Richard Millet éducateur
Résumé
L'univers romanesque de Millet est profondément conservateur ; il veut rendre hommage à quelque chose d'oublié, de mort, et qui mérite pourtant selon lui de survivre en nos mémoires pour orienter la réflexion, sinon l'action, dans le monde d'aujourd'hui. La civilisation dont Millet raconte (explique peut-être) l'effacement se caractérise par sa brutalité et son injustice : misère de presque tous et privilèges féodaux que nulle réelle valeur ne justifie. En grand réaliste, Millet ne cache rien de cette violence qui sourd de sa description d'un monde disparu. Mais le paradoxe conservateur persiste à penser que ce monde valait mieux que le nôtre parce qu'il créait et impliquait un type d'êtres non pas meilleurs mais plus beaux qu'aujourd'hui. Un mot résume le sentiment devenu étrange et étranger, exotique et dépaysant : la fierté. La première partie de cet article dégage le fondement existentiel de la fierté : est fier tout individu capable (en écoutant ou en déroulant un récit dont il est ou non l'auteur) de coïncider avec l'oeuvre du temps, sans recourir à la médiation d'une justification ou d'une intelligibilité de l'ordre des choses. La fierté consiste à accepter ce qui advient. Une fois mise au jour cette généalogie narrative de la fierté, il faut, dans un second temps, en décrire les aspects, c'est-à-dire énumérer les conflits où elle s'engage. Le premier d'entre eux est la sourde rivalité qu'elle entretient avec l'amour. Car la fierté ne rend pas la vie digne d'être vécue mais simplement vivable ; à la fierté, il manque la douceur des passions heureuses. Mais si l'être fier veut bien dépendre du Temps (car il n'a pas le choix), il accepte malaisément de dépendre d'un égal, homme ou femme. La fierté apprend la défiance ; or l'amour exige la confiance. Comment ces deux puissances rivales peuvent-elles se partager l'étroit territoire d'une vie humaine ?
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)