation dès le XIIIe ou le XIVe siècle. Dans tous les cas, les objets de la vie quotidienne restent peu nombreux, bien que le vaisselier de l’Époque Moderne soit assez bien représenté. Le lapidaire taillé et décoré est de même assez peu abondant malgré la grande quantité de maçonneries effondrées sur place, probablement du fait de l’exploitation du site comme carrière au XIXe siècle. Malgré les difficultés rencontrées pour dater les vestiges de façon précise, le mode de construction et le mobilier archéologique évoquent la fin du Moyen Âge, en particulier les XIIIe – XIVe siècles pour la tour nord et un probable logis reconverti en cour ; le site est réaménagé probablement à la fin du XIVe ou au XVe siècle avec la construction de la tour sud et l’aménagement de la cour. Enfin, de multiples remaniements sont apportés à la tour résidentielle à la fin du Moyen Âge ou à l’Époque Moderne avec le creusement de caves dans son emprise. La maison forte du Châtelet, comparée aux autres résidences seigneuriales de la haute vallée de l’Arve et du val Montjoie, apparaît assez originale dans son organisation tout en restant fidèle aux canons de la construction locale au bas Moyen Âge. La situation en éperon barré du Châtelet est la première originalité du site dans la panorama des maisons fortes de la vallée. Sans être de la même ampleur que les rocca de Châtillon-sur-Cluses ou de Saint-Michel-du-Lac (Les Houches), la position topographique choisie bénéficie d’une fortification naturelle souvent absente des autres maisons fortes, parfois installées en fond de vallée et en terrain plat, comme Bellegarde ou Loche à Magland, ou encore sur des plates-formes peu surélevées comme la Tour de Dingy (Passy). Du point de vue du plan des bâtiments, Le Châtelet apparaît à la fois très inscrit dans la tradition locale, mais aussi très original dans la typologie. En effet, la structure complexe que présente Le Châtelet avec plusieurs édifices juxtaposés à fonctions vraisemblablement différentes ne trouve guère de comparaisons parmi les autres maisons fortes de la vallée. La plupart des sites ne montre aujourd’hui qu’un seul édifice, de dimensions souvent vastes. L’association probable à l’origine d’une tour et d’un logis ne trouve d’équivalent que dans les sites castraux tels que Châtillon ou Saint-Michel-du-Lac, où la tour est de faibles dimensions. Sur ce point, Le Châtelet apparaît comme un jalon entre les tours supposées de tradition romane, assez étroites et de dimensions inférieures à 10 m de côté, tandis que les maisons fortes des XIVe et XVe siècles sont souvent plus vastes, allant de 13 m à 20 m de côté. Inspiré du modèle castral roman, ce type de plan peut appartenir à une typologie assez ancienne pour une maison forte, peut-être attribuable à la fin du XIIIe siècle au moins. Les maisons fortes prennent localement une ampleur plus considérable dès le début du XIVe siècle, comme en témoigne l’exemple bien daté de la Tour de Dingy (Passy).
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Dates et versions

hal-02023301 , version 1 (24-09-2021)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02023301 , version 1

Citer

Laurent d'Agostino, Liliana Ceci, Sylvain Coutterand, Christophe Guffond, Mylène Navetat. La maison forte du Châtelet (Saint-Gervais-Mont-Blanc, Haute-Savoie) : Rapport de sondages archéologiques. [Rapport de recherche] Conseil général de la Haute-Savoie. 2009. ⟨hal-02023301⟩
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