Le faussaire et l'historien : enjeux politiques et esthétiques d'un discours littéraire contemporain sur la falsification - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue À l’épreuve Année : 2018

Le faussaire et l'historien : enjeux politiques et esthétiques d'un discours littéraire contemporain sur la falsification

Résumé

Artistique (fausses œuvres d’art) ou historique (fausses archives, faux documents), la falsification – et ses conséquences heuristiques, esthétiques, économiques et politiques – est bien présente dans le discours scientifique moderne et contemporain, notamment celui de l’historien ou de l’historien d’art . Il s’agirait même, pour citer Thierry Lenain, d’une « obsession », d’une angoisse qui justifie le développement à la fois de techniques toujours plus fines de détection de la fraude , et, corrélativement, d’un discours de condamnation et de dénigrement du faussaire et de son œuvre . Outre la persistance, dans le discours scientifique, de l’image du faussaire comme artiste manqué et frustré, nombre de textes minimisent l’impact de la falsification sur le marché de l’art comme sur la recherche académique, ou affirment, in fine, sa relative innocuité : il n’existerait pas de faux parfait , l’œil finirait toujours, avec le temps, par triompher . Il en ressort, en filigrane, un portrait du faussaire à la fois fascinant par son génie mimétique et médiocre par le statut de pâle copiste dans lequel on le maintient, auquel l’érudit vient opposer la rigueur de son savoir et l’acuité de ses talents d’observation. Ce portrait est remis en cause dans les fictions contemporaines qui mettent en scène le faussaire ou son œuvre, en rendant à la figure tout son pouvoir de nuisance et de subversion : si le faussaire n’y est pas montré bouleversant durablement l’ordre social, ni d’ailleurs les certitudes scientifiques, sa représentation y demeure corrosive. D’abord, parce qu’elle exhibe les impensés des discours scientifiques sur le faussaire : l’étroite articulation du concept d’authenticité et du système d’attribution des œuvres à des enjeux de valorisation économique et de reconnaissance sociale ; les limites de l’autorité de discours de savoir qui prétendent ne pas être des discours de pouvoir ; le retour en force, après une période de relativisme post-moderne, d’une éthique de la vérité et de la sincérité. Montrer le faussaire à l’œuvre reviendrait aussi, jusqu’à un certain point, à faire basculer l’imposture du contrefacteur au savant. L’idée d’un faux indétecté, se confondant avec l’archive authentique ou l’œuvre de maître, mine la prétention même du dépositaire de l’autorité scientifique à dire le vrai. Se jouant des experts comme des institutions, déconstruisant ou reconstruisant notre compréhension contemporaine de l’histoire ou de l’histoire de l’art, les représentations fictionnelles du faussaire, parce qu’elles n’hésitent pas à recourir à des paradigmes similaires à ceux des théories du complot, introduisent une inquiétude dans notre rapport à des discours scientifiques dénoncés comme lacunaires, orientés, inadéquats.
Fichier principal
Vignette du fichier
Le faussaire et l’historien - enjeux politiques et esthétiques d’un discours littéraire contemporain sur la falsification (version nettoyée).pdf (251.17 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01867832 , version 1 (04-09-2018)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01867832 , version 1

Citer

Loïse Lelevé. Le faussaire et l'historien : enjeux politiques et esthétiques d'un discours littéraire contemporain sur la falsification. À l’épreuve, 2018, L'imposture, 4. ⟨hal-01867832⟩
285 Consultations
278 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More