L’expérience
Résumé
La notion d’expérience, présente dans tous les domaines du savoir, englobe une infinité de processus qui régissent la production de connaissances. Cette notion éminemment complexe n’a cessé de se structurer, de se construire, de se redéfinir au cours de l’aventure scientifique et philosophique nouvelle ouverte par les savants et humanistes de la Renaissance. Elle constitue la pierre d’achoppement de la modernité, de l’esprit scientifique et de l’émergence du sujet qui en est l’effet le plus direct.
La part que chacun met en jeu dans l’utilisation de cette notion et l’ébranlement qu’elle a subi au cours du siècle dernier suffisent assurément à justifier l’intérêt d’un examen pluridisciplinaire tel qu’il est proposé dans ce premier volume. Ce projet en deux volets entend tout d’abord poser les bases d’une réflexion dont la littérature serait le champ d’analyse privilégié. Poser les bases signifie explorer tout d’abord le sens philosophique et épistémologique de la notion d’expérience, avant d’en donner quelques exemples d’application dans le registre du savoir spécifique généré par la littérature. Loin de toute réduction possible à une quelconque théorie de la lecture, les différentes analyses proposées s’intéressent à toutes les strates d’élaboration du savoir tel qu’il est produit par la chose littéraire. Presque un siècle après la coupure radicale que Benjamin voit en la Grande Guerre, il convenait d’examiner la façon dont la littérature s’est emparée de la notion d’expérience et de la crise même dont elle fut l’objet. Les questions posées dans les pages de ce volume portent aussi bien sur les opérations de l’esprit et des sens par lesquelles le texte construit et produit un sujet indéfiniment nouveau, saisi dans son devenir ; sur la façon dont le texte rend compte d’un monde par essence insaisissable ; sur les modalités d’exercice ou de survie de la notion d’expérience, aujourd’hui, dans le regard critique contemporain et dans la transmission des textes littéraires ; sur la manière dont la littérature et les arts ont exercé des formes de vigilance propres à l’égard de la préservation de la valeur de l’expérience jusqu’à sa mise en crise.