À quoi rêvent les vieilles filles? Eros au féminin ou la débandade du roman domestique en Amérique (M. Wilkins Freeman). - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue E-rea - Revue électronique d’études sur le monde anglophone Année : 2003

À quoi rêvent les vieilles filles? Eros au féminin ou la débandade du roman domestique en Amérique (M. Wilkins Freeman).

Résumé

When Harper's Bazaar editor Elizabeth Jordan asked Mary Wilkins Freeman to write the chapter devoted to “The Old-Maid Aunt” in the collective novel The Whole Family in 1906, she did not quite measure the impact of her choice. By turning Aunt Elizabeth into the provocative Lily Talbert, Freeman not only refused to conform her character to the stereotype of the frigid old maid; she also questioned the place she had been assigned as an author within the domestic and romantic economy of the collective novel under contract. Eroticizing the old maid jeopardizes the traditional plot because it endangers the inevitable denouement of the domestic novel. The ambivalence of an un-domesticated Eros, both a principle of life and a disruptive force, proves a threat to the genre itself. The turbulences of the erotic old maid, this essay argues, compels the domestic novel, if not to redefine itself, at least to amend itself.
Quand en 1906 Elizabeth Jordan, éditeur de Harper’s Bazar, demanda à Mary Wilkins Freeman d’écrire le chapitre intitulé « The Old-Maid Aunt » dans le roman collectif The Whole Family, nul ne se doutait, parmi les contributeurs, que c’était là faire entrer le serpent dans le jardin de cette famille de Nouvelle-Angleterre. En faisant d’Aunt Elizabeth la provocante Lily Talbert, Freeman ne refusait pas seulement de se conformer au stéréotype de la vieille fille frigide et austère ; elle remettait également en cause la place qui lui avait été assignée à l’intérieur de la « famille » des auteurs du roman, à l’intérieur de l’économie domestique et romanesque. Érotiser la vieille fille, qui ainsi menace de prendre la place de l’héroïne attendue (en séduisant son amant), c’est remettre en question, ou du moins, mettre en danger l’inévitable dénouement du roman domestique. Faire de la vieille fille une intrigante, c’est mettre en péril l’intrigue traditionnelle. Si certains, peu nombreux, osent admirer cette contribution audacieuse, la plupart la condamnent vigoureusement. Qu’y a-t-il donc dans ces quelque trente pages pour échauffer ainsi les esprits ? Dans quel soufre Freeman a-t-elle plongé sa plume ? À la fois impulsion et menace de désagrégation, ces pages dérangent parce qu’elles portent en elles-mêmes l’ambivalence d’un Éros non domestiqué, à la fois force génératrice, principe de vie et force disruptive qui menace de tout faire s’écrouler. En fait, ce chapitre ne met en branle la machine romanesque qu’au risque d’en ébranler sérieusement les mécanismes, de provoquer la débandade du roman domestique : quand la vieille fille s’érotise et commence à jouer un jeu qui lui est propre, quand elle manque à la place qu’on lui avait assignée, le roman, pris de turbulences, se voit contraint, sinon de se redéfinir, du moins de s’amender.

Dates et versions

hal-01513567 , version 1 (25-04-2017)

Identifiants

Citer

Cécile Roudeau. À quoi rêvent les vieilles filles? Eros au féminin ou la débandade du roman domestique en Amérique (M. Wilkins Freeman).. E-rea - Revue électronique d’études sur le monde anglophone, 2003, Eros en Amérique, 1 (1), ⟨10.4000/erea.84⟩. ⟨hal-01513567⟩
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