« Hadrien écrivain ou la fiction de l’autorité »
Résumé
Doublant le récit de la vie de l’empereur, un autre sujet ne cesse en filigrane de hanter
l’écriture des Mémoires ; de cet autre sujet, Yourcenar elle-même, qui souhaitait pourtant que jamais
l’ombre portée du présent ne vînt ternir le pur miroir de l’Histoire réinventée, est l’héroïne. Les
Mémoires d’Hadrien racontent en effet comment un écrivant accède à la condition d’écrivain, comment
par Hadrien interposé, Yourcenar prend conscience de son statut d’auteur, maître et possesseur de son
discours, de son style. Le ton classique de l’oeuvre est lié au rayonnement d’une énonciation de l’autorité.
Comment se construit-elle ? Sans cesse le locuteur revient sur son dire, pour mieux l’adapter à un idéal
de perfection qu’il recherche et trahit par cette perpétuelle « épanorthose »; mais sans cesse aussi il se
met en position d’évaluer les paroles qu’il rapporte, pour tenter d’assigner à chacun sa juste place dans
l’immense et maîtrisée polyphonie des Mémoires. Le discours construit ainsi une fiction de l’autorité ;
mais l’expérience dirimante de l’amour et de la maladie (c’est-à-dire du corps) met à mal cette fiction,
en signale les limites. L’autorité fait alors l’épreuve de ce qui la conteste, le réel. Comme les civilisations
de Valéry, elle se découvre fragile, intermittente, vouée peut-être à disparaître. Effroi ou sérénité ? C’est
de ce combat, de cette constante et organique pulsation du discours, que les Mémoires d’Hadrien
entretiennent leur destinataire.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)