Les realia de la culture urbaine dans l’œuvre de Hans Sachs
Résumé
Au moment de son ralliement public à la cause protestante, Hans Sachs s’affiche fièrement comme artisan. Quelques décennies plus tard, le Ständebuch (1568) de Jost Amman, agrémenté d’épigrammes de Hans Sachs, abonde en objets de la vie matérielle et illustre l’affirmation d’une classe moyenne urbaine consciente de son poids économique et social croissant au sein de la société de l’époque.
L’article examine dans les textes de Hans Sachs – et en lien avec l’iconographie qui accompagne un certain nombre d’entre eux – le lexique désignant les realia corporels et matériels, en ce qu’il témoigne des nouvelles interactions sociales qui se font jour dans les grandes villes commerçantes de l’Allemagne méridionale. Indices historiques et marqueurs sociaux, les realia professionnels acquièrent aussi, par leur insertion textuelle comme par leur figuration visuelle dans les bois et gravures sur cuivre, une véritable dimension symbolique. Leur détournement métaphorique, notamment dans les jeux de carnaval, retiendra aussi l’attention. L’insertion de ces mots dans le contexte culturel et social, les changements d’usage et les discours obliques sont l’objet de la sémantique historique comme méthodologie de référence.
Les supports privilégiés de la diffusion contemporaine de l’œuvre de Hans Sachs : les impressions séparées de poèmes gnomiques et les estampes à feuille unique, sont eux-mêmes des realia matériels de premier ordre, des produits du métier d’imprimerie en plein essor. Hans Sachs ne manque pas d’y référer expressément lui-même dans l’un de ses textes, comme le feront à sa suite d’autres auteurs de la première modernité, dont Grimmelshausen. Les imprimeurs sont le fleuron de l’artisanat urbain et les promoteurs de ce qu’on peut appeler une proto-industrie culturelle dont le rôle est prépondérant tant au point de vue du développement de l’économie de marché que de la propagation des idées nouvelles, singulièrement celles de la Réforme.