The Culural Life in Russia at the beginning of the 1990s

La vie culturelle russe des années 1990

Hélène Mélat (1, 2, 3)

1 CEFR - Centre d'études franco-russe de Moscou
2 CIRCE - Centre Interdisciplinaire de Recherches Centre-Européennes
3 EUR'ORBEM - Europe orientale, balkanique et médiane

Cet article dresse l’état du champ littéraire russe après l’effondrement du régime communiste en URSS. Après une rapide présentation du monde bien ordonné de la période soviétique où chacun connaissait sa place, l’auteur évoque l’explosion de la glasnost, moment où la littérature joue un rôle central, puis la désacralisation de la parole de l’écrivain, qui se retrouve rejeté sur le bas-côté de la société. Cette disgrâce morale, tragique pour beaucoup, s’accompagne d’une baisse drastique de revenus, le désengagement de l’État étant quasi total au début des années 1990. Quelques rares individus tirent parti du nouveau contexte, comme par exemple Aleksandra Marinina : le succès phénoménal de ses romans policiers, avec une vingtaine de millions d’exemplaires vendus à l’époque de l’écriture de l’article, en fait l’un des premiers et rares écrivains millionnaires de Russie. Sont évoquées les stratégies des écrivains : la recherche de mécènes (les « sponsors »), les prix littéraires, qui se multiplient et permettent aux vainqueurs de se remettre à flot pour un court moment, les invitations à l’étranger, et bien sûr l’écriture (ou toute autre occupation) alimentaire – articles de journaux, romans roses, romans policiers… Mais, en dépit de ces difficultés réelles, les années 1990 – jusqu’au krach bancaire de 1998 – sont des années de grande vitalité et d’espoir : des milliers de maisons d’édition sont créées, on se presse aux soirées poétiques, aux lectures, ou simplement à des rencontres entre intellectuels dans des lieux chaleureux, souvent situés dans des caves, qui proposent nourriture bon marché, salles d’exposition, librairie (comme le célèbre Proekt OGI, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ou la librairie de Mark Frejdkin ou encore celle de Ad Marginem/Shakespeare and C°, disparues depuis comme beaucoup d’autres lieux). De nouvelles revues naissent, en particulier Novoe literaturnoe obozrenie, revue de critique littéraire universitaire de qualité. C’est donc un mélange de désespoir et de formidable éclosion de divers projets qui caractérise le début des années 1990.

Mots clés: Russie; postsoviétique; sociologie littéraire; contexte culturel

Domaines: Littératures

Hélène Mélat. La vie culturelle russe des années 1990 . La Revue russe, 1996, 9, ⟨10.3406/russe.1996.1895⟩. ⟨hal-01389796⟩