“Mains peintes et menton brûlé” : la parure tatouée des femmes thraces
Résumé
Le mythe raconte que, pour avoir négligé le culte d'Aphrodite, les hommes de Lemnos tombèrent sous les coups de leurs épouses 1. La déesse attisa leur colère en les persuadant qu'elles seraient délaissées au profit de captives ramenées de Thrace. Dans la version donnée au premier siècle de notre ère par Valerius Flaccus, les Lemniens n'ont pas encore accosté avec leur butin que Fama, à l'instigation d'Aphrodite, répand déjà l'inquiétante rumeur. Elle décrit la femme thrace comme une dangereuse rivale au charme vénéneux : « une fille (à la peau) zébrée » (uirgata ... nurus), « endurcie par le lait des bêtes sauvages et par le gel » (lacte ferino ... durata gelu) qu'on a « enlevée à son chariot » (plaustro derepta). Cette rivale n'a certes pas les qualités de la matrone de Lemnos-bel aspect, adresse à la quenouille, honneur intact, illustre ascendance-« mais elle plaît, cette barbare aux mains peintes et au menton brûlé » (picta manus ustoque placet sed barbara mento) 2. Parce qu'il situe son action dans un lointain passé mythique, et que les femmes thraces doivent apparaître aussi farouches que possible, Valerius Flaccus attribue à ces dernières un mode de vie qu'on disait être celui des Scythes nomades et de certains Thraces de la haute époque comme les Mysiens 3. À l'époque gréco-romaine, la plupart des Thraces étaient pourtant sédentaires. S'agissant du tatouage, Valerius Flaccus parvient à davantage de réalisme, même s'il travaille très probablement de seconde main : une peau zébrée, des mains et un menton tatoués, il n'y a là rien qui contredise les informations apportées par d'autres sources plus anciennes et mieux renseignées qu'on se propose de réunir et d'examiner ici.
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