La co-construction du temps de l’évènement sur Twitter : le cas de l'annexion de la Crimée - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2016

La co-construction du temps de l’évènement sur Twitter : le cas de l'annexion de la Crimée

Résumé

La communication que nous proposons pour ce Congrès de la SFSIC s’ancre dans une perspective communicationnelle des études des rapports entre le temps, l’événement et les médias, ces derniers étant considérés comme assurant une médiation symbolique et politique du temps. Il s’agit de tenter d’éclairer les rapports entre le temps, l’événement et les médias à travers des objets connectés et des contenus numériques. Nous questionnons plus spécifiquement les rapports entre le temps de l’évènement et le temps de l’évènement médiatique (Arquembourg, 2003) en analysant la construction et l’appropriation d’un événement politique, à savoir de l’annexion de la Crimée par les usagers du segment slave de Twitter . Les lieux des nouvelles pratiques informationnelles et communicationnelles à l’intersection de l’espace public et de l’espace privé, les réseaux socio-numériques changent les façons dont les contenus médiatiques sont produits, distribués et consommés (Newman, 2009). Ainsi, Twitter s’est-il imposé depuis sa création en 2006, comme une plateforme de diffusion d’information en temps réel au même titre que les sites d’information ou les blogues. Les usagers de ce média social s’en servent pour partager et recevoir des informations via de brefs messages (tweets) limités à 140 caractères. Facilement identifiables grâce à l’emploi des hashtag , les tweets permettent de suivre la diffusion des informations et des commentaires concernant un fait au niveau mondial. A la différence des médias d’information traditionnels, les médias sociaux se caractérisent par la diffusion de l’information qui « s’accompagne d’importants efforts d’interprétation, de mise en perspective, de commentaire et de critique. Il s’agit là d’une négociation, mêlant l’individuel et le collectif, du sens des évènements, de leur signification politique et du positionnement moral adéquat» (Rieder et Smyrnaios, 2012, p. 138). Les événements dans les réseaux socio-numériques sont ainsi co-construits par des centaines, voire des milliers des usagers parmi lesquels on retrouve les acteurs de l’événement, les journalistes, les personnalités publiques et les citoyens lambda. Les usagers se regroupent souvent à l’intérieur des réseaux socio-numériques par communauté d’opinions pour éviter les conflits et renforcer leurs propres visions du monde et leurs valeurs (Dahlgren, 2012). L’événement dans les réseaux socio-numériques se caractérise par un entrelacement des temporalités, celle du flux qui se définit par rapport aux agencements sociotechniques, (agrégation et affichage des contenus dans une logique de synchronisation et de filtrage permanentes) qu’en fonction de « l’épaisseur temporelle de la communauté » (Merzeau, 2015, p.3). Cette dernière suppose une prise en compte du temps que les usagers acceptent de passer dans l’environnement numérique et de consacrer aux commentaires et discussions des événements en termes de qualité, de contenu ou de régularité. En premier lieu, nous cherchons à comprendre comment la plateforme de micro-blogging Twitter construit une temporalité particulière de l’événement par rapport à celle des médias traditionnels, dits de masse. En effet, Twitter est actuellement de plus en plus utilisé en tant que « deuxième écran » (Einspaenner-Pflock, Anastasiadis, 2015) par rapport au premier écran, celui de la télévision. La liaison simultanée entre les deux formes de média que sont Twitter et la télévision peut être décrite comme une « expérience média riche » (Sandvik, Laursen, 2013) dans le cadre de multiplication des écrans et de leurs usages. Dans ce contexte, Twitter propose un traitement des évènements en différé. Il s’oppose à la construction de l'événement en direct et en continu par les médias audio-visuels et agit comme « chambre d’écho » même après la fin de l’évènement. Dans un second temps, nous cherchons à montrer les transformations de la temporalité par un dispositif numérique lié à l’individu. Nous comprenons le temps médiatique en tant qu’un processus collectif d'individuation et de socialisation (Quéré, 1995). En effet, l’événement médiatique instaure une articulation entre le temps singulier et le temps social. Le discours des médias sur l’événement donne une signification à l’articulation du rapport du temps singulier de l’énonciation, exprimé par rapport à la subjectivité, au temps de l’événement et du rapport de la temporalité culturelle et politique au temps de l’événement exprimé par rapport à la société (Lamizet, 2006). Nous considérons que les événements médiatiques peuvent permettre l'élaboration d'une expérience publique, de la même manière que les événements personnels conduisent à l'élaboration d'une expérience individuelle. La constitution des « problèmes publics » (Cefaï, 1996) est un des résultats de cette expérience. Les événements médiatiques y contribuent largement. Or, les réseaux socio-numériques construisent une narration fragmentée de l’événement faite d’ajouts successifs de faits, de messages, de commentaires, des liens hypertextuels présentés dans l’ordre de leur publication. De ce fait, les « opérateurs » de Twitter (Compagno, 2014) comme les retweets, les messages directs et les réponses, les hashtags, les hyperliens, les mentions (hashtag #, @, http://, RT) représentent un moyen individuel par lequel les usagers de Twitter construisent une temporalité de l’évènement. La quantité des tweets peut en effet ne pas correspondre aux évènements et suivre sa propre logique d’usage (Kirgizov et al., 2015). D’une manière générale, les événements publics débordent largement le cadre médiatique. Ils se constituent à travers d'écheveaux de relations complexes et se présentent comme « l’enjeu d'une réflexion sur l'espace public » (Arquembourg, 2003). L'analyse des rapports entre le temps, l’événement et les médias à travers les usages que les internautes font de l'outil Twitter peut nous permettre de mieux définir et comprendre les enjeux de la reconfiguration de l'espace public contemporain (Miège, 2010). Si en 2014, la télévision est restée un média dominant et principale source d’information en Russie et en Ukraine, la plateforme de micro blogues Twitter a considérablement augmenté son audience . Les événements liés à l’annexion de la Crimée ont reçu une large couverture sur Twitter en devenant une source importante d’information journalistique . Nous avons limité notre enquête à la période entre le 22 février 2014, date de la destitution du président ukrainien suite à la « Révolution de la dignité » et le 27 mars 2014, date d’adoption par l’Assemblée Générale de l’ONU de sa résolution en soutien à l’intégrité territoriale de l’Ukraine lorsque, de facto, la Crimée a déjà été rattachée à la Russie. Notre recherche analyse la construction de la temporalité d’un événement politique sur Twitter à travers des agencements sociotechniques et des configurations sémiotiques propres à cette plateforme de micro-blogging. La méthode d’enquête s’appuie sur l’analyse des marqueurs temporaires des tweets et des temporalités des dispositifs communicationnels et relationnels que Twitter met en place. La complexité et le volume des données traitées rendent indispensables la mobilisation des logiciels et des outils de la visualisation des données (Gephi). Cela permet notamment d’étudier des laps de temps pouvant correspondre ou ne pas correspondre à des temporalités des évènements construites par d’autres médias ou en dehors des médias.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01477121 , version 1 (27-02-2017)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01477121 , version 1

Citer

Valentyna Dymytrova, Alexander Kondratov. La co-construction du temps de l’évènement sur Twitter : le cas de l'annexion de la Crimée. Temps, temporalités et information-communication, SFSIC; Université de Lorraine; CREM, Jun 2016, Metz, France. ⟨hal-01477121⟩
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