Économie de l’adaptation au changement climatique - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Rapport (Rapport D’expertise Collective) Année : 2010

Économie de l’adaptation au changement climatique

Résumé

L’adaptation est restée pendant longtemps le parent pauvre du débat et des politiques sur le changement climatique. Mais la diffusion de l’information sur le changement climatique amène de nombreux acteurs à s’interroger sur la meilleure manière d’en limiter les conséquences, et on voit éclore une multitude d’initiatives sur l’adaptation, notamment au niveau local. L’adaptation prend aussi une importance croissante dans la négociation internationale. L’adaptation peut être définie comme « l’ensemble des évolutions d’organisation, de localisation et de techniques que les sociétés devront opérer pour limiter les impacts négatifs du changement climatique et en maximiser les effets bénéfiques ». Elle recouvre des formes d’actions très variées qui s’appliquent à de nombreux secteurs. Ses problématiques diffèrent suivant les zones et les échelles géographiques et sa mise en oeuvre implique de combiner des instruments très divers. Le présent rapport propose un cadrage économique général du problème de l’adaptation afin d’aider les acteurs publics et privés à construire des stratégies d’adaptation efficaces. Pour ce faire, il dresse les enjeux généraux de l’adaptation, identifie les leviers pertinents de l’action publique puis en décrit les implications pour la conception des stratégies d’adaptation. Quatre enjeux majeurs pour les stratégies d’adaptation En premier lieu, il faut tenir compte de trois type d’incertitudes qui s’additionnent : celles sur l’évolution future du climat – les impacts attendus du changement climatique étant incomparables selon qu’on se situe dans un scénario de hausse moyenne de +2°C ou de +4°C ; celles sur les conséquences possibles d’un scénario climatique donné au plan local ; et celles sur l’évolution des capacités d’adaptation de nos sociétés dans le futur. L’incertitude impose notamment d’évaluer les mesures d’adaptation en tenant compte du degré de flexibilité qu’elles préservent pour l’action future, à mesure que viendra s’ajouter de l’information supplémentaire. Toutefois, compte tenu des inerties techniques, économiques, politiques, institutionnelles et culturelles, il n’est pas toujours possible de prendre des mesures d’adaptation parfaitement flexibles. Par exemple, la durée de vie du capital dans des secteurs comme les infrastructures, le bâtiment ou la forêt est du même ordre de grandeur que l’échelle de temps du changement climatique. Dans ces cas de figure, il est nécessaire de faire des choix relatifs à l’adaptation en l’absence d’information complète, malgré le risque de « maladaptation » ex post. En troisième lieu, le changement climatique est un processus continu. Par conséquent, la question n’est pas de savoir comment s’adapter à un « nouveau » climat, mais de savoir comment et à quel coût nous pouvons adapter nos sociétés à un climat « sans cesse changeant ». L’adaptation doit donc être comprise comme une politique de transition permanente sur le très long terme. Un plan d’adaptation sur quelques années n’est qu’une étape dans ce processus. Enfin, il est dans certains cas trop coûteux ou techniquement impossible de s’adapter « à la marge » en maintenant à l’identique et au même endroit les activités ou les services existants. S’adapter au changement climatique requiert souvent des bifurcations vers d’autres activités et/ou d’autres localisations. La présence de bifurcations requiert en particulier que les politiques d’adaptation soient élaborées et conduites dans un cadre intersectoriel. Elle implique également que les impacts à venir du changement climatique soient intégrés dès aujourd’hui dans les choix d’aménagement du territoire et les plans d’urbanisation. La question des transitions entre activités et/ou entre régions devient dès lors un enjeu central. Le rôle de l’action publique en matière d’adaptation La légitimité de l’action publique en matière d’adaptation n’est pas automatique car les bénéfices des mesures d’adaptation sont le plus souvent privés, ce qui incite les ménages, les entreprises et les collectivités à s’engager spontanément dans l’adaptation. Il existe cependant 3/89 des circonstances dans lesquelles cette adaptation spontanée risque d’être insuffisante, voire contreproductive. Une réflexion est nécessaire au cas par cas pour déterminer les champs