Des « musulmans modérés » dans les discours médiatiques. Etude linguistique d’une expression controversée - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2018

Des « musulmans modérés » dans les discours médiatiques. Etude linguistique d’une expression controversée

Agata Jackiewicz
Manon Pengam

Résumé

Le contexte post-attentats de janvier 2015 a été traversé de discours exhortant, via des tours injonctifs, une partie de la communauté musulmane à condamner les actes de terrorisme, et/ou à s'associer aux valeurs républicaines. L'objectif de notre étude est double : (i) décrire le profil sémantique et le fonctionnement discursif d'une expression non stabilisée, celle de « musulman(e)s modéré(e)s », dont le nombre d'occurrences a augmenté de façon significative dans les discours médiatiques après les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher ; (ii) examiner comment les discours médiatiques, contribuent, par des effets de reprises dialogiques de termes et de points de vue, à la naturalisation de cette expression controversée. (Rabatel 2017). Sur le plan linguistique, « musulman(e)s modéré(e)s » est une nomination qui désigne une catégorie de personnes, incluse dans un ensemble plus vaste : les croyants de confession musulmane. La notion de nomination, contextuelle, permet de renseigner la prise de position et le point de vue d'un locuteur sur l'entité nommée (Siblot 1997, 2001), (Calabrese 2016). Formule faussement évidente et mal maitrisée, simplifiant ou biaisant le débat, pour certains, construit social, qui dit ce qui doit être plutôt que ce qui est, pour d’autres, l’expression mobilise les figures stéréotypées du « bon » et du « mauvais » musulman (Deltombe 2005), (Hajjat 2010), (Hajjat & Mohammed 2013). Plus précisément, l'ajout du qualificatif « modéré » pose de façon implicite l’existence d’un continuum d’intensité dont les bornes pourraient être désignées par les expressions « musulmans non pratiquants » et « musulmans extrémistes ». Une première étude systématique sur un corpus de 215 articles de presse, étayée par des observations ciblées sur un volume de 4318 exemples identifiés dans l’intégralité de la base Europresse, a permis de décrire plus précisément le fonctionnement discursif et le caractère polémique de cette expression. Des spécifications plus ou moins fines, par agglutination de qualificatifs notamment (« musulmans modérés, laïcs » ...), renseignent sur les différents modes de partitionnement de la catégorie hyperonyme (les musulmans). Des marqueurs d'intensité révèlent pour leur part une propriété de gradation de la notion de modération (« modérément modérés », « réellement modérés »). La modération serait par ailleurs une attitude intentionnelle résultant d'un choix : réelle et sincère ou au contraire perçue comme feinte (« musulmans pieux et sincèrement modérés », « musulmans soi-disant modérés mais en réalité islamistes »). Notre contribution vise, à travers l’étude linguistique fine d’une expression désignationnelle instable, une meilleure connaissance des représentations associées à l’islam et à ses pratiquant(e)s, véhiculées par les discours médiatiques contemporains.
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Dates et versions

hal-01839791 , version 1 (16-07-2018)

Licence

Paternité - Pas d'utilisation commerciale

Identifiants

  • HAL Id : hal-01839791 , version 1

Citer

Agata Jackiewicz, Manon Pengam. Des « musulmans modérés » dans les discours médiatiques. Etude linguistique d’une expression controversée. Les représentations médiatiques de l’islam et des musulman.e.s, Jun 2018, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, France. ⟨hal-01839791⟩
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