, Barnabooth tient tout entier dans les quelques lignes que Barthes consacre à « l'écrivain comme fantasme » : « ce que le fantasme impose, c'est l'écrivain tel qu'on peut le voir dans son journal intime, c'est l'écrivain moins son oeuvre 26 ». Barnabooth ou l'éternel écrivain sans oeuvre, littérateur improbable, réduit à singer la posture du velléitaire qui écrit, n'écrit pas, voudrait écrire, le fait, songe à autre chose, prétend ne penser qu'à ça ? à la manière des héros de La Recherche ou des Faux-Monnayeurs, qui n'ont pas son panache. Barnabooth joue le code faute de l'accomplir : « ce n'est nullement un héros (de la création, de la performance) », écrit Barthes, dans la rubrique intitulée « L'Amateur 27 ». « Il s'installe gracieusement (pour rien) dans le signifiant ; [?] ; il est ? il sera peut-être ? l'artiste contrebourgeois ». Éloge inattendu : contre le sérieux (« bourgeois »?) de la description, Larbaud pratique la décomposition ludique, l'aristocratisme dilettante. Il se soumet (par feinte, par nécessité, par adhésion paresseuse) à la bonne conscience du code : « on va la délabrer, l'affaisser, l'effondrer sur place [?]. Pour détruire la conscience bourgeoise, il faut s'en absenter, et cette extériorité n'est possible que dans une situation révolutionnaire 28 ». La description serait l'un des instruments de cette décomposition. « Instrument subtil », ajoute Barthes, qui cite Brecht : « " Le monde est à coup sûr sorti de ses gonds, seuls des mouvements violents peuvent tout réemboîter, Mais il se peut que, parmi les instruments servant à cela, il y en ait un petit, fragile, qui réclame qu'on le manipule avec légèreté " 29 ». Cet instrument subtil, ce serait le style. Le style de Barthes
, Seuil, collection « Écrivains de toujours », 1975 pour l'édition originale, p.94, 1995.
, Instrument subtil », p.100. Barthes introduit et légitime ainsi ce superbe propos de Brecht : « Programme d'une avant-garde ». D'une avant-garde très NRF, séduisante, merveilleusement intelligente