Le cerveau est un « livre qui se lit lui-même ». Diderot, la plasticité et le matérialisme. - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie Année : 2014

Le cerveau est un « livre qui se lit lui-même ». Diderot, la plasticité et le matérialisme.

Résumé

Materialism is the view that everything that is real, is material or is the product of material processes. This tends to take either of two forms: a more ‘cosmological’ claim about the ultimate nature of the world, and a more specific claim about how what is mental is really in fact cerebral – how mental processes are brain processes. In the twentieth century, the predominant science in this context was physics: materialism became synonymous with ‘physicalism’; the entities that were considered to be real were those described in the physics of the time. Here I shall not be concerned with the relations between materialism and physics, but instead with the second species of materialism: claims about minds and brains. Diderot was one of the first thinkers to notice that any self-respecting materialist had to address the question of what brains do, and how much of our mental, affective, intellectual life is contained therein. After this the topic grew stale, with repeated reiterations of ‘psychophysical identity’ notably by German scientists in the nineteenth century and more complex versions thereof in twentieth-century ‘identity theory’. If we contrast Diderot’s materialism with these other cases, several notable features emerge, chiefly that Diderot allows for a much more culturally saturated or sedimented sense of the brain, which he describes as a book – “except it is a book which reads itself”.
Le cerveau est un « livre qui se lit lui-même ». Diderot, la plasticité et le matérialisme. Matérialisme, cerveaux et discontinuité Y at -il une approche matérialiste du cerveau, ou plusieurs, et dans le second cas, où situer la position de Diderot ? Remarquons tout de suite, à la suite de Günther Mensching, que le matérialisme ne procède pas par « un enchaînement de doctrines transmises et modifiées de génération en génération 1 » ; au contraire, s'il est une tradition, elle est de nature « discontinue 2 », puisque chaque époque est obligée de refonder une forme de matérialisme sur des bases neuves : à partir de la théologie elle-même, au moyen d'éléments aristotéliciens et averroïstes, puis de l'histoire naturelle et des débuts de la « biologie », au XVIII e siècle ; de la biochimie au XIX e siècle, la physique durant la première moitié du XX e siècle et, plus récem-ment, suivant une inspiration venue des neurosciences. On peut aussi résumer cette diversité de formes, d'articulations et d'« assises » scientifiques par une distinction entre deux types de projets matérialistes, A et B : A: l'univers dans son essence est matériel. D'Holbach, par exemple, affirme que « L'univers, ce vaste ensemble de tout ce qui existe, ne nous offre partout que de la matière et du mouvement 3). On peut considérer cette forme de matérialisme comme à la fois ancienne (l'atomisme) et renouvelée sous des formes physicalistes modernes, avec l'essor de la physique. Le matérialisme se présente habituellement, soit comme une thèse concernant la nature du monde même, notamment physique, soit une thèse concernant le rapport entre le cerveau et l’esprit. Au XXe siècle, il devient synonyme de « physicalisme » : ce qui est réel, ce sont les entités et processus décrites par la physique actuelle (une ontologie modifiable, donc, suivant les évolutions scientifiques). Ce rapport entre le physicalisme et les rapports cerveau-esprit demeure flou, même dans un contexte nourri par les nouvelles disciplines « cognitives » y compris la neurophilosophie. Or, le premier philosophe à avoir explicitement saisi que le matérialisme, a fortiori s’il veut saisir la richesse de notre activité symbolique, doit se préoccuper du statut particulier du cerveau, des dimensions « cérébrales » de notre vie affective, mentale et intellectuelle, fut Diderot. Après Diderot, les « matérialistes vulgaires » puis les théoriciens matérialistes de l’ « identité » aux XIXe-XXe siècles ont tendance à appauvrir ce matérialisme incarné où notre dimension corporelle et psychologique est centrale, alors que la vision diderotienne des rapports cerveau-esprit ou même cerveau-culture tend crucialement à accentuer la plasticité cérébrale, voire même la plasticité « culturelle » du cerveau - à contre-courant des formes de matérialisme postérieures. Sans faire de Diderot un prédécesseur d’une science non-existante à son époque, ou un révolutionnaire conceptuel qui conviendrait à notre univers de la complexité (à la Prigogine et Stengers), je réévalue le rapport de son matérialisme à la neurophilosophie contemporaine, et la présence (possible) d’une neurophilosophie, certes programmatique, chez Diderot lui-même.
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Citer

Charles T. Wolfe. Le cerveau est un « livre qui se lit lui-même ». Diderot, la plasticité et le matérialisme.. Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 2014, 49, pp.135-156. ⟨10.4000/rde.5163⟩. ⟨hal-01232641⟩
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