La mémoire du franquisme : un « passé qui ne passe pas » ? - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue La Documentation française Année : 2009

La mémoire du franquisme : un « passé qui ne passe pas » ?

Résumé

Comme d'autres pays, l'Espagne semble malade de son passé. Rien d'original dans ce constat qu'Henry Rousso a dressé en d'autres temps pour la France et sa relation à Vichy. Depuis 1990, la vague mémorielle a submergé la vie politique espagnole et il ne se passe pas un jour sans que les quotidiens ne se fassent l'écho des difficultés qu'ont les Espagnols à assumer les fantômes de la guerre civile et, plus récemment encore, ceux de la répression franquiste. De nombreux lieux de mémoire du franquisme demeuraient jusqu'il y a peu en place et leur démantèlement est encore l'objet de conflits politiques aigus. L'Espagne : un cas exceptionnel ? La société espagnole est persuadée du caractère exceptionnel que revêt la mémoire de ces événements alors que sa situation est comparable aux nombreux pays ayant connus un déchirement interne grave : les Etats-Unis, la Grèce, l'Italie, le Guatemala, El Salvador. D'abord, la mémoire de la Guerre d'Espagne est celle d'un événement supposé traumatique. Cette impression est fondée sur un préjugé qui considère les guerres civiles plus meurtrières et terribles que les conflits classiques en ce qu'elles divisent une communauté prétendument unie. Le vocable de « guerre fratricide » en dit long sur cette perception. De plus, la mémoire du conflit permet de revivifier une lecture simpliste de l'histoire du pays qui voudrait que s'opposent éternellement « deux Espagnes ». Les historiens ont attiré l'attention sur le simplisme de cette approche binaire. Un autre trait que l'Espagne partage avec la plupart des pays ayant vécu longtemps sous le joug d'une dictature qui produisait un discours historique particulièrement cohérent et oublieux des diversités du pays est de prêter à la mémoire une valeur de vérité supérieure à l'histoire. Nulle part mieux qu'ici s'exerce le poids des témoins sur une historiographie relativement jeune et toujours assez politisée. De là vient que les silences entretenus sur la Guerre soient souvent interprétés en termes d'oubli, produit d'un soi-disant complot ourdi contre la mémoire des victimes. En fait, la théorie du « pacte d'oubli » défendue par les promoteurs de la mémoire néo-républicaine et largement relayée par les médias participe d'un procès dressé contre les élites de la transition démocratique. Dans ces conditions d'hypermnésie, il est difficile de réfléchir froidement aux implications de la mémoire et aux relations forcément complexes que cette dernière entretient avec l'histoire espagnole. De fait, la mémoire est un objet d'histoire récent, et souvent uniquement appréhendé sous l'angle des usages politiques du passé. En Espagne, c'est principalement la question des nationalismes qui a suscité le développement d'une histoire de la mémoire comprise comme celle d'un instrument de configuration et de divulgation du passé national. Dans ce cadre, l'étude des politiques de mémoire, notamment en Catalogne et au Pays basque, ont éclairé d'un jour nouveau la nature de la nationalisation des Espagnols.

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Citer

Stéphane Michonneau. La mémoire du franquisme : un « passé qui ne passe pas » ?. La Documentation française, 2009. ⟨hal-01674033⟩
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