Vertige de l’analogie
Résumé
Le « comme » comparatif est l'un des pivots de la phrase poétique de Proust, lequel tire des effets subtils de sa position. Comme la crème au chocolat de Françoise, qui survient quand on ne l'attend plus, il arrive en effet que la comparaison conclue une phrase que l'on croyait finie, apportant un surcroît imprévu de plaisir et de sens. L'interprétation de l'analogie requière souvent un savant calcul : car tout autant que la métaphore, la comparaison « reconfigure » le monde. Analogie et différence – ces deux opérations de l'esprit – sont captées par l'affect qui inventorie les propriétés de l'objet (aimé) pour en faire l'outil exploratoire des richesses du monde. De ce point de vue, l'analogie est un puissant vecteur d'unité : le monde proustien se déploie comme une sphère dont les différents points ne cessent d'être reliés les uns aux autres par un réseau infini de ressemblances. C'est pourquoi la comparaison, créant des échos d'une partie à l'autre du roman, contribue à donner force et cohérence au texte. Mais la comparaison proustienne, expression de l'imaginaire qui tend à se démultiplier, à proliférer, n'est-elle pas aussi une figure du mirage, de l'illusion ? Si tout ressemble à tout selon le point de vue auquel on se place, l'analogie cesse d'êtrre une figure raisonnable pour devenir une figure de pensée : qui provoque la pensée, donne à penser.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)