dans lesquels l’intervention de l’autorité publique est requise. Le rapport en identifie quatre. En premier lieu, les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer dans la production et la diffusion de l’information sur le changement climatique, ses impacts et les moyens de s’y adapter afin de permettre aux acteurs privés de prendre leurs décisions en connaissance de cause. Transmettre l’information sur l’incertitude et sur les outils à même de la prendre en compte est ici essentiel. Un second type d’action publique vise à adapter les normes, les règlements et la fiscalité qui encadrent l’action des acteurs publics et privés. Le rapport prend l’exemple des normes qui affectent la demande en eau et celles qui concernent le capital fixe à longue durée de vie. A côté des normes techniques stricto sensu, il peut s’avérer nécessaire d’adapter les normes procédurales, ainsi que d’autres normes non directement liées au climat, mais qui impactent la capacité à s’adapter, par exemple les normes architecturales dans le domaine du bâtiment. Un troisième type d’action publique concerne les institutions. En modifiant de manière rapide et imprévisible les circonstances, le changement climatique va exercer une tension croissante sur les institutions et contrats existants. Il convient de s’assurer que les institutions sont capables d’identifier les signaux précurseurs des tensions et des crises, d’équilibrer les intérêts des différentes parties prenantes, et de mettre en oeuvre, de manière crédible, les solutions qu’elles proposent. L’histoire suggère que les institutions jouent un rôle essentiel dans l’adaptation. Par exemple, le succès de la Hollande face aux inondations tient autant à la mise en place des institutions nécessaires à la gestion du risque qu’à la capacité technique à ériger des digues. Le quatrième type de mesures publiques face au changement climatique recouvre l’action directe d’adaptation de l’Etat et des collectivités locales sur les infrastructures publiques, les bâtiments publics et les espaces et écosystèmes dont les collectivités publiques ont la charge : parcs naturels, forêts domaniales et communales par exemple. Plus largement, il s’agit d’intégrer les impacts à venir du changement climatique dans les politiques d’aménagement de l’espace et les grands investissements qui impactent le maillage du territoire. Les méthodes à utiliser pour construire une stratégie d’adaptation Un processus en sept étapes pour construire une stratégie d’adaptation est décrit dans le rapport. Il commence par une identification large des mesures d’adaptation possibles ; ensemble qui est ensuite réduit grâce à l’identification des mesures les plus urgentes : en particulier celles prévenant des impacts imminents ou concernant des choix à faire aujourd’hui mais ayant des conséquences à très longs termes. La plus ou moins grande pertinence économique permet de restreindre un peu plus l’éventail initial des possibles. Sur cette base, une stratégie d’adaptation peut être construite, notamment en recherchant des mesures robustes et flexibles qui permettent de prendre en compte l’incertitude sur les climats futurs, et en maximisant les co-bénéfices engendrés par l’adaptation. Les mesures dont les cobénéfices sont supérieurs aux coûts, souvent qualifiées de « sans regret », sont ici particulièrement intéressantes. Se doter d’indicateurs permettant d’évaluer l’efficacité des mesures retenues à mesure qu’elles sont mises en oeuvre est aussi essentiel à la construction d’une stratégie d’adaptation. A condition d’intégrer correctement l’incertitude, le calcul économique constitue un outil efficace pour évaluer l’opportunité économique des mesures d’adaptation envisagées. Mais d’autres approches, notamment multicritères, sont aussi nécessaires pour informer au mieux les choix individuels et collectifs en matière d’adaptation en tenant compte de la complexité des conséquences du changement climatique et des actions d’adaptation.
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Origine : Fichiers éditeurs autorisés sur une archive ouverte

Dates et versions

hal-01189449 , version 1 (06-06-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01189449 , version 1
  • PRODINRA : 37802

Citer

Stéphane Hallegatte, Franck Lecocq, Christian Perthuis De. Économie de l’adaptation au changement climatique. [0] Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer. 2010, 89 p. ⟨hal-01189449⟩
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