Intelligibilité de la parole après le traitement d’un cancer de l’oropharynx : étude descriptive chez sept patients en pré-traitement et en post-traitement précoce
Résumé
Les tumeurs oropharyngées modifient les résonateurs impliqués dans la production articulatoire. Nous décrivons l’altération du signal parlé et les corrélats perceptifs résultants chez 7 patients avec tumeur oropharyngée.
Les enregistrements de ces patients en pré-traitement (M0) et à un mois post-traitement (M1 : traitements : 1 radiothérapie, 1 chirurgie seule, 3 chirurgie+radiothérapie post-opératoires, 2 radiochimiothérapie), et de 14 volontaires sains appariés, ont été recueillis sur : La bise et le soleil et Le Cordonnier lus, /a,e,i,o,u/ tenues, les occlusives et fricatives françaises (contexte /aCa/). Une étude perceptive d’identification des phonèmes a été effectuée par 5 auditeurs naïfs. L’analyse acoustique a mesuré : les fréquences formantiques vocaliques, le Centre de gravité (COG) des fricatives et le spectre moyenné à long terme (LTAS) des textes. L’auto-évaluation des patients (Speech Handicap Index SHI), le temps maximum phonatoire (TMP) et le nombre de mots lus/mn ont également été recueillis.
Résultats :
Voyelles : tous les patients avec radiothérapie présentent une diminution de l’espace vocalique à M1. Les erreurs d’identification perçues les plus fréquentes concernent /u/ et /o/ (4 patients à M0 ; 5 à M1), suivies de la confusion entre /i/ et /e/ (1 patient à M0 ; 3 à M1). Des traits de nasalisation ont été perçus chez un patient à M0 et 5 patients à M1.
Consonnes : les COG sont nettement différents entre M0 et M1 pour 6 patients : élévation de M0 à M1 pour trois patients, tendance inverse pour les trois autres. Le nombre d’erreurs d’identification consonantique perçue augmente à M1.
LTAS : le tracé est stable (4 patients) ou montre un renforcement de l’énergie aux hautes fréquences à M1 (3 patients).
Le nombre de mots lus par minute et le TMP présentent une grande variabilité entre patients et témoins. Le SHI affiche des scores faibles, excepté pour un patient (60/120 à M1).
La réduction de l’espace vocalique chez tous les patients ayant bénéficié d’une radiothérapie, est attribuable à une moindre mobilité des articulateurs (Bruijn et al., 2009). L’altération de la perception des voyelles révèle une modification de leur lieu d’articulation (Dwivedi et al., 2016), tandis que la nasalisation signe l’altération du port vélo-pharyngé (Van Der Molen et al., 2012). Le COG des fricatives apparaît très variable sans qu’aucun facteur ne permette d’en prédire le sens de variation. Le traitement des tumeurs oropharyngées est associé avec une postériorisation perçue du lieu d’articulation des occlusives (Logemann et al., 1993). Il est également pourvoyeur d’erreurs de voisement ce qui suggère un impact de la radiothérapie sur le larynx (Pauloski et al., 1998). Enfin, la qualité de vie relative à la parole semble peu altérée dans ce contexte (Dwivedi et al., 2009), à l’exception d’un patient dont le score de SHI est très altéré en post-traitement, (altération globale de l’état général).
Toutes ces analyses multiparamétriques montrent que le traitement d’une tumeur oropharyngée entraîne l’altération des paramètres acoustiques et la diminution de l’intelligibilité consonantique et vocalique. Ces résultats doivent être confirmés par une étude à plus grande échelle soutenue par une analyse statistique.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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