Guerres, marginalités et sanctuaires boisés au Bénin (XVIIe-XXIe siècle)
Résumé
Wars, marginality and wooded sanctuaries in Benin (XVII-XXI centuries)
Abstract
In South of present-day Benin, the last forest islands are wooded sanctuaries or "sacred wood"; their control is managed by religious principles which respect has varied over time according to several influences (conflicts between peoples, monotheistic religions inflence, lack of land ...): it is in normaly forbidden to go inside, to cut wood. This protection linked to religious practices ensured their preservation despite anthropisation more and more marked. The vegetation hid the rituals that took place there and the fear they inspired nonetheless limited degradation. Historical sources tell us that in addition to their religious function, they have also been used and can still be used as refuges in certain situations: for example in conflicts related to slave raids, captives could take refuge there to escape trafficking. During the colonial war of conquest, sacred groves have taken place as a resistance against the French. Finally, other aspects can be highlighted : some marginal fleeing the authorities can find a refuge in a sacred grove, or people without income can also exploit its resources in a context of high population pressure, such as wood for charcoal. For other actors, these sanctuaries represent places of witchcraft and must be cleared to protect themselves. This example of the forest as a refuge in West Africa shows the variety of aspects that may take the issue of “refuge”, not forgetting the question of fauna and flora in an ongoing deforestation context.
Au sud du Bénin actuel, les derniers îlots forestiers sont des sanctuaires boisés ou « bois sacrés » ; leur contrôle est assuré par des principes religieux dont le respect a pu varier dans le temps selon plusieurs influences (conflits entre populations, diffusion de religions monothéistes, manque de terres cultivables…) : il est en principe interdit d’y pénétrer, de prélever du bois à moins d’être adepte de la divinité qui y réside. La protection dont ils sont l’objet liée aux pratiques religieuses a assuré leur conservation malgré une anthropisation de plus en en plus marquée. Le couvert végétal dissimulait aux regards les rites qui s’y déroulaient et la crainte qu’ils inspiraient a néanmoins limité leur dégradation. Les sources historiques nous apprennent qu’en plus de leur fonction religieuse, ils ont également servi et peuvent encore servir de refuges dans certaines situations : ainsi lors des conflits liés aux razzias d’esclaves, des captifs ont pu s’y réfugier pour échapper à la traite. Lors de la guerre de conquête coloniale, les bois sacrés sont intervenus comme lieux de résistance face aux Français. Enfin, d’autres aspects peuvent être soulignés comme celui du refuge qu’y trouvent aujourd’hui certains marginaux fuyant les autorités, ou simplement sans revenu pouvant aussi en exploiter les ressources dans un contexte de forte pression démographique, comme par exemple le bois pour fabriquer du charbon. Pour d’autres acteurs, ces sanctuaires boisés représentent des hauts lieux de la sorcellerie et doivent être défrichés pour s’en prémunir. Cet exemple de la forêt refuge en Afrique de l’Ouest montre bien la diversité des aspects que peut revêtir la question du refuge, sans oublier celui de la faune et de la flore dans un contexte de déforestation en cours.