Entre culture de l’accueil et crispation identitaire : L’Allemagne face à la crise des réfugiés
Résumé
Avec plus d’un million de nouveaux arrivants en 2015, l’Allemagne est le pays d’Europe sur lequel les vagues récentes de migration ont eu l’impact le plus voyant, d’autant que près de la moitié d’entre eux ont déposé une demande d’asile et sont donc susceptibles d’y demeurer à terme. Dans un pays qui, pour compter nombre d’immigrés, ne s’est jamais considéré comme terre d’immigration, cette arrivée aussi rapide que massive a relancé la discussion non seulement sur l’immigration mais aussi sur l’identité. Si le mot d’ordre de la chancelière, « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons ») a dans un premier temps marginalisé le débat, celui-ci a resurgi avec d’autant plus de virulence après les événements survenus à Cologne à la fin de l’année 2015, au point que les manifestations d’hostilité et de violence ont souvent supplanté dans les médias les initiatives bien plus nombreuses d’aide aux nouveaux arrivants. Entre les deux extrêmes, entre les tenants d’une « culture de la bienvenue » sans frontières, et les tenants d’une identité qui se proclame occidentale, à défaut de pouvoir se déclarer ouvertement germanique et xénophobe, le débat tient davantage de l’affrontement que de l’échange. Mais une double discussion publique est néanmoins en cours, à la fois sur les nouveaux arrivants, leur statut, leur intégration, respectivement leur intégrabilité, et – à travers la question de la compatibilité des cultures respectives –, sur une identité nationale en quête de redéfinition dans un pays tributaire de son passé comme du regard de ses voisins. les réactions contrastées que le récent phénomène de migration a provoquées dans l’opinion publique allemande ainsi que les controverses que la nouvelle « culture de la bienvenue » a déclenchées dans la sphère publique depuis 2015 constituent par conséquent l'objet de cette étude.