Nouvelle perspective en paléodémographie : apports de la cémentochronologie.
Résumé
Un profil de mortalité peut-il être établi à partir de la compilation des
estimations d’âge au décès individuel ? La corrélation élevée entre
l’âge réel et l’âge estimé, obtenue par comptage des anneaux du cément
dentaire sur des échantillons d’âge connu, ainsi qu’une meilleure précision
par rapport aux méthodes d’estimation de l’âge couramment utilisées
permettent de proposer une alternative à un échantillon de référence.
L’apposition linéaire et continue de ce tissu minéralisé, depuis
l’éruption dentaire jusqu’au décès de l’individu ou à la perte ante mortem,
permet d’estimer l’âge au décès des individus immatures et des
adultes à partir de la même méthode. Les âges au décès de 151 individus
sont estimés à partir du comptage des lignes d’incrément cémentaire
de 109 adultes et 42 immatures inhumés dans la cathédrale Notre-
Dame du Bourg à Digne entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Pour pallier
le problème de l’intervalle d’estimation de l’âge au décès chevauchant
plusieurs classes d’âges démographiques, les probabilités individuelles
d’appartenance à chaque classe d’âges sont calculées puis sommées par
classe d’âges afin de produire la répartition probable par âge au décès
de l’échantillon étudié. La comparaison avec le schéma de mortalité
archaïque met en évidence la sous- représentation de la mortalité infantile
ainsi que celle des adultes âgés, toute deux dues à un biais d’échantillonnage.
L’étude des archives historiques et l’analyse cémentaire
mettent en évidence une même anomalie démographique consistant
en un déficit de cinquantenaires. Pourtant, cette concordance des sources
est fortuite et s’explique par des âges déclarés approximatifs d’une
part et par une sous-représentation des 50-59 ans d’autre part. À la
lumière des archives historiques, nous discuterons représentativité,
« complémentarité et discordances » ainsi que limites et biais des sources
biologiques et historiques.