Les productions orales: quelques aspects de l'élaboration du discours
Résumé
Si on considère les conversations ordinaires et les échanges au quotidien, l’oral est dit spontané car il y a concomitance entre la planification du discours et son émission en situation de communication. Il se construit « en direct », en même temps qu’il s’élabore, sans décalage dans le temps.
Il y a de ce fait des conséquences sur les énoncés : l’apparition de phénomènes dits de ratures –dites scories. Ces traces d’élaboration qui passent pour la plupart inaperçues quand elles sont en nombre limité et quand on n’est pas fixé sur elles comme le sont certains linguistes peuvent susciter un grand rejet. Ce sont des ‘turbulences’ exprimées sous la forme d’hésitations, d’inachèvements, de recherches de mots, de répétitions, etc. Quand on fait des transcriptions pour analyser le discours, ces ‘ratés’ sont déstabilisants. D’ailleurs, les transcripteurs amateurs ou les informaticiens qui s’intéressent à l’édition des corpus sont tentés de les gommer. Mais les gommer induit que :
-l’on projette sur la langue parlée les modèles d’organisation des productions de langue écrite ;
-l’on présuppose que l’on peut reformuler de différentes façons un contenu strictement identique.
De notre point de vue, il est important de bien connaître le fonctionnement de la langue dans ses spécificités. Les différences entre l’oral et l’écrit peuvent toucher l’acquisition, le canal, la morphologie, les tendances grammaticales, etc. Nous nous intéresserons ici qu’à quelques aspects relatifs au moment de saisie.
Nous avançons que les traces, caractéristiques du processus de production, sont à analyser comme les indices d’une véritable activité de construction du langage : il y a d’une part une mise en place syntaxique du texte qui peut être monotone ou variée et d’autre part le remplissage lexical qui mérite plusieurs analyses / interprétations.
L’oral est à cet égard intéressant pour la linguistique cognitive.Nous décrivons dans cette communication certains de ces phénomènes qui, tous, ne sont pas imputables exclusivement à la production d’une parole improvisée. Les fameuses scories de l’oral ne sont pas toutes à verser au compte des limitations cognitives du locuteur ; certaines procèdent d’un bon usage des ressources interactionnelles qui sont mises à disposition et manifestent une capacité à produire des énoncés perspicaces interactivement.