. Bachelard, pas « d'imaginaire », ou quasiment pas, dans ses livres: aucune occurrence dans La Psychanalyse du feu, en 1938 ; une seule dans La Philosophie du non, en 1940, et «l'imaginaire » n'est alors qu'un synonyme de «fantastique» 22, Il en Baudelaire aux postmodernes, PU Vincennes, « L'imaginaire du texte », 2010. 16 A. Breton : Le Revolver à cheveux blancs OEuvres complètes, p.50, 1988.

S. M. Blanchot-voir-arthur-cools-intentionnalité-et-singularité, ». Blanchot-et-À-la-phénoménologie, M. Blanchot, . La-philosophie, P. U. Hoppenot-et-alain-milon et al., Sur Lacan, Bernard Baas : De la chose à l'objet : Jacques Lacan et la traversée de la phénoménologie, Félix Duportail : Les Institutions du monde de la vie. Merleau-Ponty et Lacan Fonction et champ de la vision et du langage chez Jacques Lacan et Maurice Merleau- Ponty, U. de Clermont-Ferrand ou encore Alfredo Zenoni : « Lacan et Merleau-Ponty : dialogue et divergence, 1998.

J. Milner, Les Mots indistincts, Verdier Poche, pp.32-39, 1983.

G. Didi-huberman, Evelyne Patlagean ne craint pas de citer Michelet 43 Cependant le livre de Duby en 1978 44 , celui de Corbin en 1982 45 , de Le Goff en 1985 46 ... donnent à « l'imaginaire » une visibilité, une légitimité, une consistance qu'il n'avait absolument pas jusqu'alors dans les études historiques. «L'imaginaire » des historiens (que certains aujourd'hui rebaptisent « imagerie 47 », par scrupule ou par contagion de l'anglais) est un ensemble ordonnable de représentations partagées par un groupe ou par une société Duby en 1978 parle de « structures » et se réfère révérencieusement à Dumézil, lequel n'emploie presque jamais « l'imaginaire », préférant parler de « l'idéologie trifonctionnelle ». Le livre de Duby aurait-il pu s'appeler Les trois ordres ou l'idéologie du féodalisme ? ou peut-être encore, pourquoi non, « l'idéal du féodalisme »? «L'imaginaire » évite à la fois les insinuations politiques de l'un et la couleur passée de l'autre: il est plus dans le goût de l'époque. Mais pour combien de temps encore ? On dirait que progressivement, discrètement, sans reniement tonitruant ni même explicite, une partie du monde savant commence à se détourner de ce mot, au moment même où son usage public, publicitaire, médiatique, se généralise Une certaine défaveur, inégalement distribuée, commence, dirait-on, à l'atteindre. Ce qui vient à sa place (déplaçant les questionnements, trahissant même, peut-être, un « important changement d'atmosphère » 48 ) c'est parfois la (ou les) « fiction(s) » -un mot chéri de Mallarmé, on le sait, mais rentré dans la théorie depuis la philosophie (comme autrefois l'imaginaire) : la philosophie analytique cette fois Ce peut être parfois également (maintenant que la « souillure » positiviste qui marquait ce mot aux yeux de Sartre est en passe d'être oubliée) « l'image », et « les images ». C'est du moins ce que suggère aussi bien tel titre de Bonnefoy (Lieux et destins de l'image,1999) qu'un autre curieusement voisin de Rancière (Le Destin des images, 2003), ou tel autre encore pour un recueil collectif (L'Expérience des images « De l'image », donc, « des images », et non pas : « de l'imaginaire », alors même que ce mot bien souvent pourrait (semble-t-il) convenir pour désigner ce qui est en question dans ces livres. La même préférence, le même évitement, s'observerait chez un Pascal Quignard Bien sûr, écrit Rancière dans le prière d'insérer de son livre, il y a sous le même nom d'image plusieurs « fonctions »: mais c'est précisément «l'ajustement problématique » de ces fonctions multiples qui constitue « le travail de l'art », plus rarement. Quant au naturalisme de Caillois et à ses sciences diagonalesuniversité, le croisement entre littérature et images, dans tous les sens du mot image, est devenu (plus nettement depuis les années 2000) un champ de recherche important pour les littéraires. A l'autonomie et à l'autonomisation en vogue au temps de la theoria, 201149.

. Duby, Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme, 1978.

