Le cardinal Faulhaber et l'antisémitisme nazi des années trente - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz Année : 1999

Le cardinal Faulhaber et l'antisémitisme nazi des années trente

Menahem R. Macina

Résumé

Il est fréquent de lire dans des publications, catholiques ou non, l’affirmation selon laquelle le Cardinal archevêque de Munich avait été le seul évêque allemand à se démarquer des vexations infligées aux Juifs par les nazis. Une écrivaine affirme même qu’il n’hésita pas à les « blâmer publiquement du haut de la chaire » (Rosetta Loy, Madame Della Seta aussi est juive, Rivages, Paris, 1998, p. 19). Plus grave encore : dans la Déclaration romaine du 16 mars 1998, dite "de Repentance", et intitulée « Nous nous souvenons », on peut lire l'assertion suivante, censée s'appuyer sur quelques pages d'un ouvrage de l'historien allemand L. Volk, consacré à l'étude des rapports entre l'épiscopat de Bavière et le National-Socialisme dans les années 1930-1934 : « Les sermons bien connus du cardinal Faulhaber en 1933, l'année même où le national-socialisme parvint au pouvoir […] exprimèrent clairement le rejet exprès de la propagande antisémite nazie. » En réalité, voici ce qu’écrivait Volk : « En 1933 [le cardinal Faulhaber] fit, du haut de la chaire de l'église Saint Michel de Munich, cinq interventions consacrées à la défense de l'Ancien Testament, dont certains porte-parole des Chrétiens-Allemands s'étaient récemment désolidarisés et contre lesquels les champions du mythe national-socialiste prenaient parti dans de nombreuses publications. Les sermons d'Avent de Faulhaber connurent une fréquentation si immense auprès des auditeurs catholiques, protestants et juifs, qu'il fallut les transmettre par des hauts parleurs à l'hôtel de ville […] Pour les milliers de gens qui affluaient, il s'agissait moins de venir entendre une apologie des Saintes Écritures que d'entendre s'opposer à la coercition, à la non-liberté spirituelle et à l'uniformisation idéologique. "Il souffle une tempête sur notre pays […] qui prétend balayer du sol allemand les Écritures parce que c'étaient des livres juifs". […] Lors de son dernier sermon, il réussit à formuler des sentences d'une saisissante brièveté et d'une violence outrageante. L'absolutisme de la pensée raciste ne pouvait être davantage mis à mal que par cet appel : “Nous ne devons jamais l'oublier : nous ne sommes pas rachetés par notre sang allemand”» Comme on peut le constater, rien, dans ces passages, ni d'ailleurs dans les quatre pages du livre de Volk, évoquées par la « Déclaration de repentance », n'accrédite la réputation avantageuse d'opposant à la propagande antisémite nazie, ainsi faite au cardinal de Munich. Au contraire, après avoir noté que « le retentissement [des sermons] fut énorme », et que l'ampleur des ventes de la version imprimée « révélait le mécontentement éprouvé […] par ceux que le régime nazi avait déçus ou dont il suscitait la méfiance», l'historien Volk émet cette sévère critique : « Le contenu de [ces sermons] n'était pas sans failles, car le cardinal n'avait pas osé toucher au sujet brûlant de l'antisémitisme, comme en 1923, lors de ses sermons de la Toussaint et de la Saint-Sylvestre. » A partir de cette contre-vérité, devenue ensuite, et jusqu’à ce jour, un argument réputé irréfutable, en faveur d’une prétendue défense publique des Juifs par les hauts responsables religieux de l’Eglise catholique, l’auteur met en garde contre un tendance immodérée à l’autojustification chrétienne que rien ne justifie, au contraire.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01421136 , version 1 (21-12-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01421136 , version 1

Citer

Menahem R. Macina. Le cardinal Faulhaber et l'antisémitisme nazi des années trente. Bulletin trimestriel de la Fondation Auschwitz, 1999, 64 (juillet-septembre), pp.63-74. ⟨hal-01421136⟩
149 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More