De la (re)qualification à la disqualification ? Territoires et sociétés des marges à l’épreuve de la labellisation. Le cas de Taliouine (Anti -Atlas, Maroc) - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2016

De la (re)qualification à la disqualification ? Territoires et sociétés des marges à l’épreuve de la labellisation. Le cas de Taliouine (Anti -Atlas, Maroc)

Mari Oiry-Varacca

Résumé

Cette communication porte sur les processus de singularisation dans des régions de montagne marginalisées dans lesquelles l’obtention de labels fait figure de nouvelle manière de fabriquer du territoire, en mettant en avant ce qu’il a de spécifique, pour lutter contre la marginalisation. Labelliser permettrait de requalifier des territoires laissés pour compte, de les distinguer par rapport aux autres, en faisant reconnaitre leurs qualités. Pourtant, qualifier autrement des espaces transforme effectivement ces espaces, mais pas toujours dans le sens attendu : la labellisation peut renforcer les différentiels entre territoires, en disqualifier certains, exclure certains acteurs et attiser les conflits. Est proposée ici une lecture critique des processus de labellisation et de ce qu’ils disent des processus de territorialisation dans les marges : constituent-ils véritablement des innovations sociales ? Pour répondre à ces interrogations, sont étudiés les modalités de ces processus – acteurs impliqués et échelles auxquelles ils se réfèrent – et leurs effets sociaux et territoriaux : à qui et à quels territoires les labellisations bénéficient-elles ? Quelles territorialités font-elles émerger ? Le cas de Taliouine, dans l’Anti-Atlas, au sud du Maroc est utilisé comme exemple. Il s’agit d’une région délaissée par les pouvoirs publics au point qu’elle a été (et reste) une terre d’émigration vers la France. La diaspora ainsi constituée s’est organisée en créant l’ONG Migrations et Développement. Après avoir réalisé dans leur région de départ les infrastructures de base (réseaux d’électricité et d’eau potable, pistes), à partir du milieu des années 1980, ses membres se sont attelés, récemment, à valoriser le safran, produit phare de la région, notamment en encourageant sa labellisation. L’obtention en 2010 d’une Indication Géographique Protégée pour le safran cristallise les réflexions des nombreux acteurs en présence (ONG issue de la diaspora mais aussi institutions marocaines, acteurs touristiques, paysans) sur la manière de construire une image singulière du territoire lisible à l’extérieur, et de « faire territoire » collectivement. Dans le cadre d’une approche interdisciplinaire, mêlant géographie et anthropologie, les territoires sont appréhendés comme le produit de rapports de pouvoir, et les processus de labellisation comme des arènes où se négocient des conceptions différentes du territoire. Les études qui pensent les processus de territorialisation en termes de « rescaling » sont mobilisées, pour analyser les jeux d’acteurs et d’échelles à l’œuvre. Le travail anthropologique effectué sur le terrain pendant plusieurs années permettra d’analyser les récits qui s’expriment à l’occasion de la labellisation, les représentations du territoire, les mémoires qu’ils engagent, et les savoirs mobilisés par les acteurs en présence lorsqu’ils alimentent le processus de labellisation ou s’opposent à lui. Il s’agira de montrer comment les représentations différenciées du territoire et les savoirs sur le territoire sont négociés. Le rôle des acteurs « médiateurs » comme Migrations et développement sont étudiés dans ce processus : ils véhiculent des représentations et des savoirs hybrides, en jouant sur des échelles multiples qu’ils articulent de manière complexe, au point de remettre en question les catégorisations d’acteurs et d’échelles classiques (local/national/international). Le point de vue des acteurs ordinaires (paysans, habitants) qui, loin des arènes où se négocient les labels, s’estiment exclus du processus de labellisation est présenté. Les représentations et les savoirs non pris en compte dans le processus sont identifiés, ainsi que les effets sociaux et territoriaux potentiellement négatifs de celui-ci (exclusion d’acteurs, banalisation du territoire labellisé, stigmatisation des territoires non labellisés et accentuation des inégalités territoriales). Cela permet de questionner les effets de l’insertion du territoire de Taliouine dans des réseaux multiples et d’échelles variables, et de l’intervention dans le processus de singularisation d’acteurs à la croisée des échelles. Au-delà des conflits révélés et amplifiés par la labellisation, les arrangements que trouvent les acteurs pour « faire avec » celle-ci et en faire une ressource dans des stratégies propres.

Domaines

Géographie
mari_oiry.mp3 (15.97 Mo) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01284931 , version 1 (08-03-2016)

Licence

Paternité - Pas d'utilisation commerciale - Partage selon les Conditions Initiales

Identifiants

  • HAL Id : hal-01284931 , version 1

Citer

Mari Oiry-Varacca. De la (re)qualification à la disqualification ? Territoires et sociétés des marges à l’épreuve de la labellisation. Le cas de Taliouine (Anti -Atlas, Maroc). Deuxième Université Internationale d'hiver, LabEx ITEM, Jan 2016, Autrans, France. ⟨hal-01284931⟩
99 Consultations
5 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More