». Existe-45 and . De-fait-stavroguine, évêque remettent sous ses yeux cette « " vie vivante " » qu'il a confisquée, qu'il nie et dont il veut s'excepter. Némirovsky appartient, c'est une évidence, à la famille des esprits qui lit à livre ouvert dans Dostoïevski, qui médite les leçons du maître, n'a nul besoin qu'on les lui explique tant il parle une langue collective, celle de son peuple, à l'exemple Homère pour les anciens Grecs, de la Torah pour un Juif pieux ou des Évangiles pour un chrétien. Pour elle, Dostoïevski n'est pas un trésor qu'on exhibe (car la citation est toujours plus ou moins une sorte de bijou de famille que le lettré expose pour orner sa prose ou sa pensée) mais la lumière fondamentale dans laquelle un phénomène apparaît à la conscience. Une preuve devrait suffire : c'est L'Affaire Courilof 46 . En apparence, rien de moins dostoïevskien que ce récit bref qui emprunte un peu de sa matière à l'immense massif des Démons, Réfugié en Suisse, un comité de révolutionnaires opposés au régime de Nicolas II confie à Léon M? le soin d'exécuter un ministre particulièrement brutal et réactionnaire : Valerian Alexandrovitch Courilof. Fils d'un 43 Les Démons, ouvrage cité, pp.726-740

A. Courilof, . Paris, and . Grasset-fasquelle, Pour accomplir son crime, le héros change symboliquement d'identité : il devient Marcel Legrand, jeune médecin recommandé par un camarade de la légation de Suisse pour accompagner le ministre dans sa résidence d'été. Arrêté après l'attentat, gracié lors de la naissance du tsarévitch, il devient un révolutionnaire en 1917 avant d'être exilé. Il change une nouvelle fois d'identité : il usurpe le nom d'un condamné, Jacques Lourié, un Juif de Lettonie naturalisé français 48 . Dans cette vie terne, où Léon ne saurait dire « combien d'hommes » il a fait tuer en étant « au pouvoir 49 », une seule relation humaine semble avoir compté ; c'est la trouble complicité qu'il ressent pour sa future victime, lui-même grand massacreur d'innocents, le ministre Courilof, dit « le Cachalot » : [?] ce couple, le Cachalot et la vieille cocotte [son épouse], me plaisait, me touchait, je ne sais pourquoi? J'écris, je me souviens, je divague, et il m'est impossible de m'expliquer à moi-même pourquoi ces deux-là m'étaient tellement? compréhensibles. Peut-être avais-je vécu depuis mon enfance dans une, Les cahiers rouges, p.50, 1933.

É. Francophone and . En-suisse, Les émotions fondatrices sont là, mais les mots manquent ; péniblement, ils remontent à la surface : les points de suspension auréolent de la trouble opacité des années passées, de la remémoration et de l'effort intellectuel l'apparition du mot dostoïevskien par excellence, de l'adjectif qui décide de tout : « compréhensibles ». La solidarité sacrée qui unit le vivant au vivant n'a rien de rationnel, de justifiable. Pontifiant, bigot, disciple de l'école réactionnaire de Constantin Pobiedonostsef, le célèbre précepteur d'Alexandre III, le « Cachalot », ne séduit guère. C'est cet homme ordinaire, lesté par les rituels d'une conjugalité tendre et les devoirs de sa charge politique, qui tire Léon (alias Marcel Legrand) de sa « " cage de verre " » : Oui, cette fois-là, la première, Courilof eut un soupçon. Probablement, une sorte de malaise lui troubla l'esprit. Mais sans doute pensa-t-il qu'il n'avait plus rien à craindre, ou peut-être éprouvait-il, à mon égard, le même sentiment que moi envers lui? de compréhension

L. Personnages-de-ses-romans and ». De-dostoïevski, « sont nés en Russie ; mais peu d'entre eux assument véritablement leur destin russe : l'enracinement n'est pas une donnée mais une fin à atteindre Némirovsky serait plutôt la romancière de l'identité double et de l, pp.341-156, 2003.

. Qu, ils existent ou n'existent pas », est peut-être la bonne Le moment décisif du crime résout la question : Il tournait son visage vers moi ; il était pâle et vieilli ou la lumière tombant des lampadaires creusait-elle ainsi ses traits ? Il avait une expression lasse et abattue, de grandes poches sombres sous les yeux. Je me tournai vers Fanny

. Le-héros-est-incapable, oeuvre de mort : la chair invisible proteste Il existe donc quelque chose de plus que la visibilité conventionnelle d'une « expression lasse et abattue », qui n'explique rien. Mais l'enracinement dans le sol de l'amour n'est pas assez fort pour que la vie l'emporte : « je souviens qu'elle [« ma mère »] ne nous embrassait jamais. D'ailleurs nous étions des enfants moroses et froids, moi