« Une défaite qui concurrence une victoire : Agnadel, 1509 » - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2015

« Une défaite qui concurrence une victoire : Agnadel, 1509 »

Résumé

Le soir du 14 mai 1509, sur le champ de bataille de Ghiaradadda (Agnadel), le doute n’est pas permis : les Français ont bien vaincu les troupes vénitiennes, pourtant réputées invincibles. Commence alors une autre bataille, celle de l’information et de l’interprétation qui oppose très vite deux récits de l’événement. Si quelques textes insistent sur la victoire arrachée par les Français (Symphorien Champier, Le Triumphe du Très-Chrestien Roy de France Louis XII, Lyon, Claude Davost, 1509 ; Claude de Seyssel, La Victoire du roy de France contre les Vénitiens, Paris, Antoine Vérard, 1510), les plus nombreux — y compris dans le camp français — regardent cet événement comme une défaite vénitienne, davantage que comme une victoire française. Le constat est banal, voire trivial : la défaite de l’un est toujours la victoire de l’autre, mais après Agnadel, la concomitance et la concurrence de deux récits d’un même événement permettent d’interroger les usages du terme « défaite » au xvie siècle. Ainsi, la propagande française choisit deux modalités d’expression : d’un côté, une exploitation classique de la victoire à l’intérieur du royaume ; de l’autre, un usage retors des textes de déploration dans la péninsule italienne, par la parodie de lamenti vénitiens qui mettent en scène la défaite plus que la victoire. Quant aux textes italiens — qu’ils soient d’origine vénitienne ou non — ils décrivent davantage la rotta vénitienne que la vittoria française. La façon dont les contemporains jouent avec le substantif le plus approprié à l’épisode (défaite ou victoire ?) révèle un enjeu crucial pour comprendre les guerres d’Italie. Parler de défaite vénitienne, c’est déplacer l’interprétation de ces guerres : la question n’est pas celle de la domination de la péninsule italienne par les barbares étrangers, mais plutôt celle des modèles politiques qu’expérimentent les différents États de la péninsule. Enfin, Agnadel apparaît aussi, aux yeux de l’historien, comme une autre illustration de ce que Braudel appelait « les limites de l’histoire événementielle » à propos de Lépante : en reprenant rapidement, dès 1510, le contrôle de la Terre-Ferme, Venise oblige les contemporains à reconsidérer, dans une certaine urgence, la définition des événements qu’ils vivent.

Domaines

Histoire
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01249803 , version 1 (03-01-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01249803 , version 1

Citer

Florence Alazard. « Une défaite qui concurrence une victoire : Agnadel, 1509 ». Jean-Marie Le Gall. La défaite à la Renaissance, Droz, pp.261-276, 2015. ⟨hal-01249803⟩
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