Socialisation et apprentissage dans les « milieux difficiles ». Entre terrain et recherche. - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Revue Enseigner l'EPS Année : 2010

Socialisation et apprentissage dans les « milieux difficiles ». Entre terrain et recherche.

Olivier Vors

Résumé

« Les compétences sociales et civiques » représentent un des sept piliers du socle commun de connaissances et de compétences (Décret n° 2006-830 du 11-7-2006). Ces directives concernent tous les collèges et écoles primaires mais il est particulièrement central dans les « milieux difficiles » (van Zanten, 1997). Depuis la massification du système scolaire liée (entre autres) à l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans (Réforme Berthoin, 1959) et à la mise en place du collège unique (Loi Habby, 1975), la socialisation est devenue une question centrale de l’enseignement conjointement aux problèmes d’échecs scolaire. Dans le cadre des établissements d’enseignement difficile, relevant de la politique d’Éducation Prioritaire en France, la préoccupation majeure des enseignants est de lutter contre l’échec scolaire et de socialiser les élèves. Une des premières caractéristiques des élèves scolarisés en Éducation Prioritaire est en effet le poids d’une sociabilité juvénile, construite à l’extérieur de l’école et qui entre souvent en concurrence avec la socialisation scolaire (Glasman, 2003). L’élève oscille entre des activités scolaires et des activités déviantes tournées vers son groupe de pairs. Cela se manifeste en classe par des comportements marqués par une forte tendance à décrocher des tâches scolaires, un refus de travailler, des agitations, des chahuts pouvant aller jusqu’à la violence, rendant les conditions de travail particulièrement instables. L’articulation de logique de socialisation et d’apprentissage apparaît alors comme un problème professionnel central. Comment font les enseignants qui réussissent ? Comment parvenir à concilier l’apprentissage et la socialisation des élèves en « milieu difficile » ? Dans ces conditions que font les élèves dans la classe ? L’objet de cet article est de répondre à ces questions a) en appréhendant comment l’enseignant parvient à enseigner malgré les troubles du comportement et la sociabilité juvénile prégnante des élèves et b) en analysant les activités sociales et de travail des élèves. Le cadre théorique adopté est celui du cours d’action (Theureau, 1992) appliqué à l’enseignement de l’EPS (Durand, 2001). L’option adoptée est celle d’une entrée contextuelle par les situations de classe : il s’agit d’étudier les activités telles que les enseignants et les élèves les produisent réellement et de les décrire pour comprendre comment la socialisation et l’apprentissage s’opèrent concrètement en classe. Cette approche théorique qualitative se base sur deux présupposés fondamentaux. D’une part, les activités humaines sont toujours sociales, porteuses d’une culture qu’elles contribuent à façonner. D’autre part, le prima est donné à l’intrinsèque. L’acteur construit des significations dans l’action qui sont fondamentales car elles vont influencer l’action future. Les participants concernés étaient neuf élèves (trois par classe) de classes de 6ème, 5ème et 4ème et leur professeur d’EPS, issus d’un collège classé RAR de la banlieue lilloise. Ces individus ont été suivis au cours d’un cycle de gymnastique par ateliers. Deux types de données ont été recueillis : (a) des données d’observation et d’enregistrement audiovisuel de l’activité in situ des élèves et de leur enseignant à l’aide de trois caméras et de deux micros ; (b) des données d’entretiens d’autoconfrontation (Theureau, 2004) obtenues par l’explicitation des actions de l’acteur confronté à sa propre image vidéo. L’analyse a consisté à rendre compte de (1) l’activité des neuf élèves et des trois enseignants, par un tableau mettant en concordance temporelle leurs actions et communications en classe, avec leurs verbatim d’entretien. Pour chaque acteur, les éléments significatifs au cours de la leçon ont été comparés et regroupés par traits de similarité afin d’extraire les éléments typiques récurrents de leur cours d’action : leurs comportements, intentions, perceptions et interprétations. Enfin les matériaux ont été croisés afin de repérer et d’analyser des régularités dans l’activité des élèves et de l’enseignant. Ainsi nous avons pu décrire et comprendre in situ : a) les activités typiques de l’intervention de l’enseignant et b) l’activité sociale et de travail des élèves. Les résultats montrent que dans la classe, au delà des tensions entre la culture scolaire et la culture de cité, une ambiance collective de travail se construit. Elle se définit comme un état collectif stable où la socialisation scolaire et les sociabilités juvéniles cohabitent sans entretenir des relations de concurrence, tout en permettant une activité dominante de travail.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01143203 , version 1 (16-04-2015)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01143203 , version 1

Citer

Olivier Vors, Nathalie Gal-Petitfaux. Socialisation et apprentissage dans les « milieux difficiles ». Entre terrain et recherche.. Revue Enseigner l'EPS, 2010, 248, pp.24-28. ⟨hal-01143203⟩
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