Une calligraphie des ombres.
Résumé
Alejandra Pizarnik’s manuscripts are not only readable, but also visual objects, that capture the author’s particularly complex relation with language as an instrument. A brief presentation of Pizarnik’s archives – a presentation that attaches great importance to the visual aspect of manuscripts – is followed by a registry of pointers that make texts more visible, by enhancing the graphic dimension of manuscripts, in order to enlighten not only the mechanisms involved in writing, but also the relation of Pizarnik’s writing to the act of seeing, both literally and symbolically.
The gestures that are involved in creating are then considered, as well as writing practices that follow on both from the choice of supports and the interventions and manipulations that they endure. For if Pizarnik’s writing seems structured by the tension existing between “accumulating” or addition mechanisms and “removal” or substraction methods, the different visualization strategies that it appeals to (including those that reinforce her texts’ mobility) present themselves as practices that are equally central in her creative proves. The idea would be that these heterogeneous supports, as well as the specific practices involved in her writing (strategies that favor visualization and/or mobility, presence of visual clues, traces of cut-out...) would aim at reinforcing ties between visual and writing, a penchant for the visual that might “compensate” for what is felt as a deficiency of words.
Finally, the author’s discourse on writing involves mainly two series of images (textile and organic metaphors) that seem to function, as by metonymy, as mirrors of the writing process itself. The study of Pizarnik’s “working papers” allow us to outline a “calligraphy of shadows” that is in tune with the opacity of a singular and always evasive voice, that challenges the so-called transparency of signs and letters.
Les manuscrits d’Alejandra Pizarnik sont des objets à voir autant qu’à lire, et c’est dans les archives que se révèlent les rapports particulièrement complexes que l’écrivain entretient avec le langage en tant que matériau. Après une présentation sommaire des archives de Pizarnik – présentation qui accorde une place importante à l’aspect visuel des manuscrits – il est question de relever les indices qui permettent de rendre les textes plus visibles, de mettre donc en relief la dimension graphique des manuscrits, afin d’éclairer non seulement les mécanismes d’écriture mais, aussi, les rapports entre l’écriture de Pizarnik et l’acte de voir.
Les gestes qui interviennent dans la création sont ensuite considérés, comme les pratiques d’écriture qui découlent à la fois des supports choisis et des interventions et manipulations dont ils sont l’objet. Car si l’écriture de Pizarnik semble structurée à partir de la tension qui s’instaure entre des dispositifs d’« addition » et de « soustraction », les différentes stratégies de visualisation auxquelles elle fait appel (y compris celles qui renforcent la mobilité de ses textes) se présentent comme des pratiques tout aussi centrales dans son travail de création. L’idée serait ainsi que tant l’hétérogénéité des supports que les pratiques spécifiques de ses méthodes de composition (stratégies favorisant la visualisation et/ou la mobilité, présence d’indices visuels, marques de découpages...) viseraient à renforcer un lien entre le visuel et l’écriture, un penchant pour le visuel qui permettrait de « compenser » la défaillance des mots.
Enfin, le discours de l’écrivain reprend deux séries d’images (les métaphores textiles et les métaphores organiques) qui semblent fonctionner, par métonymie, comme miroir de l’œuvre. Les “papiers de travail” dessinent ainsi une “calligraphie des ombres” qui s’accorde à l’opacité d’une voix singulière et toujours fuyante, pour interroger la prétendue transparence des signes et des lettres.