"L’espace urbain en partage : un discours, des mythes et leurs conséquences pratiques"
Résumé
Les membres du monde scientifique qui s’intéressent à la dimension spatiale de la vie en société adoptent généralement une démarche descriptive et analytique. La démarche adoptée ici est différente puisque l’« espace partagé » est abordé non en tant que fait, réel ou potentiel, mais en tant que notion optative, dont on explore le cadre paradigmatique qui la sous-tend. A cette fin, nous replaçons cette notion et son usage discursif au sein de la formation théorique, propre à la sociologie française et à la sociologie urbaine en particulier, qui attribue à l’espace physique un statut d’actant. Puis, dans un second temps, nous rapportons cette conception de l’espace comme actant au besoin ressenti par le milieu institutionnel de disposer d’un cadre de lecture du monde fondé sur une conception substantialiste de la société. Notre thèse est qu’une telle conception du fait sociétal est nécessaire à l’affirmation de la vocation non pas libérale mais républicaine du politique. Alors que la sociologie française était dès son origine intimement liée à une conception instaurationniste du politique, où Société et Nation se confondaient en une entité holistique conçue comme antérieure et supérieure aux activités et groupes « naturels », la tentative actuelle de reformulation des sciences sociales correspond à un paradigme localiste et spatialiste, celui des « territoires de l’action publique» plus en phase avec l’univers de plausibilité contemporain. Ainsi, si ce territorialisme prend la relève du paradigme stato-centré antérieur, il cherche avant tout à maintenir la possibilité d’émettre un discours instaurationniste crédible correspondant à une action publique performative.