Partir, ou l’érotique du retour - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Incertains regards. Cahiers dramaturgiques. Année : 2017

Partir, ou l’érotique du retour

Résumé

Elle s’appelle Maria. Elle a l’âge des désirs et des déchirures, l’âge où les désirs sont des déchirures : partir, c’est tout ce qu’elle désire sans d’autres raisons que ce désir. Et partir, c’est quitter Madrid, ce vieux monde, l’Europe aux anciens parapets, sa famille portant en elle l’histoire tue de l’Espagne fasciste qui par relents remonte à la surface. Oui, laisser tout derrière soi, prendre le large et qu’on n’en parle plus. La pièce s’ouvre sur ce désir de départ – qui ne se fait pas : alors, on parle. C’est le début du théâtre quand le désir échoue sur lui-même, sa peur, son vertige, et qu’on l’échange en parole, que la parole devient l’échange du silence et du désir – ou plus simplement parce que, réalisé, le désir cesserait : et que la parole prend le relai du désir, pour le dire, encore et encore, et son échec qui le recommence. Maria regarde de l’autre côté du monde où est la vie qui l’attend. Et l’autre côté du monde, de Gibraltar, c’est l’Afrique, là même d’où partent des milliers de réfugiés depuis des années pour échouer ici, où se cristallise l’échec de l’Europe et son projet universaliste devenu les villes citadelles de Ceuta et de Melilla : barbelés, fosses, centres de rétention, plages qui sont des cimetières ou des prisons, et souvent les deux . La pièce s’ouvre donc sur ce chiasme troublant et déchirant : Maria voudrait émigrer en Afrique, « prendre une patera dans l’autre sens », passer la faille qui court le long de notre Histoire, et franchir : « prendre une patera dans le sens contraire » [19]. Cette « faille entre deux plaques tectoniques » [19] de part et d’autre de laquelle les désirs se jouent et s’échangent nomme la jonction du monde à l’endroit de la séparation : du monde et des êtres, et des langues, de la vie et de la mort, du nord et du sud, et de tout ce qui, dans la suture, sépare. Le théâtre naît depuis cet espace de l’entre-deux qui déchire au lieu de la reliance – une déconnexion qui est la condition de la connexion, connexion qui est tendue vers sa déconnexion.Maître de conférences en arts de la scène, LESA (EA 3274) La mer vous secouera, la mer vous engloutira, la mer lavera vos fosses nasales, baisera vos pieds fatigués et vous fera un cunnilingus ! Combien d'hommes doivent encore mourir pour démontrer que la nature s'est trompée ? Elle s'est trompée en nous naissant. Maria Velasco, « Prologue 1 » La faillite des enchaînements sensori-moteurs fait naître par elle-même un espace déconnecté. Ça ne veut pas dire que les parties soient sans connexion ; ça veut dire que la connexion vient d'ailleurs.
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Dates et versions

hal-01855756 , version 1 (05-11-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01855756 , version 1

Citer

Arnaud Maisetti. Partir, ou l’érotique du retour : Notes dramaturgiques sur "Délivre-toi de mes désirs" de Maria Vélasco. Incertains regards. Cahiers dramaturgiques., 2017, Connexion / Déconnection, n°2. ⟨hal-01855756⟩
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