Ordre ou désordre - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Pré-Publication, Document De Travail Année : 2023

Ordre ou désordre

D. Lejeune
  • Fonction : Auteur

Résumé

Depuis Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641) et sa « République très chrétienne », depuis la raison du Siècle des Lumières, depuis l’abbé de Saint-Pierre et son Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe de 1713, le Contrat social de Rousseau (1762), Emmanuel Kant et son plan de paix, Vers la paix perpétuelle (1795), après le « concert européen » du XIXe siècle et le pseudo « équilibre européen » de 1914, les hommes espéraient mettre les relations internationales sous le signe de l’ordre. Le XIXe siècle avait même annoncé pour le suivant la fin « logique » du phénomène de la guerre. La voici qui éclate en 1914, et quelle guerre... La tragédie de quatre ans déchire, il y a bientôt un siècle, un continent d'une civilisation assez uniforme d'une nation à l'autre, et dans laquelle la guerre généralisée ne s'était pas produite depuis fort longtemps. C’est bien sous le signe du retour à l’ordre d’ensemble et dans le but d’établir un ordre nouveau que Thomas Woodrow Wilson (1856- 1924) envisagea la paix future dès ses Quatorze Points de janvier 1918, sur la base desquels l’armistice fut demandé par l’Allemagne en novembre 1918. « Le droit est plus précieux que la paix », avait déclaré le président américain Wilson. Et longtemps dans le monde, tout au moins dans le camp des vainqueurs auquel les États-Unis d'Amérique s’étaient associés, la Première Guerre mondiale passa pour la guerre majeure du droit et de la justice, une « croisade pour la démocratie » couronnée par le succès sur « les maîtres militaires de l'Allemagne », agresseurs de l'Europe libre et à qui la « libre Amérique » avait déclaré la guerre le 6 avril 1917. La conférence réunie à Paris en janvier 1919 commença par rédiger sur cette base le Pacte de la Société des Nations. Elle fut explicitement nommée Conférence de la Paix et envisagée comme un compromis entre les idées de Wilson, la New Diplomacy, et les appétits territoriaux des pays vainqueurs. Le premier document diplomatique fut considéré par les alliés en juin 1919, lors de la signature du traité de Versailles, comme un excellent travail, établissant un nouvel ordre mondial, bâti à la fois sur l’affaiblissement des Empires centraux et la mise à l’écart de la Russie bolchevique. Mais les Allemands dans leur ensemble avaient durant le conflit déjà repoussé toute idée de responsabilité unilatérale, ils accueillirent avec indignation le « diktat » du traité de Versailles, que leurs représentants avaient été contraints de signer le 28 juin 1919 et qui établissait par son célèbre article 231 la « responsabilité allemande » dans le déclenchement de la guerre de 14. Cette dénonciation était faite aussi par les partis de gauche d'Europe occidentale, qui repoussaient dans la thèse de la « responsabilité allemande » le spectre du nationalisme des pays victorieux et enfin par les marxistes-léninistes, qui voyaient dans le conflit le résultat du choc des impérialismes économiques. Le géographe Raoul Blanchard (1877-1965) avait écrit à la fin de ses Carnets de Guerre : « 11 novembre. [...] Un monde nouveau se lève » — paraphrasant Johann Wolfgang Goethe à Valmy (« De ce lieu, et de ce jour, date une ère nouvelle de l'histoire du monde ») — , mais en réalité se manifesta rapidement le déclin de l'Europe, comme l'écrivit un autre géographe, Albert Demangeon (1872-1940), au sortir d'une guerre qui n'est certes pas la plus D.LEJEUNE, ORDRE OU DESORDRE... 3 longue des guerres du XXe siècle, mais qui est la première de l' âge vraiment industriel. L’ordre entre les nations, garanti par une institution internationale, la SDN, doubla désormais dans les années 20 l’obsession traditionnelle du maintien de l’ordre intérieur. On sait qu’il fut faillible : « trop de haines, trop de jalousies », selon la formule très américaine du grand conseiller de Wilson, Edward Mandell House (1858-1938), dit le colonel House. Mais peut-on dire que l’entre-deux-guerres ne fut que la préparation de la Seconde Guerre mondiale ? Nous ne le pensons pas et espérons le démontrer. La paix de 1919 avait été pour les hommes l’espoir de mettre sous le signe de l’ordre les relations internationales. La Seconde Guerre mondiale démontre tragiquement la faillite du projet issu du premier conflit mondial, mais dès la Charte de l’Atlantique de 1941 renaît l’espérance d’un nouvel ordre mondial, basé sur la liberté. Les rapports entre les nations et entre les hommes sont, chronologiquement, bien délimités pour ce qui concerne le « second XXe siècle », entre la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Irak ou les attentats du 11 Septembre : tout lecteur connaît les expressions de Guerre froide et de Détente. Ils le sont aussi géopolitiquement et mentalement, avec une oscillation constante entre l’ordre et le désordre, entre paix et guerre, hésitation visible dès Hiroshima, Yalta et Potsdam en 1945. C’est non seulement l’obsession classique du maintien de l’ordre intérieur, occidental ou socialiste, mais de surcroît l’ordre dans son camp, l’ordre colonial et aussi le nouvel ordre monétaire international de Bretton Woods, ordre capitaliste international stable ( ?) ; c’est encore l’émergence des pays sous-développés, qui accèdent à l’indépendance et revendiquent un « nouvel ordre », dit « économique » à la conférence d’Alger en 1973 puis dans la déclaration onusienne de 1974, un ordre succédant à l’ordre colonial par émergence d’un Tiers Monde. Par ailleurs, la Chine expose ses réflexions successives sur l’ordre mondial ; et encore un « nouvel ordre mondial » est annoncé, de manière très wilsonienne et rooseveltienne, par George H.W. Bush (né en 1924) dans son « Message sur l’état de l’Union » du 29 janvier 1991... Mais tout ceci crée un paradoxal désordre, peut-être lexical, étatique pendant plusieurs décennies, doublé par le « désordre mondial » que le terrorisme international a engendré. Le grand désordre dans les relations universelles de la fin du XXe siècle a été baptisé par l’éditorialiste du Monde diplomatique Ignacio Ramonet « géopolitique du chaos ». Toutes sortes de désordres mondiaux sont très visibles dans le monde des années 1990 : le monde est-il désormais sans boussole ? Pour étudier ces problèmes et s’efforcer de répondre à cette question, la présente synthèse sera centrée sur le couple ordre-désordre.
Fichier principal
Vignette du fichier
OD-texte.pdf (4.1 Mo) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01568812 , version 1 (25-07-2017)
hal-01568812 , version 2 (08-11-2018)
hal-01568812 , version 3 (06-09-2020)
hal-01568812 , version 4 (13-01-2021)
hal-01568812 , version 5 (21-04-2021)
hal-01568812 , version 6 (19-05-2023)

Licence

Paternité - Pas d'utilisation commerciale - Pas de modification

Identifiants

  • HAL Id : hal-01568812 , version 6

Citer

D. Lejeune. Ordre ou désordre : Les relations internationales au XXe siècle (de 1918 à la fin du XXe siècle). 2023. ⟨hal-01568812v6⟩
1918 Consultations
2846 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More