A. Corbin, Le Miasme et la Jonquille : l'odorat et l'imaginaire social, 1982.
DOI : 10.14375/NP.9782081212978

J. Goff, Imaginaire médiéval, 1985.

T. Pavel, V. tout récemment l'argumentation de Bruno Latour contre l'imaginaire et pour la fiction dans Enquête sur les modes d'existence, «fiction sans imaginaire », disait déjà Derrida à propos de Mallarmé, pp.237-260, 1986.
URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/in2p3-00004110

C. Warburg, Vouilloux : La Nuit et le silence des images, p.40, 2010.

P. Flichy-grenoble and P. U. Grenoble, Les Industries de l'imaginaire : pour une analyse économique des médias, 1980.

. Sartre, L. De-bachelard-victor-scardigli, and . Sfez, Au même moment, l'émergence d'une « économie de l'immatériel » (dite encore économie de la connaissance, capitalisme cognitif...) c'est-à-dire d'une économie de services, dépendant prioritairement des technologies de l'information et de la communication, poussait à célébrer les capacités intellectuelles (dites naguère « facultés de l'esprit ») comme étant « notre principal critère de compétitivité et notre première source de croissance 57 ». La célébration urbi et orbi de « l'innovation », donc de la « créativité », achevait de convaincre l'entrepreneur de l'âge postindustriel que « l'imaginaire » n'était plus, comme au temps de l'utilitarisme bourgeois, l'apanage des enfants, des poètes et des songe-creux, ni l'ennemi de l'efficacité pratique Du même coup, sa modélisation (éventuelle) acquiert un intérêt industriel et financier Reste à montrer qu'il est possible de la mener à bien. Peut-on modéliser « l'imaginaire », ou même « les imaginaires », si cela signifie fournir des modèles mathématiques, informatiques, élaborés selon les techniques de modélisation des systèmes complexes utilisées par ailleurs par les biologistes ou les météorologues? Cette éventualité semblera un oxymore à ceux qui conçoivent l'imaginaire comme création, spontanéité jaillissante 58 Elle ne fait pourtant que radicaliser le paradoxe pointé plus haut : celui du « magma » ordonné, du désordre formalisable Au reste, les conférences de la chaire mentionnée cidessus s'inscrivent explicitement dans la continuité des recherches conduites par les sciences humaines depuis trois quarts de siècle: elles citent Propp et sa Morphologie des contes, Lévi-Strauss et son Anthropologie structurale, pourraient eux aussi faire figure de devanciers : s'ils ont peu mobilisé la notion d' « imaginaire », les combinatoires qu'ils ont décrites pourraient ouvrir la voie à une modélisation des contes et des mythes. Plus près de nous, des théoriciens cognitivistes des « modèles mentaux » ont pris l'imagination et la créativité comme objet de recherche. Ruth Byrne interroge « l'imagination rationnelle»; Philip Johnson-Laird étudie « la modélisation de la création 60 ». Même si ces auteurs prennent soin de préciser que « l'imagination humaine demeure l'un des derniers territoires non cartographiés de l'esprit 61 », la précision, on le voit bien, a tout d'une précaution: l'absence de carte n'est pas faite pour durer toujours. Certains se féliciteront de cette nouvelle victoire des « combattants de la rationalité industrielle », de cette extension des sciences exactes (c'est-à-dire mathématisées) en direction d'un domaine qui semblait appartenir en propre, aux sciences humaines. S'il existe une intelligence artificielle de nouveaux plaisirs imaginaires ? D'autres toutefois stigmatiseront l'arraisonnement de ce qui a pu s'éprouver comme protestation contre l'ordre des choses et contre la réduction du monde à l'algorithme mathématique, à « la production calculante de la technique 63 ». Ils dénonceront la chosification, l'aliénation 55 « Scientific mythologeme », écrit Agamben à propos du motif de la réversibilité du sacré

V. Vincent and D. Gaulejac, La Lutte des places: insertion et désinsertion, Hommes et perspectives, 1994.

M. Lévy and J. Jouyet, Economie de l'immatériel, La Documentation française, p.58, 2006.

R. M. Byrne, The rational imagination : how people create alternative to reality, MIT, 2005. 62 V. Jean-Pierre Balpe, Bernard Magné, L'Imagination informatique de la littérature, Presses universitaires de Vincennes, « L'imaginaire du texte, p.27, 1991.

M. Heidegger, . Gallimard, and . Idées, Ils ajouteront qu'en ouvrant la voie à une exploitation industrielle plus efficace de la « matière première » imaginaire, modélisations et technologies n'ont d'autre but que d'étendre davantage l'empire de la marchandise ; ni d'autre effet que de formater, normaliser, désubjectiver davantage. Ils protesteront que « l'imaginaire » n'est pas une collection d'objets mentaux dont on pourrait produire en série des simulacres ou des contrefaçons. Ils citeront peut-être Pierre Klossowski, évoquant le stéréotype propre à « l'esprit industrialiste » : un stéréotype, c'est-à-dire « ce qui revient à supprimer les conditions de la rêverie et par une contrefaçon du rêve, Pourquoi des poètes » dans Chemins qui ne mènent nulle part, p.366, 1980.