Effet d’un déguisement sur la perception d’un corps
Résumé
Notre recherche est axée sur la réception des photographies d’art par des spectateurs non spécialistes en art. Pour cela, une observation participante a été menée dans des classes de français enseigné comme langue étrangère à Paris. Des photographies d’art ont été montrées à des apprenants originaires de différentes aires culturelles afin de déclencher l’interaction orale. L’enseignant n’a pas porté de jugement sur l’interprétation des étudiants.
Nous proposons d’aborder l’effet d’un déguisement sur la perception d’un corps à travers la réception de la photographie d’A Tress Les mariés. Il ne s’agit pas d’analyser l’image, mais le regard porté sur l’image à travers le discours des spectateurs. Nous nous appuyons sur l’analyse du discours en interaction de C. Kerbrat-Orecchioni (2005). Le corpus révèle la construction de l’interprétation de la photographie par les apprenants.
Le personnage de l’image est déguisé : il porte la moitié d’un costume de marié et la moitié d’une robe de mariée avec un voile et une perruque. On observe un battement du regard : la perception des spectateurs oscille devant ce corps hybride. Ce déguisement incite certains spectateurs à employer le pluriel pour se référer au personnage. Les apprenants hésitent entre unité ou dualité, féminité ou masculinité, homosexualité ou hétérosexualité et évoquent l’hermaphrodisme. La notion de transsexualité est évoquée. Le corps est perçu comme anormal et se rapproche des monstres humains qui faisaient l’objet de spectacles au XIXème siècle (Courtine 2006). Cette mémoire des images a été mise en évidence par Belting dans son Anthropologie des images (2004).
Enfin, l’image apparaît comme une mise en scène pour certains spectateurs. Ces derniers remettent en cause le pouvoir d’authentification de la photographie défini par R. Barthes dans La chambre claire (1980). La référentialité est mise en doute : les apprenants crient au photomontage ou voient la mort dans ce corps. Ainsi, les réactions des spectateurs face à cette photographie témoignent de l’influence du déguisement sur la perception du corps.