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Article Dans Une Revue Revue Française d'Etudes Américaines Année : 2014

“‘In Gallic Dress’: l’Amérique travestie, ou la traduction du biais régionaliste dans les lettres américaines de la fin du XIXe siècle.”

Résumé

From the 1870s to the turn of the century, an American literature was invented and performed in translation in the pages of the French elite journal, La Revue des deux mondes. Th. Bentzon, alias Madame Blanc, a French aristocrat enamored with the United States, was the chief actor in this performance that acquainted the French with American regionalists in the language of the Republic. But Bentzon’s transaction had a cost. Tailored to fit the French Republican paradigm at the very moment when France was engaged in redefining its regional and linguistic particularities, the many tongues and variegated dialects of post-bellum American literature could hardly pass in French as yet another patois. At the time when both France and the United States revisited their nation-building processes on different political grounds, the nation—Bentzon’s translations reveal—could only serve through a universal middle term authorizing equivalence. Translating regionalism required instead the revisiting of the epistemic foundations of translation itself and its conditions of possibility. As the key to Howells’s conception of “the nation as acquaintance” on the one hand and the challenge of the French Republic on the other hand, regionalism, this paper argues, was the litmus test of translation ; translating regionalism reveals what was at stake politically and epistemically in a search for national commensurabilities.
Si, à la fin du XIXe siècle, il n’est plus besoin d’un tiers pour garantir la relation entre singularités, si la nation américaine peut se construire sur l’équivalence des singularités entre elles, cette expérience d’une construction nationale fondée sur la relation, sans tiers, n’est pourtant pas facilement exportable, ni intelligible à d’autres nations. Ce n’est pas ainsi par exemple que l’Amérique parvient à s’exporter en France, comme en témoignent les tentatives de traduction de Th. Bentzon, alias Mme Blanc. Habillée à la gauloise dans les pages de la Revue des Deux Mondes, une littérature nationale américaine se produit et s’invente en effet, sur la scène française, à partir des années 1870. Mais si les lettres américaines, sous l’égide de William Dean Howells, font alors la part belle à la pluralité des accents régionaux, le passage en langue française révèle des frictions nées de la non-coïncidence de deux modèles politiques de construction de la nation. Comment traduire, dans la langue jacobine du dix-neuvième siècle français, la pentecôte vernaculaire qui saisit la littérature américaine de l’après-Reconstruction ? Empêtrée dans un paradigme national qui ne souffre guère de variativité interne, Bentzon cherche l’Américain, le vrai, l’icône nationale type, qui donnerait au lectorat français le goût unique de cet étrange pays. Mais l’Amérique de Howells n’est pas une et indivisible ; sa « vérité » n’est pas à trouver dans une langue qui en serait l’étalon et la mesure, ni dans une flexion « couleur locale », sorte de colifichet de pacotille destiné à « faire authentique », mais bien dans l’équidistance des particularités entre elles. Traduire la littérature régionaliste américaine du dernier tiers du XIXe siècle revient dès lors à traduire une pratique de l’écart qui lui est propre et qu’il est impossible de translater telle quelle dans le démarquage jacobin entre une norme et un patois. Comment traduire une particularité dans une autre – sans la médiation d’un tiers, une fois que l’universel qu’est la « nation » a été évincé ? Il faut dès lors repenser la traduction elle-même, et la redéfinir, non plus comme la recherche de l’équivalence malgré la différence, mais comme une tentative de produire la différence à partir du constat de l’incommensurabilité. Cet article s’interroge, à partir de l’étude des traductions de Th. Bentzon, sur les enjeux de la traduction du biais régionaliste dans la littérature américaine du dernier tiers du XIXe – enjeux politiques, exigence philosophique, et peut-être impasse pratique.
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Dates et versions

hal-01513336 , version 1 (25-04-2017)

Identifiants

Citer

Cécile Roudeau. “‘In Gallic Dress’: l’Amérique travestie, ou la traduction du biais régionaliste dans les lettres américaines de la fin du XIXe siècle.” . Revue Française d'Etudes Américaines, 2014, L'Amérique traduite, 2014/1 (n°138), pp.57-71. ⟨10.3917/rfea.138.0057⟩. ⟨hal-01513336⟩
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