« L'artiste historien de l'art en narrateur : musées clandestins et copies anonymes »
Résumé
Cet article interroge l’apparition de pseudo-musées clandestins au sein d’institutions dédiées à l’art contemporain, complices malgré elles de tentatives de mise en demeure du récit téléologique de l’art moderne. Par l’entremise d’une fiction très documentée, certains collectifs d’artistes, situés à Berlin, dans l’ancien bloc de l’Est, en ex-Yougoslavie, revêtent différentes identités et pseudonymes afin de déployer une relecture de la modernité franco-américaine, qui se superpose à l’histoire des scénographies d’expositions des musées occidentaux. Présentées depuis 1986 comme des collections de musées, sous des intitulés conçus comme des citations historiques, ces mises en scène révèlent des discours et des opérateurs insaisissables. Dépassant les postures de l’artiste archiviste ou collectionneur, ceux-ci agissent en véritables historiens de l’art, pour le compte d’un certain Malevitch, d’un certain Walter Benjamin, sous la forme d’écrits et d’entretiens publiés dans des revues d’art, et organisent des conférences-performances exécutées par les réincarnations de Gertrude Stein, Porter McCray, Alfred H. Barr, etc. L’artiste historien-narrateur devient un artisan qui s’adonne à l’inlassable copie d’œuvres sans auteur, rendues célèbres par les prises de vues photographiques de leurs contextes d’exposition, et dont la valeur iconique semble supplanter les œuvres elles-mêmes.