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Chapitre D'ouvrage Année : 2016

A l'écoute des atmosphères

Résumé

Le monde de l'art tend de plus en plus l'oreille, comme si une terra incognita restait à explorer, un état de monde autre à découvrir, une expérience inouïe à tenter. Révélation salutaire que les lieux sonnent et que les sons nous habitent. Cette sensibilité au monde audible s'applique aussi bien à des œuvres architecturales reconnues qu'à des environnements urbains quotidiens, à un édifice supposé remarquable qu'à une place considérée quelconque. Dans tous les cas, il s'agit de prêter attention à nos manières d'habiter, d'ausculter nos formes de vie, de se mettre à l'écoute des atmosphères. En écoutant, nous sommes plongés dans un instant de vie, dans un moment d'existence, dans une situation climatique, dans un milieu ambiant. Nous appartenons à l'atmosphère du lieu en éprouvant ses tonalités singulières et ses modulations imperceptibles. C'est alors tout un monde de nuances qui se découvre, avec ses intensités, ses variations et ses dynamiques. Le son nous ancre dans l'ici et maintenant de l'expérience en même temps qu'il nous transporte au gré des sensations et des souvenirs. À cet égard, trois traits principaux caractérisent les sons ambiants : la résonance, la performance, la consistance. La résonance fait valoir la faculté de vibrer à l’unisson avec l’ambiance. Il s'agit là de s'accorder au monde environnant, d'entrer en sympathie avec lui, de se mettre au diapason. Comme le montre admirablement Jean-Luc Nancy : « Frappe du dehors, clameur du dedans, ce corps sonore, sonorisé, se met à l’écoute simultanée d’un "soi" et d’un "monde" qui sont l’un à l’autre en résonance ». La performance indique quant à elle la composante générative et dynamique du monde sonore. Le son se présente ainsi comme l'effet d'une activité et le déploiement d'un mouvement, comme la résultante d'un faire et le temps en train de se configurer. Lorsque nous écoutons un lieu, nous ressentons inévitablement les marques du temps, non pas un temps abstrait, le temps des horloges, mais bien un temps qualifié, se faisant. Dans son projet de rythmanalyse, Henri Lefebvre avait souligné à juste titre le rôle crucial du son pour capter les dynamiques ambiantes. Enfin, la consistance révèle la sensibilité du son aux situations et son aptitude à faire tenir ensemble les diverses variables d'un contexte. Dans une même situation, on peut entendre à la fois une foule en train de marcher, la pluie qui bat sur le pavé, la réverbération d’un espace minéral, une discussion amicale en cours, le bruit de la circulation au loin, etc. Toutes ces voix s’entrelacent et se mélangent pour donner à entendre une qualité diffuse unique, une tonalité affective singulière qui spécifie la situation ambiante. Victor Zuckerkandl parlait à cet égard de "coalescence tonale" pour désigner cette tendance du monde sonore à intégrer le divers. Qu'en est-il alors de cette capacité du son à nous imprégner et à nous affecter ? A quelle expérience de l'espace nous convie l'écoute ? Que dire de la puissance atmosphérique du monde sonore ? L'intervention artistique de Haroon Mirza à la Villa Savoye appelle de telles questions et ouvre à nouveaux frais la question de l'expérience d'une ambiance.
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Dates et versions

hal-01879789 , version 1 (07-06-2021)

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Paternité - Pas d'utilisation commerciale - Pas de modification

Identifiants

  • HAL Id : hal-01879789 , version 1

Citer

Jean-Paul Thibaud. A l'écoute des atmosphères. Guerra, Silvia; Illouz, Audrey; Fiévet Laurent. The light hours. Haroon Mirza? Villa Savoye, Lab'Bel; Suresnes, pp.27-34, 2016, 978-2-9537180-4-1. ⟨hal-01879789⟩
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