•"Les écrits des résistantes italiennes ou l'écriture comme lieu d'expression d'une symbolisation complexe de la Résistance au féminin"
Résumé
L’importance de l’engagement des femmes italiennes dans la Résistance, sa portée politique et sociale ont, depuis les années soixante-dix, été soulignées par l’historiographie . Dans cette prise en considération du rôle des résistantes italiennes, les nombreux textes produits par les résistantes elles-mêmes (journaux intimes, autobiographies, romans, poésie et romans pour enfants) restés longtemps méconnus, sont apparus comme un élément particulièrement intéressant, tout en suscitant parfois des réticences à certains historiens en raison de leur statut spécifique de créations textuelles . C’est pourquoi l’analyse littéraire apparaît comme une approche efficace pour prendre en compte dans toute leur richesse et leur singularité ces textes hybrides, à mi-chemin entre le témoignage, l’autobiographie et la fiction.
Il s’agira donc ici de proposer une analyse des thèmes, des structures narratives et des phénomènes de remaniement, voire de réécriture, de ces écrits afin de montrer comment la production écrite des résistantes italiennes, confrontée à la représentation de la résistante proposée dans des écrits de résistants, permet d’explorer les multiples facettes de la symbolisation de la Résistance au féminin. Ainsi, entre les deux extrêmes que sont la résistante maternante, image d’une conception traditionnelle de la féminité et, d’autre part, la résistante combattante et émancipée, ces textes nous conduiront à questionner le système d’assignations genrées liée à la participation à la Résistance.
Cette approche nous permettra de mettre en évidence l’apport singulier que constituent ces textes où s’expriment les tensions identitaires, parfois peu explicites, créées par la participation à la Résistance, période qui est, paradoxalement, occasion d’expérimentation de l’émancipation, de redéfinition mais aussi de renforcement des rôles sexués traditionnels. Il apparaît alors que le moment de l’écriture, plus ou moins postérieur à l’événement paroxystique que constitue la participation à la lutte, a pu devenir pour ces femmes un lieu de liberté où le processus d’auto représentation (et de représentations de leurs compagnes de lutte) a permis un travail de reconfiguration de l’expérience, à la recherche d’une image d’elles-mêmes en guerre, dans un dialogue complexe entre leur perception intime et le cadre mémoriel collectif de la société dans lequel elles évoluaient.