. Dans-un-premier and . Temps, L'écriture de Renard marque, dans sa respiration la plus essentielle, cette insatisfaction fondatrice qui interdit la confiance, le sentiment de tenir durablement le principe fondateur de la création. Aussi, ce qui apparaît comme le mouvement le plus caractéristique de la description chez Renard, c'est son parti pris décidé en faveur de la crudité du réel ? crudité qui est une forme de cruauté : la fantaisie s'alimente à la force qui la conduit infailliblement à se nier elle-même, dans une joie destructrice qui est peut-être son accomplissement

. Qu, ils s'endorment, le soir, dans la forêt, si pressés que la plus haute branche du chêne menace de rompre sous cette charge de fruits pleins : [?] Tous ces pigeons, qui d'abord amusent, finissent par ennuyer, p.41

R. La-fantaisie-de, est peut-être cette force redoutable, la Gorgone de l'ennui. Il faut toujours que le descripteur marque sa déprise et presque son dégoût de ce qu'il est en train d'« exécuter » ? comme si la preuve d'amour chez lui se mesurait aux coups qu'il inflige à l'objet qui lui a trop accaparé l'esprit et les sens pour ne pas finir par le décevoir. Mais quelle est alors la force qui relance la machine à décrire ? Renard répond : Je me laisse facilement abattre, mais je reprends le dessus avec une facilité extraordinaire. Je trouve toujours le bon côté d'un ennui. C'est l'effet d'une pusillanimité rare qui m'empêche de regarder les embêtements en face, pp.24-25

. Ce-bon-côté-d-'un-ennui, ne serait-ce pas l'écriture ? La « pusillanimité » serait alors l'autre nom de cette mobilité indécise qui se masque sous le tranchant de la forme mais qu'on retrouve dans ce moment de « reprise » ou de « renversement » qui anime tout jugement porté sur la vie : -Tu es bête, ce n'est rien ! Pourquoi rien ? C'était de la vie ! et nous ne pouvons pas savoir jusqu'où allait celle que nous venons de supprimer. Par pudeur, pour ne pas avouer que la mort d'un petit chien nous bouleverse, nous songeons aux êtres humains déjà perdus, à ceux qu'on pourrait perdre, à tout ce qui est mystérieux, incompréhensible, noir et glacé. (HN, « Dédéche est mort, p.53

. Comment-juger-la-vie-?-À-l-'aune-de-la-mort, de tout ce qui est « noir et glacé » ? Cette impossibilité de se fier, de lier son sort à un affect déterminé ? confiance ou défiance, enthousiasme ou lassitude ?, Renard la nomme « pusillanimité » ; et l'on touche là, sans doute, le fond éthique et existentiel où le descripteur, tel Antée reprenant des forces au contact de la terre, renaît, après avoir épuisé le suc qui l'a nourri